Frédéric Thomas

  • Maïs sous plastique en Bretagne
4
mai
2018

Les vers de terre migrent

Ver de terre migrant
Ver de terre migrant
Crédits : Pixabay / catarina132

Avec le printemps plutôt humide et la végétation qui démarre, les vers de terre reprennent leurs activités après un long hiver à l’abri du froid et des intempéries.

Normalement nos sympathiques collaborateurs sont très prudents et on les trouve rarement à la surface pendant la journée. Ils sont sensibles aux ultra-violet et leur peau perd rapidement son humidité sous le soleil. A la surface, ils s’exposent également à toute une cohorte de prédateurs alors pourquoi en retrouve-t-on après une grosse pluie ou un orage dans les chemins, sur la route et même au beau milieu de la cour ?

Ils souffrent plus du manque que de trop d’eau

Plusieurs théories tentent d’expliquer pourquoi les vers de terre sortent de leur galerie protectrice et s’exposent aux éléments et prédateurs. La plus courante est que les vers de terre fuient leur galerie emplie d’eau pour éviter la noyade. Cependant les chercheurs ont repoussé cette idée en montrant que nos lombrics peuvent vivre plusieurs jours immergés dans l’eau. En fait, ils souffrent plus du manque que de trop d’eau car leur peau doit rester humide pour assurer leur respiration.
Une autre version populaire est que le « tambourinage » des gouttes de pluie sur le sol déclenche des vibrations similaires à celles de prédateurs comme les taupes. Les vers fuiraient donc vers la surface pour s’échapper. C’est d’ailleurs un moyen utilisé par certains oiseaux mais aussi les pêcheurs pour en capturer quelques-uns.
Les vers remontent en surface également pour s’accoupler mais ils préfèrent une couverture végétale et l’obscurité. Il y a donc autre chose qui les pousse à de tels agissements lors des fortes pluies.

C’est la contrainte qui pousse à s’exiler

Les scientifiques arrivent aujourd’hui avec une explication plus plausible : ils pensent que cet environnement humide apporte un terrain idéal pour la migration des vers de terre. Ces conditions leur permettent de tenter de changer d’endroit contrebalançant les risques de croiser le bec d’un oiseau affamé ou de se retrouver grillé par le soleil revenu au milieu de la cour.
Cette hypothèse soulève donc une question de fond : pourquoi les vers de terre migrent-ils quitte à prendre tous ces risques ? Sont-ils à la recherche d’aventure, explorent-ils de nouveaux terrains de jeux ou fuient-ils des conditions de vie trop compliquées chez des agriculteurs travaillant leur sol ? La réponse semble assez facile et c’est toujours la contrainte qui pousse à s’exiler et entre autres, surtout le manque de ressource alimentaire. Ces vers de terre sont donc des individus affamés et sans avenir là où ils sont qui tentent leur chance, au grand péril de leur vie, de trouver un nouveau lieu et environnement pour survivre.

Plusieurs enseignements s’imposent donc ici :
 La nature possède une forte capacité de dispersion ce qui lui permet de recoloniser assez rapidement des milieux où elle avait été repoussée. C’est certainement par ce type de migration que les vers de terre ont progressivement réinvesti vos parcelles en AC.
 La préservation d’une couverture végétale vivante et/ou morte à la surface est aussi très stratégique afin de leur permettre de se déplacer avec beaucoup moins de risques.
 Le travail du sol à cette époque de migration peut être très impactant.
 Enfin et si le travail du sol est le plus gros « prédateur » des vers de terre devant toutes les autres pratiques culturales, la ressource alimentaire sera le facteur limitant principal. Le niveau de biomasse produit et laissé au champ, sa qualité (C/N et sucres) et sa continuité (régularité dans le temps) déterminent l’énergie disponible d’un milieu et donc le potentiel global de vie. Même dans une parcelle conduite en AC depuis de nombreuses années, la régulation et la dispersion de l’activité biologique s’établi par une compétition âpre entre les différents étages et les individus. Les plus faibles finiront par mourir de faim, être consommés par d’autres ou s’ils en ont la possibilité et encore la force, ils tenteront leur dernière chance en prenant leur baluchon comme ces vers de terre et fuir lorsque les conditions leur semblent favorables.
Cependant il ne faudrait pas croire que ce type de migration est moins présent chez vous sous prétexte que vous être en SD avec beaucoup de couverts Biomax et des pratiques phytos réduites. C’est plutôt le contraire, vous êtes tellement bons à les accueillir, les nourrir et les préserver qu’ils se multiplient très bien avec un « surplus » de population important qui obligera plus de tentatives de migration. C’est une sélection sans pitié qui règne dans nos champs et ce ne sont pas les plus forts et les mieux adaptés qui restent. Par contre, une grande partie de ceux qui tentent l’aventure périra mais ce ne sera que leur juste contribution aux écosystèmes environnants. Il faut savoir partager un peu de ses vers de terre et de ses carabes pour encourager les oiseaux par exemple. La nature est peut-être « belle » mais terriblement « cruelle » et génialement bien « organisée ».

Hérisson mangeant un ver de terre (vidéo)
Hérisson mangeant un ver de terre (vidéo)
Source : http://footage.framepool.com/mov/639-321-467.mp4

12
janvier
2018

Couverts végétaux : direction la jardinerie !

Jean-Paul Grelard
Jean-Paul Grelard

Jean-Paul Grelard est agriculteur ACiste et horticulteur/pépiniériste de l’Anjou. Il pratique la simplification du travail du sol, le SD et les couverts depuis plusieurs années et apprécie d’essayer des nouveautés : c’est son côté « main verte » !
A l’automne 2016, il tente donc un semis direct de blé dans une parcelle de luzerne vivante. L’implantation de la céréale est moyenne au printemps et en catastrophe, il décide de faire un rattrapage de désherbage avec une sulfonylurée. Une partie n’étant finalement pas satisfaisante, il choisit la destruction de la culture en place. « J’aurai pu partir sur un maïs, mais comme je voulais planter des iris pied-mère assez tôt à l’automne, j’ai préféré rester sur un couvert en relais  » précise l’agriculteur.

Mélange pour pigeons

Mélange pour pigeons
Malgré un développement remarquable et encore un bon potentiel de biomasse supplémentaire, ce mélange a été broyé mi-septembre pour éliminer les PSDs présents et reprendre la main pour la culture horticole suivante. Il s’agissait d’un mélange d’au moins 10 espèces : maïs, sorgho, blé, tournesol, féveroles, vesces, Cardi (Cumin, plante méditerranéenne très aromatique, cultivée pour ses graines utilisées comme épice en cuisine), sarrasin, ….. à environ 90 cts €/kg. « Certainement que toutes ces plantes n’ont pas d’intérêts agronomiques mais qui sait ! » insiste JP. Grélard encore ébahi par la réussite de son mélange pour pigeons.

Adepte des associations et de diversité végétale, il choisit de semer un mélange pour pigeons qu’il a acheté dans la jardinerie voisine. Aventurier mais prudent, JP. Grelard avait cependant déjà testé la germination de ce type de graines sous une serre pendant l’hiver. Surpris de la qualité de levée, il avait même renouvelé l’expérience dans un carré du jardin au printemps avec le même résultat. « Comme je suis habitué à faire ce genre de semis pour d’autres de nos cultures, j’ai utilisé la même méthodologie. Toutes les graines ont levé alors que c’est a priori, que de la nourriture pour pigeons où le taux de germination à peu d’importance » avoue-t-il encore surpris.
Au champs et dans la bande où le blé a été détruit, il sème donc ce mélange le 20 juin 2017 et pour continuer l’expérimentation jusqu’au bout, il varie le dosage entre 25, 50 et 100 kg/ha.

Son couvert remporte la palme

Comme sous la serre ou dans le jardin, la levée est très bonne mais des légumineuses et d’autres dicots du mélange ont disparu ; sans doute à cause de la rémanence du désherbant tardif sur le blé. Néanmoins le couvert se développe bien. Vers le 15 septembre, lors d’un tour de plaine avec son groupe Semis Direct Sous Couvert de la Chambre d’Agriculture 49 où l’un des objectifs était de comparer des implantations des couverts avec à la clé une pesée Merci (Méthode d’Evaluation des Restitutions de Cultures Intermédiaires), c’est son couvert qui remporte la palme avec 6,1 t de MS/ha (pour la dose de semis 50 kg/ha et pour seulement 85 jours de végétation). « Bien entendu ce couvert avait été semé plus tôt que les autres, mais à la mi-septembre, on était loin d’être au bout de la croissance qui pouvait encore ajouter 3 à 5 t de MS. En plus, la disparition d’une partie des espèces à certainement réduit la production potentielle et aussi permis à des PSDs, très présentes dans ces parcelles à l’historique chargé en maïs, de s’inviter » affirme Jean-Paul et de compléter « pour éviter de me charger en graminées estivales, j’ai choisi de faucher rapidement la végétation après la visite et reprendre la main pour mes iris ».
Encore très surpris de ce résultat, comme ses collègues du groupe d’ailleurs, JP. Grelard envisage déjà de tester à nouveau cette idée en 2018 mais dans de vraies conditions de couverts. «  C’est incroyable d’aller chercher des semences et des mélanges compliqués assez loin alors que nous en avons presque à disposition dans le GamVert du coin et à prix très abordables  » conclut-il.

Aliments pour pigeons
Dans une jardinerie locale, au milieu du rayon graines pour oiseaux qui semble receler des trésors pour un ACiste, voici l’étiquette d’un autre sac d’aliment pour pigeons vendu pour 16 € TTC les 20 kg. Il ne contient rien qui puisse être ennuyeux, bien au contraire. Il est simplement préférable de vérifier qu’il ne contient pas de graines d’adventices et de tester le niveau de germination avant de le semer. Ce type de semences, facilement disponibles, peut également servir de complément à d’autres espèces déjà présentes sur l’exploitation pour venir étoffer et diversifier des Biomax. Il sera maintenant difficile de dire qu’il est compliqué de trouver des semences de mélanges de couverts !


4
septembre
2017

Une bonne corrélation ne signifie pas qu’il y ait causalité

Manipulation de l’information : l’exemple du glyphosate

Avec Internet et les réseaux sociaux, l’information circule très vite et très largement. Ceci est intéressant pour ce qui est vrai et juste, bien entendu, mais ces nouveaux canaux sont également appréciés pour la diffusion de canulars comme des fausses informations. Ces outils sont donc devenus le moyen simple d’inonder un grand nombre de personnes et même les médias pour construire des vérités à force de répétitions.
Le deuxième stratagème complémentaire est l’aménagement des graphiques et des données pour amplifier, voire modifier la perception du public. Un site anglophone http://callingbullshit.org/tools.html, que nous vous conseillons, présente rapidement et simplement la panoplie des astuces utilisées pour diffuser des informations tout en leur donnant un angle de lecture. En s’appuyant sur des exemples réels, ce site explique comment des graphiques peuvent être manipulés en supprimant les axes ou en modifiant les échelles, comment repérer la légitimité d’un article scientifique ou comment, en jouant avec des couleurs, des angles ou l’épaisseur des traits, il est possible d’influencer la perception et l’interprétation de données.
Utile pour éviter de se faire balader, ce site, cherchant à être très concret, a osé utiliser ce graphique sur le glyphosate comme exemple au milieu de beaucoup d’autres.

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Incidence des cancers de la thyroïde (âges ajustés) regroupant des données de l’USDA, de NASS et de SEER et publié par Swanson et Al dans le journal des systèmes biologiques en 2014.
Jaune : incidence du cancer de la thyroïde
Rouge : glyphosate appliqué sur maïs et soja en 1000 t
Bleu : % de cultures (maïs et soja) Génétiquement Modifiées
Vert : tendance avant 1990

Comme chacun peut le remarquer, et c’est bien l’objectif de ce graphique, le glyphosate, censé être un perturbateur endocrinien, a une forte influence sur l’incidence du cancer de la thyroïde. Il est donc logique de le bannir !
Cependant une seconde lecture, avec un œil plus averti, s’impose car il est assez facile de créer des graphiques trompeurs en superposant plusieurs séries de données avec chacune sa propre échelle :
Déjà ce graphique ne prouve rien. Il n’y a aucune évidence que cette corrélation, aussi forte soit-elle, prouve une quelconque causalité. Pour se rassurer, les courbes rouge et bleue pourraient être facilement remplacées par l’évolution du nombre de téléphones portables ou de wifi dans les maisons et montrer la même tendance et corélation. Avec les mêmes données, il est donc tout aussi facile de transférer le risque sur ces appareils devenus notre quotidien. Même si cela peut apparaître logique en fonction du contexte et des objectifs visés, ce n’est pas encore une preuve tangible. Comme la palette des éléments pouvant agir sur la thyroïde, ayant augmenté entre 1990 et 2010, est large entre la taille des écrans de télé, le changement des gaz dans les systèmes de clim, la modification des édulcorants ou le nombre de repas pris à l’extérieur, chacun trouvera presque la causalité qu’il souhaite. Ainsi ce même graphique peut être utilisé à l’infini par les vendeurs de peur et des « anti-quelque chose » pour accréditer leurs dires et mobiliser des foules afin de bannir leurs cibles.
L’autre point intéressant sur ce graphique est la manipulation des axes. Déjà pour les incidences, on ne passe pas de 5 à 14 comme pourrait le laisser croire le graphique mais de 5/100000 à 14/100000. Cet artifice permettant bien sûr d’afficher une pente proche de 45 % qui interpelle. C’est pour cette raison que l’échelle correspondante sur la gauche ne va pas jusqu’à 0 ; l’incidence s’en serait déjà visuellement trouvée minorée. Ce qui est encore plus remarquable et tordu ce sont les échelles de droite. A ce niveau, les auteurs ont même osé partir de -10 (virtuellement impossible que ce soit en tonnage de glyphosate ou même en surface d’OGM). Ce stratagème, tout en ajustant les échelles, leur permet cependant de faire courir la courbe rouge (tonnage d’application de glyphosate) juste sur le haut des incidences de cancer pour bien imprimer dans les cerveaux une causalité qui n’existe pas ! En d’autres termes, un graphique où des quantités (tonnage ou % d’utilisation comme ici) sont affichées avec des valeurs négatives doit tirer la sonnette d’alarme : il ne faut surtout pas faire confiance aux informations que peuvent contenir ce document !

Après cette double lecture et cette explication de texte, sans remettre en cause les risques possibles du glyphosate, on comprend mieux comment les anti-glyphosate peuvent arriver à leur fin en faisant circuler des informations habilement manipulées voire à la limite de la malhonnêteté. C’est presque un comble de créer et divulguer sciemment des informations toxiques pour des gens qui prétendent défendre l’intérêt de tous.
Pendant que nous y sommes, nous pourrions presque profiter de cet exemple pour faire une troisième lecture. Sachant, comme nous l’avons exposé, que ce graphique sensé prouver la causalité du glyphosate n’est pas crédible bien que l’ensemble des données soient justes :
Quelle est la contribution réelle du glyphosate à cette faible augmentation des incidences du cancer de la thyroïde au milieu de tous les autres facteurs probables qui sont extrêmement nombreux ? Elle est possible mais certainement très faible !
Au regard de la forte croissance des quantités utilisées et du développement des OGM aux Etats Unis (montré sur ce graphique) et du si faible impact avéré (obliger de trafiquer les courbes) cela devient même rassurant. Le niveau de risque est très réduit et le terme « probable » utilisé par les scientifiques et les experts trouve donc ici tout son sens.
Enfin en France et en Europe où aucun OGM (résistant au glyphosate) n’est possible dans les champs et où les quantités utilisées sont par conséquent très inférieures, il est logique de supposer que les risques s’en trouvent encore plus minimisés.

Vu sous cet angle, on peut se demander pourquoi il faut absolument bannir le glyphosate. Le dogmatisme ne doit pas être une bonne raison et il y a un moment où il faudra bien faire confiance à la science, aux experts et même aux agriculteurs. Il appartient aujourd’hui aux responsables et aux politiques de prendre de vraies décisions courageuses !


28
août
2017

La gesse pour contrôler les campagnols

Graines de gesse
Les graines peu homogènes attestent du côté encore « sauvage » de cette plante qui, en plus d’être une légumineuse intéressante dans les couverts et comme plante compagne, pourrait nous apporter une solution pour la gestion des campagnols dans les parcelles en semis direct.
En complément, la taille des graines qui pouvait être considérée comme un handicap (poids et volume à semer) pourrait devenir un atout en tant que pastilles pour les rongeurs.

Dans la prairie nord américaine, des rongeurs creusant des galeries dans le sol dans lesquelles ils vivent, sont communément appelés « gophers ». Regroupant environ 35 espèces différentes, ces petites bestioles endémiques détruisent prairies et cultures et ne sont pas très appréciées des farmers et ranchers qui envisagent toutes les méthodes pour les réguler et les éliminer même les plus radicales.
Le sujet des gophers outre atlantique est très similaire à celui des campagnols en France entre les prairies du Jura et les parcelles en SD. Dès que le paysage se diversifie, la régulation naturelle, les prédateurs spécialistes mais aussi généralistes arrivent assez bien à contenir les populations à un niveau acceptable. Dans les zones de cultures, c’est aussi et surtout le travail du sol qui contribue à leur régulation. La simplification du travail du sol et plus particulièrement le semis direct sous couvert, qui concoure au développement de la vie du sol, rencontre ici une nouvelle difficulté qui contraint certains à revenir même à un léger travail de surface : un comble pour gérer des souris !
Cependant une récente petite annonce dans « The Canadian Organic Grower » présente une piste intéressante à explorer : la gesse. En effet cette plante utilisée aujourd’hui comme couvert végétal mais aussi plante compagne avec le colza est une légumineuse de choix, qui semble préférer les sols plutôt basiques. Elle est aussi un légume très ancien et/ou un fourrage d’où son nom de pois carré ou lentille d’Espagne également. Cependant elle a été plus ou moins abandonnée à cause de risques de toxicité en cas de forte consommation. Comme le laisse entrevoir son nom latin « lathyrus sativus » elle est reconnue comme pouvant être responsable du lathyrisme, forme de paralysie douloureuse et irréversible des jambes.
Positionnée dans les parcelles en couvert ou en plante compagne, les rongeurs, qui l’apprécient, vont s’en nourrir et absorber la neurotoxine contenue dans les tissus. En fonction de la densité de végétation et du pourcentage de gesse dans leur régime alimentaire, l’effet sera plus ou moins important. En fonction des conditions, on peut supposer qu’il apportera au moins une perturbation supplémentaire si ce n’est pas une vraie régulation « douce ». Mieux encore et comme ce sont les graines qui concentrent cette toxine, un met de choix pour nos campagnols, leur consommation directe doit certainement augmenter l’effet.
Ainsi et au regard de ces nouvelles informations, il semble encore plus judicieux de mettre de la gesse dans les associations de plantes compagnes lors des semis de colza et de la privilégier en tant que couverts notamment dans les intercultures courtes entre deux céréales à pailles. Un petit épandage de graines autour des zones à risques pendant l’hiver pourrait également assurer un complément de gestion.
Bien entendu il ne s’agit pour l’instant que d’une piste qui demande à être vérifiée mais la logique est cohérente et positive. Encore une fois les couverts n’ont pas fini de nous surprendre. Merci d’avance pour vos retours et observations à ce sujet.

Un légume ancien « toxique »
Les gesses sont l’un des plus anciens légumes secs consommés par les humains. La plante entière a été également utilisée comme fourrage. La domestication aurait eu lieu en Anatolie. Bien que parler de domestication soit abusif, la plante cultivée est proche ou identique à la plante sauvage. La culture en est facile, cette légumineuse est peu exigeante sur la nature du sol, elle a de faibles besoins en eau et en fertilité. Comme le sarrasin, elle est donc de tous temps attachée à la pauvreté et n’a pas fait l’objet d’amélioration. C’est certainement pour cette raison qu’elle convient bien comme couvert aujourd’hui où elle donne généralement de bons résultats. En revanche, elle est riche en protéines, acides gras insaturés et en antioxydants. Elle se consomme verte, comme un petit pois ou bien sèche, en farine, sous forme de purée.
La gesse contient par contre un neurotoxique, le βODAP, acide aminé β-N-oxalyle-L-alpha β-diaminopropionique qui provoque une paralysie douloureuse et irréversible des jambes accompagnée de tremblements, d’incontinence que l’on nomme le lathyrisme. Les symptômes apparaissent environ 3 mois après le début d’une forte consommation (plus de 30 % de l’alimentation), le diagnostic est délicat, l’apparition pouvant être lente et évoquer la sclérose en plaques. Le lathyrisme est une pathologie étroitement liée à la pauvreté dans les zones rurales ; de fait la consommation de gesse était généralement réservée aux populations pauvres. A ce titre, les autorités sanitaires espagnoles ont même été jusqu’à en interdire la récolte et la consommation en 1944 ce qui a amplifié sa mauvaise réputation et les réticences des jardiniers. Elle est à nouveau autorisée depuis 2011 comme aliment traditionnel consommé épisodiquement et sous réserve que les gesses ne contiennent pas plus de 0,15 % de βODAP. Un niveau qui peut être encore plus réduit par le trempage et la cuisson dans l’eau bouillante.


7
novembre
2016

Propagande et exagération

Chili pollution
Nuage de particules fines au dessus de la ville de Santiago du Chili. Comme elle se trouve dans une cuvette entourée de montagnes, le phénomène est amplifié. Difficile de nier cette pollution et son impact potentiel sur la santé, mais ce n’est pas en fermant quelques voies ou en stigmatisant la voiture que le problème va être nettement amélioré. Il faut avant tout développer une expertise ouverte et globale et élaborer un vrai projet collectif pour jouer sur toutes les causes.

Pour comprendre comment fonctionnent la désinformation et l’amplification de fausses vérités relayées par des responsables politiques, certains « experts », des associations, les médias et les réseaux sociaux, prenons un exemple non agricole.
La piétonisation des voies sur berge à Paris, voulue par la Mairie, aurait pour effet de réduire les embouteillages et surtout d’améliorer la qualité de l’air.

La fermeture ce ces voies n’est pas logiquement de l’évaporation lourde de particules fines puisque les véhicules chassés de cet axe se répandent un peu partout dans la ville à la recherche d’itinéraires de contournement tout en augmentant et diffusant la pollution ailleurs. En matière d’enfumage, le pire est toutefois atteint par l’épouvantable chiffre de 2 500 décès annuels que les particules fines provoqueraient à Paris. Il y en aurait même 6 500 dans le Grand Paris, selon certains spécialistes.
Cependant, en considérant ces affirmations de plus près, on constate qu’il ne s’agit que de décès qui surviendraient avec une prématurité de deux ans. Le chiffre est d’ailleurs donné au conditionnel par l’organisme qui le mentionne, alors qu’il est présenté à l’indicatif. En réalité, ces statistiques et ces chiffres proviennent d’une étude ancienne, conduite par la Commission européenne au début des années 2000.
« On ne peut pas comptabiliser directement le nombre de décès dus à la pollution atmosphérique car les affections respiratoires, cancers du poumon ou accidents vasculaires cérébraux peuvent être provoqués par de nombreux facteurs. Il n’y a pas de pathologie traceuse mais un faisceau d’éléments convergents », avouait au Monde en mars 2013 Agnès Lefranc, adjointe au directeur du département santé et environnement de l’Institut de veille sanitaire (InVS). « Il s’agit donc de se baser sur des études épidémiologiques qui ont établi une corrélation statistique entre les niveaux de pollution aux particules fines et des risques pour la santé. En mesurant les niveaux de pollution à un moment donné et le nombre de personnes exposées, on peut ensuite réaliser une modélisation pour obtenir le nombre d’années de vie perdues et de décès. Toutefois, les chiffres sont toujours entourés d’une marge d’incertitude. »

Rien qu’une grosse exagération que peu de gens relèvent

Figurez-vous que le nombre moyen de décès annuels à Paris est de 14 000 ces dernières années. Si l’on prêtait foi à ces dires, ce serait donc près de 20 % des morts parisiens qui seraient victimes des particules fines ! Les affections cardio-vasculaires, Alzheimer et le grand âge ne sont rien face à cet épouvantable fléau. L’exagération est aussi au niveau de la cause : la voiture et le diesel. Lorsque l’on sait que plus de 70% de ces fameuses particules fines proviennent de beaucoup d’autres sources et essentiellement les dispositifs de chauffage sans parler du trafic aérien qui survole quotidiennement la capitale.
Même s’il est logique qu’il faille limiter la place de l’automobile en ville, cette fermeture autoritaire n’est justifiée que par des chiffres approximatifs, hypothétiques et fondés sur d’autres facteurs que ceux évoqués pour une pure raison de propagande, sans vraiment de proposition d’alternative ni de vrai projet global.

Transférons cette même histoire et reprise médiatique à l’agriculture, aux « pesticides », et allons-y, au glyphosate !

On constate beaucoup de similitudes. C’est en début 2015 que les publications de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sur les présumés risques cancérogènes du glyphosate ont fait la une et déclenché beaucoup d’agitations. En fait c’est le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), organisme indépendant, qui a annoncé avoir classé trois pesticides dans la catégorie 2A : c’est-à-dire « cancérogènes probables » (dernier échelon avant la qualification de « cancérogène certain »). Parmi les trois molécules réévaluées par le CIRC se trouvent deux insecticides, le diazinon et le malathion, dont l’utilisation est restreinte en Europe et le glyphosate. Dans la conclusion du rapport, le CIRC affirme que l’examen de l’ensemble de la littérature scientifique ne permet pas de conclure avec une totale certitude à la cancérogénicité du glyphosate mais permet d’identifier des risques.
Il n’en fallait pas plus pour que ce type d’annonce, repris en chaîne par les médias, qui s’engouffrent comme toujours dans le sensationnel, titrant facilement « le Roundup classé cancérigène » soit vite repris et activement relayé par de nombreuses associations et ONG, injectant souvent leur propre lecture réductrice et militante. Comme pour les particules fines, la cible était claire et les impacts conséquents devenaient une certitude « scientifiquement » prouvée.
Ensuite, comme Monsanto, les phytos et même la majorité des agriculteurs ont mauvaise presse en matière d’environnement, il est facile d’asséner des contre vérités et même d’aller jusqu’à demander le retrait du glyphosate. A la différence des voitures qui touchent plus de gens sur Paris, la suppression d’un produit chimique, dont ne se servent à priori que des agriculteurs non respectueux de la nature, récolte évidemment l’unanimité.
L’objectif ici n’est pas de nier les risques du glyphosate ni de défendre Monsanto mais de montrer avec un exemple simple et hors agricole et cette comparaison, comment fonctionnent les chaînes de communication. Dans ce monde où l’obscurantisme et la désinformation font recettes. Elles arrivent somme toute assez facilement à faire passer des amalgames rapides pour des vérités.

Rester en éveil

Face à ces bulldozers médiatiques constamment utilisés, il convient donc de rester en éveil et il est urgent de varier les sources et les points de vue. Évidemment, l’information la plus juste et la plus pertinente ne viendra jamais directement à vous. Elle sera souvent plus complexe et pas toujours celle que vous pourriez attendre. Ce n’est cependant que par ce biais mais aussi ce changement d’attitude que l’on pourra sortir des débats bipolaires et passionnels pour élever les échanges et la compréhension. En agriculture comme dans de nombreux secteurs, aucune action n’est jamais totalement neutre et sans risques. Toute orientation est donc un arbitrage entre des choix de risques, une histoire de sensibilité, de compromis et de hiérarchisation.


1er
juillet
2016

Combien d’azote risque d’être mobilisé pour la décomposition des pailles ?

Nombreux sont ceux qui sèment un couvert végétal après la moisson ou qui devront implanter un colza pendant l’été. Au-delà des interrogations quoi implanter et comment faire, se pose souvent la question de la gestion de l’azote. La réponse est assez compliquée et influencée par de nombreux facteurs comme le niveau d’auto-fertilité, le recul TCS et/ou SD avec un mulch en surface, comment les chaumes et les pailles vont être gérées (prélevées, broyées, incorporées ou laissées debout) et le temps entre la récolte et le semis mais aussi le climat de l’année qui induira plus ou moins de minéralisation.

Résidus en surface
Résidus en surface
La conservation d’un mulch et des résidus à la surface du sol induite par la limitation voire la suppression du travail du sol, revêt énormément d’aspects très positifs comme la protection du sol, le développement de l’activité biologique, la bien meilleure gestion de l’eau et même la séquestration d’un peu de carbone. Cependant, ce mulch, surtout à la sortie d’une culture de céréale en été avec retour des pailles, entraine une faim d’azote et de fertilité très ponctuelle qu’il faut apprendre à mieux contourner afin de capitaliser encore plus sur les bénéfices apportés par l’AC.

Il est donc difficile et même très hasardeux de donner des chiffres avec précision. Il est cependant possible de mettre en avant des risques et des tendances afin de permettre à chacun d’ajuster au mieux ses pratiques.
Lorsque que l’on parle de simplification du travail du sol et de semis direct, il est important d’intégrer plusieurs points importants dans cette histoire :
  les résidus organiques et surtout les pailles à fort C/N peuvent prendre des mois voire plusieurs années à se décomposer notamment à la surface du sol. Ceci signifie que l’azote nécessaire à cette décomposition sera aussi mobilisé sur cette même période de temps et non totalement et immédiatement.
  Le climat, en fonction du niveau d’autofertilité, peut aussi modifier énormément le niveau des fournitures dans ce bilan. Un sol chaud et humide en été peut minéraliser entre 1 à 3 kg N/ha/jour et même plus si l’auto-fertilité est importante (recul TCS/SD avec des couverts et des apports organiques). D’autres, au niveau d’auto-fertilité faible, seront beaucoup moins fournisseurs, ce qui amplifie les risques de faim d’azote.
  Le travail du sol est toujours très minéralisant surtout avec le retour de l’humidité. Il peut fournir assez facilement l’amorce de fertilité N pour commencer la décomposition des pailles.
  Il est admis et largement vérifié que 1 t de paille incorporée au sol va rapidement mobiliser entre 10 et 15 kg de N/ha d’azote récupérée par des bactéries et des champignons aux C/N assez faibles (entre 5 et 10) pour leur développement. Ils en ont besoin pour constituer leurs ADN et protéines et ils sont beaucoup plus efficaces sur cette ressource rare à cette époque que des jeunes plantules de colza ou de couvert. Bien sûr, cet azote n’est pas perdue et sera redistribuée plus tard, une fois ces décomposeurs morts (renouvellement et manque de nourriture) et consommés par des protozoaires aux C/N beaucoup plus élevés (voisin de 30).
  Ainsi le mode de gestion des pailles va engendrer de grandes différences en matière d’azote et de fertilité disponible dans la zone de semis ; celle qui soutient les premiers stades de développement des cultures. Si l’on établit un gradian, les scénarios pourraient se répartir de la manière suivante : pailles incorporées>pailles ramassées>pailles fauchées haut avec résidus peu broyés> pailles fauchées bas et laissées au sol>pailles mulchées en surface. Là encore, il est difficile de donner des chiffres mais entre tous ces scénarios, le niveau d’azote disponible au moment du semis du couvert et/ou du colza peut varier entre 100 et seulement 25 kg de N/ha et la différence peut même être accentuée si l’on ne considère que les 5 premiers cm : la zone de positionnement des graines. Le semis d’été de couvert végétal ou d’autres cultures est non seulement le plus compliqué en matière de période (souvent chaude et sèche), de résidus à traverser mais également de fertilité disponible au moment de l’installation et démarrage des plantes. Cependant et une fois cette période et barrière franchies, les plantes accèdent à la fertilité plus en profondeur, non impactées par les résidus en surface et souvent à la minéralisation de fin d’été et d’automne qui revient avec les premières pluies. D’ailleurs celle-ci sera favorisée par la protection du mulch en surface qui permet de mieux accueillir l’eau, limiter l’évaporation et maintenir une température du sol et des conditions plus stables et fonctionnelles pour l’activité biologique. Il s’agit là d’un rééquilibrage intéressant mais qui ne change en rien les soucis de manque de fertilité précoce.

Pour contourner cette difficulté, il existe plusieurs solutions. Elles peuvent être plus ou moins combinées les unes aux autres :

  travailler avec des couverts permanents  : leur enracinement profond leur permet d’accéder à l’eau mais aussi à plus de fertilité en plein été et quel que soit le niveau de couverture. Comme ce sont des légumineuses, ils ne sont pas non plus limités par un manque d’azote qu’ils ont la capacité de fixer.
  Pour les implantations de cultures (colza entre autres), on comprend bien ici l’impact direct du choix du précédent qui au-delà de déterminer le risque en matière de salissement et de ravageurs, est déterminant sur le statut N du sol au moment du semis. Ceci prône encore une fois pour des enchainements légumineuse/colza.
  Le strip-till et dans une moindre mesure le semoir à dents en écartant plus au moins les pailles et les résidus, limitent de manière locale la préhension d’azote et facilitent le démarrage. C’est aussi pour cette raison qu’ils sont souvent plus performants dans ces conditions d’été.
  Retirer les pailles en élevage ou faucher haut est également un moyen très efficace pour minimiser cette faim d’azote précoce. Même si les résidus tombent au sol plus tard, les racines du couvert seront déjà loin et beaucoup moins influencées par les flux de fertilité à la surface du sol.
  Semer des associations surtout pour les couverts. Comme il est difficile de prévoir les flux de fertilité mais aussi leurs amplitudes, le plus simple est de rester sur des associations. En situation de sous N, ce seront les légumineuses qui s’imposeront alors que si l’azote devient facilement disponible, ce seront les crucifères et les graminées qui vont dominer. De cette manière, le couvert permettra même de rééquilibrer au sein de la parcelle dans la végétation de surface, l’hétérogénéité de la fertilité azotée laissée dans le sol par la culture.
  Choisir plutôt des plantes à enracinement rapide et profond comme le radis, la féverole ou le radis chinois. Leur dynamisme racinaire leur permet de prospecter rapidement hors des lieux de restriction, contrairement à des graminées.
  Les grosses graines comme la fèverole, la vesce ou les pois sont favorisés dans ce type d’environnement. En fait, les réserves de leurs graines, qui contiennent en moyenne 4% d’azote mais aussi beaucoup d’autres nutriments, jouent le rôle d’engrais starter. Ainsi et lorsque vous semez 100 kg de féverole/ha vous localisez à minima et au plus proche de l’embryon 4 kg de N/ha. Ainsi, on comprend mieux la meilleure réussite de ce type de culture ou couverts même en été.
  Enfin pourquoi ne pas localiser un peu de fertilisation pour compenser et contourner cette restriction qui souvent est trop sous-estimée. Même si cette approche semble un coût supplémentaire, ce n’est en fait, qu’une avance de fertilisation. Si le couvert est réussi, cet engrais ne sera ni lessivé ni perdu mais simplement stocké dans la biomasse avant d’être restitué progressivement aux cultures suivantes.
Sur ce, bonne gestion des pailles et résidus et surtout, bon semis de couvert et/ou de colza !

Couverts et fertilisation
Couverts et fertilisation
Plateforme de couverts croisée avec une fertilisation dans le nord 41. Bien que ce soit difficilement défendable, avec leur apport de 100 l/ha de solution N sur les chaumes, nos parents n’étaient en fait pas si loin du compte. Aujourd’hui, il est possible de faire beaucoup mieux avec les couverts et les équipements que nous avons et le coup de pouce au démarrage semble de plus en plus évident. Bien souvent et comme toujours ce n’est pas vraiment l’eau qui est le facteur limitant mais la fertilité immédiatement mobilisable à la levée de la culture ou du couvert.

Calcul de coin de table

1 - carbone dans les pailles d’un blé ajoutées au sol : 5 t/ha X 0,45 (teneur moyenne) = 2250 kg de C/ha.
2 - N présent dans ces mêmes résidus : avec un C/N qui est voisin de 100, cela fait 22,5 kg de N/ha dans les pailles.
3 - Si l’on suppose que 30% du carbone est utilisé par l’activité biologique pour sa croissance (constitution) et que les 70% restant sont respirés pour leur métabolisme (énergie) et évacués sous la forme de CO2 (rapport assez stable dans le vivant pouvant s’appliquer aux bactéries comme à une vache) : la biologie de décomposition va donc intégrer au moins 675 kg/ha de C (2250 X 0,30%) dans leur croissance. Ce n’est tout de même pas une paille !
4 - Si l’on assume que cette biologie possède un C/N de 10 (voisin du C/N moyen de la matière organique du sol), bien que celui des premiers décomposeurs soit souvent inférieur, le besoin en azote pour leur croissance va être d’au moins 67,5 kg de N/ha.
5 - Sachant que la paille va apporter 22,5 kg de N/ha (élément constitutif), le bilan est très déficitaire : 67,5 – 22,5 = 45 kg de N/ha que l’activité biologique de décomposition devra trouver pendant l’été et à l’automne dans les premiers cm de sol et ceci sans stimulation de minéralisation par du travail du sol lorsque l’on est en TCS et à fortiori en SD.
Bien que ce calcul soit assez brut, nous y retrouvons assez facilement nos « billes » ou plutôt nos kilos d’azote ! Par ailleurs, il illustre bien cette sous fertilité chronique qui trop souvent pénalise le démarrage de nos couverts et de nos cultures. Sachant que l’azote n’est que le marqueur de la fertilité globale, cette démonstration démontre parfaitement l’intérêt d’une fertilisation localisée complète, surtout dans ces conditions de post récolte, de sécheresse et de masse de pailles importante à digérer.

Fertilisation des couverts : expérimentation menée par la CA53

Afin de défendre l’intérêt d’anticiper les apports d’engrais de ferme sur les couverts végétaux, la CA de Mayenne a mené pendant 2 années des expérimentations en allant fertiliser différent couverts végétaux directement avec de l’engrais azoté.
Production de matière sèche des couverts en fonction de l’apport d’azote (2008 et 2011) en t de MS/ha
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Ces mesures, malgré des sols similaires et des niveaux de reliquats post récolte assez modérés (moins de 50 N/ha), font apparaître nettement l’effet année qui en fonction de l’humidité et la température de l’automne (très favorable en 2011 par exemple) va plus ou moins favoriser le niveau de minéralisation et par conséquent la biomasse des couverts. Ensuite et sans surprise, l’apport d’azote a un impact important sur la production de biomasse et en moyenne double celle-ci, même dans le cas de l’automne 2011. Enfin la moutarde, comme toutes les crucifères, prouve ici sa capacité à mobiliser de grandes, voire très grandes, quantités d’azote si celui-ci est disponible alors que l’avoine brésilienne arrive en bout de course avec 4 t de MS/ha. C’est en partie pour cette raison qu’il est nécessaire de toujours intégrer une certaine quantité de crucifères dans les mélanges de couverts.

Moyenne des expérimentations à Bouere et Andouillé (53) en 2008 et 2011

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Comme le montre ce graphique, l’apport d’azote immédiatement disponible 3 semaines après le semis du couvert (50 et 100 kg/ha) permet d’augmenter significativement la disponibilité de fertilité alors que les reliquats (36kg/ha) et la minéralisation automnale sont réduits. Cependant cette dernière est très dépendante des conditions météo de l’automne et de l’entrée de l’hiver et donc imprévisible comme en témoigne la différence entre les deux années d’expérimentation.
Ensuite, bon an mal an, l’augmentation de la biomasse aérienne produite est d’une tonne de MS/50 kg d’azote ce qui est relativement logique. Par contre et quelle que soit la fertilité disponible, les niveaux d’azote libre, donc à risque de lessivage à l’entrée de l’hiver, sont conformes à l’objectif CIPAN avec moins de 20 kg de N/ha pour les modalités 0N et 50 N et encore très acceptables avec seulement 40 kg de N/ha pour la modalité 100 N qui est une situation extrémisée pour les besoins de l’expérimentation.
Ensuite, au printemps suivant dès que le couvert commence à se dégrader, la phase de relargage et le niveau d’azote disponible augmente progressivement avec un gradient qui suit le niveau de fertilité et la biomasse produite. Cet azote qui est relativement proportionnelle aux quantités en jeu à l’automne est cependant le fruit de la minéralisation du couvert (détruit en décembre et février) + la reprise de minéralisation du sol au printemps + le priming effect de l’azote apportée à l’automne – la réorganisation pour dégrader les résidus. L’abaissement du C/N du couvert avec la fertilisation doit aussi faire également partie des effets secondaire qui expliquent une plus forte redistribution au printemps suivant dans les modalités 50 et 100N.
Ces résultats démontrent parfaitement le transfert d’azote entre l’automne et le printemps que peuvent réaliser les couverts  : un niveau de transfert qui est d’ailleurs relativement proportionnel avec la fertilité en jeu. A ce titre, la redistribution de la modalité 100 N est même trop élevée et peut exposer le sol à des lessivages printaniers. C’est pour ces raisons que nous sommes plutôt favorables à une destruction plus tardive des couverts surtout lorsqu’ils contiennent une partie de légumineuse.
Enfin cette expérimentation accrédite l’intérêt d’une fertilisation localisée pour aider les couverts à s’installer sans risque de lessivage si l’implantation est réussie. Ces résultats, bien que l’essai ait été conduit avec de l’engrais azoté, confirment enfin l’intérêt d’apporter une partie des engrais de ferme, et notamment les fumiers à l’automne sur couverts installés.

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A l’automne comme au printemps c’est avant la température et l’énergie disponible (la lumière), souvent la fertilité et entre autre l’azote qui est le facteur qui limite le plus la croissance végétale. Avec le temps et la croissance du volant d’auto-fertilité, les plantes, seront plus aptes à mobiliser cette fertilité même avec une humidité réduite. Cependant et pendant la période de transition il semble indispensable de soutenir leur développement avec une légère fertilisation afin de stimuler la production de biomasse et limiter le temps de transition.