Frédéric Thomas

  • Maïs sous plastique en Bretagne
8
avril
2014

Limace Léopard : les choses ne sont pas si simples au pays des limaces

JPEG - 115 koVoici la photo d’une belle limace croisée au milieu des salades. Automatiquement le réflexe veut que l’on cherche à l’écarter voir à la tuer mais après quelques recherches il semblerait qu’il s’agisse d’une limace très spéciale : la limace léopard ou limax maximus.

En faite cette limace de taille assez grande (de 10 à 20 cm) est aussi assez facile à repérer grâce à ses taches qui rappellent un peu celles d’un léopard. Comme les autres mollusques elle apprécie les forêts et les endroits humides et couverts comme dans les jardins. Il y a donc fort à parier que nous les retrouvions dans les parcelles des TCSistes.

Sa particularité est qu’elle consomme des plantes vertes, des résidus mais aussi semble-t-il d’autres limaces et leur œufs. Il s’agirait donc d’une forme d’auxiliaire qui participerait à la régulation des espèces plus petites mais très nuisibles. Certains chercheurs suspectent même que son instinct carnivore la pousserait même jusqu’à consommer des pucerons.

Il s’agit là d’une drôle de découverte qui prouve qu’au pays des limaces les choses ne sont pas si simples comme c’est souvent le cas dans la nature. Alors, cette limax maximus est-elle plus dangereuses pour les cultures que ses cousines ? Faut-il chercher à les détruire ou les encourager dans les champs ? Ou comment peut-on faire pression sur les autres limaces tout en protégeant celle-ci ? Autant de nouvelles questions qui risquent de perturber notre vision des limaces et qui nécessitent une recherche approfondie avec des spécialistes.

Avant toute chose et comme à l’accoutumée, observez vos parcelles mais aussi différemment vos limaces. Vos retours d’information nous intéressent afin d’avancer sur ce sujet.


20
août
2013

Réflexion sur la fertilité au travers de l’exemple du maïs sous plastique

Maïs sous plastique en Bretagne

Au vue de cette photo, prise dans une parcelle en Bretagne au printemps dernier, la technique du recouvrement du sol par un film plastique semble intéressante bien qu’onéreuse et peu défendable au niveau écologique. Cependant, cet exemple ou quelques rangs n’ont pas eu la chance d’être protégés est intéressant à plusieurs points de vue. Il permet entre autres de réfléchir à ce qu’apporte vraiment cette technique et comment nous pouvons contourner voire améliorer beaucoup de ces paramètres par l’AC.

En couvrant et établissant un « effet de serre » localisé, le sol va se réchauffer plus rapidement sous le plastique, ce qui va faciliter une germination plus précoce et plus rapide. C’est l’impact indéniable mis en avant de ce système et c’est certainement le seul point positif (qui reste cependant à moduler avec la météo de l’année). S’il est compliqué de « réchauffer » le sol autrement, un travail localisé comme le strip-till contourne en partie ce manque de température précoce en AC et surtout en semis direct.

Le réchauffement du sol va aussi induire une accélération de la minéralisation de la matière organique et des relations biochimiques, et donc une forte augmentation de la fertilité disponible pour les jeunes plantules. Au stade où la photo a été prise (mi- juin), ce n’est plus seulement le retard de végétation qui explique le décalage entre les rangs ou la couleur des plantules, ce n’est pas non plus la température atmosphérique (même si elle était encore particulièrement fraîche à cette époque), puisque la partie aérienne des deux maïs sont soumis aux mêmes aléas : c’est seulement la température du sol et donc la disponibilité et les flux d’éléments minéraux. S’il est compliqué de réchauffer le sol, il est, par contre, possible de doper la fertilité au démarrage de la culture dans la zone de prospection racinaire. Un engrais starter, la localisation d’une partie de la fertilisation et l’anticipation des apports d’azote (sur des sols qui fonctionnent bien) seront autant de moyens pour couvrir les besoins précoces du maïs en attendant le réchauffement et la mise en place des processus biologiques qui prendront le relais en cours de végétation.

Le film plastique limite ensuite l’évaporation et c’est ce qui procure souvent, notamment lors d’un printemps et début d’été plutôt sec, un bénéfice de rendement. A ce titre l’écran d’un couvert végétal et d’un mulch de résidus peut être tout aussi efficace pour conserver l’eau dans le profil tout en favorisant l’accueil et l’infiltration des pluies à l’inverse de la couverture plastique. En concentrant cette eau dans les entre-rangs elle peut même accentuer les phénomènes de ruissellement et d’érosion.

Enfin, et si le mulch organique réduit la montée en température du printemps, il permet de garder un sol beaucoup plus frais en été avec des températures qui sont plus favorables au développement racinaire du maïs et à l’activité biologique : l’exploration racinaire d’un maïs et l’absorption des nutriments diminuent lorsque le sol atteint 22°C et se trouve fortement ralenties lorsque la température du sol dépasse les 35 °C. Ainsi et après les bénéfices du démarrage, le mulch plastique ne joue plus à son avantage. Cette remarque permet aussi de signaler que l’irrigation impacte positivement le système non seulement en apportant de l’eau pour facilité les transferts sol-plante, mais dope aussi la minéralisation et donc la fertilité disponible tout en refroidissant des sols qui peuvent avoir trop monté en température.

Alors faut-il, comme avec le travail intensif du sol, doper le démarrage des cultures et se rassurer quitte à traîner quelque défauts (hors mis les coûts de mise en œuvre) qui peuvent ruiner en partie ces avantages ; ou plutôt comprendre les mécanismes en jeu et adapter nos pratiques pour contourner des démarrages moins fulgurants tout en capitalisant sur une bien meilleure valorisation des ressources et des potentiels pédoclimatiques.


13
mai
2013

Calcul de coin de table : avec les produits organiques, la valeur à l’analyse peut cacher des pertes importantes

Calcul de coin de table : avec les produits organiques, la valeur à l’analyse peut cacher des pertes importantes.

Prenons comme référence les chiffres de composition en éléments minéraux de différents produits organiques. Le premier tableau, qui est assez complet puisque qu’il intègre deux formes d’azote mais aussi le carbone, le phosphore et la potasse. Si l’on considère les trois premiers produits issus du même élevage laitier mais gérés différemment (fumier, fumier en tas et fumier composté), on peut constater que la grosse différence se situe au niveau du carbone qui se trouve consommé par l’activité biologique (qui se traduit par une élévation de température lors du compostage), sans grand changement au niveau de l’azote même si la fraction minérale tend à diminuer au profit de la partie biologique, ce qui est normal. Par contre le C/N diminue progressivement pour passer de 30 à moins de 20, symbolisant un produit sans risque de faim d’azote, plus facilement dégradable et fournisseur d’azote rapide.

A l’inverse, si l’on considère le phosphore, on remarque une forte concentration avec le la mise en tas et le compostage pour lequel la teneur est double : ceci est normal puisque cet élément est peu ou pas mobile. À l’opposé, la potasse diminue de manière conséquente, K+ est très peu lié dans la matière organique et fuit très rapidement dans les « jus ». Le compost de déchet vert à quant à lui la valeur la plus élevée en carbone : logique encore étant donnés les produits d’origine, bien que le compostage ait déjà certainement consommé beaucoup de carbone (en fonction du temps de compostage). Le C/N avoisine les 30 comme le fumier mais la dégradation risque d’être plus lente que pour les produits issus de l’élevage car le carbone restant contient de la lignine, beaucoup plus « dure ».

Le digestat solide affiche des teneurs surprenantes avec un C/N voisin de 40. C’est le plus élevé avec certainement du carbone dur qui n’a pas pu être valorisée par l’activité biologique du méthaniseur qui, comme celle du sol, préfère les sucres simples et la cellulose. Le lisier et le digestat liquide sont logiquement beaucoup moins carbonés avec des C/N voisins de 15. Ce seront donc immédiatement des fournisseurs d’azote.

Cependant et au delà ce cette lecture classique, une autre analyse s’impose afin de mieux comprendre les phénomènes en jeu.

Comme le phosphore est un élément très stable dans un produit organique (ni fuite, ni volatilisation), sa valeur permet de suivre par comparaison l’évolution des teneurs des autres éléments en fonctions des modes de gestions. Dans le cas du fumier en tas, la concentration de phosphore passe de 1 à 1,4. Cela signifie que, si l’on revient à la tonne de produit du départ, la teneur des autres éléments à diminué d’autant (1 / 1,4 = 0,71 = 29% de perte). Ainsi on a perdu non pas 25 kg mais 70 kg de carbone ce qui est logique et perceptible par la réduction du volume du tas. L’impact est cependant plus regrettable pour l’azote avec près de 2 kg/t de perte : certainement de la volatilisation et des fuites dans les jus. La soustraction est encore plus salée avec la potasse dont la quantité par rapport au produit de départ est plus que divisée par 2 avec 5 kg/t de perte.

La même analyse pour le compost est encore plus révélatrice. La teneur en phosphore doublant, il suffit de diviser par deux les teneurs des autres éléments pour les comparer à celles du produit de départ : le fumier. Comme pour la gestion en tas, le carbone, en toute logique, est le plus impacté. Par rapport au fumier, 120 kg/t sont tout même partis en énergie, en chaleur et ne seront plus disponible pour la vie du sol ; d’autant plus que le carbone qui reste l’est sous forme ligneuse, la plus dure à attaquer. L’évolution ayant eu lieu lors du compostage, on obtient en plus un produit « stable », mais peut-être trop stable.

Concernant l’azote et alors que les chiffres pouvaient montrer une légère augmentation de la concentration (6,6 au lieu de 5,3 en azote totale), le calcul par le biais de l’évolution de la teneur en phosphore fait plutôt ressortir une perte de 2,5 kg/t, soit près de la moitié de celle contenue dans le fumier d’origine. Les pertes sont du même ordre de grandeur pour la potasse également. L’augmentation de la teneur en azote d’un produit organique peut donc être un leurre et cacher en réalité des pertes importantes.

Remettons cela dans un contexte agricole

Enfin, en poussant le calcul jusqu’à l’utilisation de ses produits, pour se positionner dans une situation réelle, les différences sont nettement amplifiées. Si l’on considère une application de 30 t/ha de fumier brute comparée à un apport de 15 t/ha de compost (afin de conserver le même niveau d’apport en phosphore qui est l’élément étalon de notre démonstration), les « pertes », ou plutôt ce qu’il convient d’appeler le « gaspillage », apparaissent plus nettement.

Ce ne sont pas moins de 3 660 kg/ha de carbone qui sont rapidement retournés dans l’atmosphère et autant d’énergie perdue pour l’activité biologique du sol lors du compostage. Outre les aspects agronomiques, ce bilan n’est pas très brillant en matière de lutte contre l’effet de serre. L’adition est aussi très lourde en matière d’azote : si le fumier permet d’apporter 159 kg de N/ha (niveau admis dans les bassins versants prioritaires), l’équivalent de produit après compostage n’apportera plus que 84 kg/ha, soit une « disparition » de 75 kg/ha de N qu’il faut cependant majorer à cause du risque réel de volatilisation d’une partie de l’azote ammoniacal contenu dans le fumier lors de l’épandage.

A la vue de ces calculs on comprend pourquoi le compostage a été tant plébiscité dans les secteurs d’élevage intensif. Il permettait de rester dans les normes tout simplement en évacuant de l’azote organique dans l’air. On comprend aussi pourquoi ces pratiques ont permis de faire « exploser » les teneurs en phosphore dans les sols lorsque les apports de produits organiques ont été calés sur seulement la quantité d’azote organique maximal autorisée (170 kg/ha dans bien des situations). La stratégie ne fonctionne par contre plus du tout lorsque c’est le phosphore qui devient contingenté : c’est alors l’azote, élément si précieux pour la croissance végétale, qui peut devenir le facteur limitant.

Cette démonstration, malgré toutes les imprécisions qu’elle peut comporter, permet cependant de mettre en relief l’ensemble des incohérences qui sont communément véhiculées autour de la gestion des produits organiques. La gestion aux champs et a fortiori dans des couverts végétaux est certainement le meilleure moyen de moins gaspiller du carbone et donc de l’énergie, importants pour l’activité biologique du sol mais aussi de conserver le plus d’azote et de potasse pour développer et entretenir l’auto-fertilité des sols. Cette analyse complète le dossier du TCS 72 EFFLUENTS, COMPOSTS ET AUTRES PRODUITS RÉSIDUAIRES ORGANIQUES : VÉRITÉS ET DÉSILLUSIONS. Et mon post précédent sur les couverts et l’épandage d’engrais de ferme.


17
avril
2013

Ce que nous souhaiterions ne plus voir dans les champs

L’hiver et surtout cette pluie incessante qui à perturbé les récoltes de l’automne et les emblavements, ont été éprouvants pour les sols, les cultures mais aussi le moral.

Face à ces difficultés, si certains ont capitulés et sont revenus au travail profond, voire au labour avec des réussites mitigées, d’autres ont tenté de « sauver les meubles » avec plus ou moins de succès ; d’autres encore ont gardé le cap, quitte à reporter une partie des semis au printemps ; enfin, ceux qui avaient le plus de recul et surtout des couverts, ont, en grande partie, réussi leurs implantations sans trop de difficultés et sortent de cet hiver dévastateur avec des céréales en bon état et prometteuses.

Et comme toujours, ces parcelles qui donnent envie et ces réussites ne vont pas marquer les esprits et donner le cap vers lequel il faut tendre. Non, ce sont les autres, les parcelles avec des levées disparates, les parcelles avec des trous et les parcelles qu’il va falloir ressemer qui vont servir d’alibi à beaucoup pour ne pas changer et rester campés sur leurs positions même si elles ne sont pas si solides et cohérentes que cela.

Puisque l’on ne voit que ce que l’on veut bien regarder et que l’on analyse toujours avec le biais de sa pensée et de ses convictions, je vous propose une toute autre lecture au travers d’une rétrospective en images de quelques situations rencontrées pendant les journées de formations de cet hiver.

Sud Ouest : beau labour
La terre ouverte en train de sécher et le lissage des raies en surface donnent une bonne idée de l’état du fond de travail. Cette approche conventionnelle dans les sols argileux permet et garantit une reprise facile et une bonne qualité du lit de semence grâce à la fragmentation de l’argile par l’hiver. Cependant, ce travail se fait souvent au dépend de la structure en profondeur. En TCS, et surtout en SD, c’est la situation inverse, tout du moins au départ : le lit de semence est plus compliqué à réaliser mais l’organisation structurale est préservée.


Bretagne : deux sols qui communique pas assez
Le labour et le travail répété à une même profondeur tendent à créer dans le meilleur des cas deux zones distinctes qui limitent l’exploration profonde du sol par les racines et l’activité biologique. Une semelle peut apparaître plus ou moins rapidement et limiter encore plus les contacts et échanges entre les deux couches.

À l’inverse, dans une parcelle voisine gérée depuis quelques années en TCS, les vers de terre ont commencé à ouvrir des brèches et recréer une connexion qui va s’étoffer dans le temps.


Centre : battance et début d’érosion sur parcelle semée à l’automne
Lorsque le sol est beaucoup plus fragile, l’agression de la pluie ferme rapidement la surface, entrainant l’asphyxie de la couche retournée surtout si il y a des matières organiques à décomposer. Cette battance accentue également le ruissellement de l’eau qui va entraîner de la terre mais aussi augmenter les risques de transfert de pesticides et d’engrais. Il n’y a pas que des parcelles en TCS et SD qui n’ont pas survécu à l’hiver !


Est : reprise en masse de l’ancienne zone labourée
Sans structure ni activité biologique un sol peut s’effondrer progressivement sous le seul effet du climat. Bien entendu l’impact du trafic est très amplificateur, surtout lorsqu’il a lieu en période critique. Dans ce cas de figure, même en TCS, un ameublisseur sera nécessaire pour redonner suffisamment de porosité afin de permettre à ce sol de repartir. Par contre, un travail trop violent avec trop d’affinage ne pourra résoudre que momentanément la situation : à la première pluie importante ce sol sera de nouveau repris en bloc.


Sud Ouest : Ruissellement « hypodermique »
Le travail grossier facilite l’infiltration rapide de l’eau. Mais que devient-elle lorsqu’elle ne peut pas gagner rapidement les couches profondes : elle s’accumule, formant un Gley (taches bleutées) autour de la matière organique qui est enfouie ; elle finit par ruisseler sous le labour en suivant la pente, entrainant avec elle une bonne partie de la fertilité.


Sud Ouest : Colza sur lame d’eau
Ce phénomène est également observable sur une culture en place, comme ici sous un colza. L’eau profite de la semelle imperméabilisée et des résidus qui viennent d’y être déposés pour ruisseler. Si elle ne parvient pas à sortir de la parcelle, elle s’accumule dans les points bas. Elle y perturbe le fonctionnement du sol et nuit à un enracinement profond qui aurait permis à la culture de mieux profiter de la fertilité et de moins souffrir du futur stress hydrique de la fin de printemps.


Sud : les défauts de circulation d’eau peuvent persister assez longtemps
Dans cette parcelle conduite en TCS depuis quelques années on observe que l’eau s’est correctement infiltrée dans la première partie du profil mais qu’elle stagne encore à 25-30 cm alors que le fond est loin d’être engorgé. Il faut du temps avant que les vers de terre ouvrent des voies de circulation et verticalisent le profil. Malheureusement et c’est bien ici toute la difficulté, on ne passe pas d’une situation chaotique à un sol avec une bonne organisation structurale en une seule campagne. Il faut beaucoup d’attention, du temps et une gestion appropriée d’autant plus que le sol est fragile et a été souvent « maltraité ».


Sud Ouest : Des Centaines de tonnes de terre parties au fossé et à la Garonne
Souvent, en passant la Garonne à Bordeaux, on peut se demander d’où vient cette couleur opaque de la Dordogne et de la Garonne. En remontant dans la campagne on trouve rapidement la réponse à cette question. C’est tout simplement de la terre qui vient des zones agricoles. Dans des situations comme celle-ci on peut même parler en centaines de tonnes par hectare. Est-ce bien durable de refuser de voir la réalité en face et de continuer à travailler de la sorte ?


Un autre glissement de terrain sous une cultureSud : Glissement de terrain Avec la charge en eau, la fermeture du sol en profondeur et la présence de résidus faisant office de luge, le sol peut même glisser sur la semelle de labour. Certes, le profil de sol est maintenant facile a faire dans cette parcelle, mais les interventions et la récolte risquent d’être un peu compliquées. Bien qu’il s’agisse d’une situation extrême elle n’en est pas moins révélatrice des défauts d’organisation structurale que peut induire le travail du sol, des dysfonctionnements bien sur amplifiés par la pente et les à-coups du climat. Enfin, vu le décalage entre les deux parcelles en haut de la colline et le talus qui s’est formé, on imagine assez bien les érosions (aratoire et hydrique) qu’a déjà connues cette parcelle au cours des 50 à 60 dernières années de mise en culture.


Sud Est : Vigne dépourvue de végétation
De l’automne jusqu’à la fin mars, aucune végétation n’a réussi ou n’a été libre de se développer dans cette vigne alors qu’une grande partie des pluies arrivent pendant cette période dans cette région. Bien entendu le sol sera sec l’été revenu, mais pourquoi entretenir volontairement ce gaspillage d’une eau précieuse, cet essorage du peu de fertilité qui reste, cette désertification programmée alors qu’il est possible de produire pendant cette période de la biomasse, du vert, de la protection et de promouvoir la vie dans cette parcelle.


Verger dans l’Anjou : ce qui est vrai en culture l’est aussi en vigne et en arboriculture
Ce verger qui avait des soucis de production était sensé être sur une parcelle hydromorphe. A l’arrivée dans la parcelle l’eau qui stagne à la surface du sol « rassure » le producteur sur l’humidité du champ et le devenir de sa prochaine récolte.


Cependant aux premier coup de pelleteuse : que nenni ! La terre en dessous est presque « sèche », surprise ! En fait, l’eau ne s’infiltre pas en profondeur faute de racines et de galeries de vers de terre. La solution ? la même qu’en céréale. Limiter voire supprimer le travail du sol et surtout couvrir et produire de la biomasse pour protéger et nourrir une activité biologique performante qui seule permettra de redonner au sol sa fonctionnalité, une gestion cohérente de l’eau et de son auto-fertilité. D’autres agriculteurs des réseaux TCS l’on déjà bien compris et transfèrent leur pratiques et savoir faire à leurs vergers et leurs vignes comme ce couvert d’avoine croisé dans un verger du Sud Ouest à la même époque.


Couvert d’avoine dans verger du Sud Ouest


30
octobre
2012

Couvert et épandage d’engrais de ferme (effluent d’élevage)

Depuis plus de 20 ans les nitrates sont sujets à débat, polémiques, mises aux normes et réglementations. Malgré toutes ces déclarations, tergiversations mais aussi contraintes et coûts pour les producteurs, l’augmentation du niveau de pollution des eaux, sur la grande majorité du territoire, a été certes stoppé mais les réductions qui peuvent être sensibles dans certains bassins-versants sont encore globalement timides. Résultat : au-delà de l’impact environnemental mais aussi de la perte économique pour l’agriculteur, l’État français doit aussi payer aujourd’hui une amende à l’Europe de 180 000 €/jour pour non-conformité aux engagements de résultats exigés par l’UE en matière de qualité de l’eau. À une époque où tout le monde parle d’économie et recherche des fonds, où la réduction de la consommation d’énergie est dans toutes les bouches et où la préservation de l’environnement est une préoccupation majeure, on croit rêver devant une telle gabegie et accumulation de non-sens. Au regard de cet exemple, si beaucoup d’autres sujets, qui sortent de l’agriculture et de nos champs de compétence, sont gérés avec la même approche et clairvoyance, je comprends pourquoi notre pays va mal et je suis plutôt inquiet.

Pour en revenir aux nitrates, le comble est qu’en ce moment, phase de négociation pour l’élaboration et la mise en place de la 5e directive prévue pour juillet 2013, la réglementation française et la réglementation départementale se superposent. Cela signifie que dans tous les cas, la règle retenue est la plus contraignante, quelle que soit son origine, comme tout le monde peut s’en douter. En agissant de la sorte les périodes d’épandage sont donc réduites à peau de chagrin avec beaucoup de confusion.

Nous ne reviendrons pas ici sur l’intérêt des couverts végétaux multi- espèces de type biomax, de la place stratégique des légumineuses mais aussi de l’impact minéralisateur du travail du sol ; surtout celui d’automne avant une période à risque de lessivage. Aujourd’hui de nombreuses références, dont nous avons fait l’écho depuis 15 ans dans la revue TCS, confirment et renforcent ces différents points. Alors pourquoi sommes-nous encore dans la contrainte avec les Cipans alors qu’avec les couverts végétaux l’adhésion est complète avec des agriculteurs qui les implantent, les réussissent sans vraiment d’obligations ni d’aides ?

Au-delà de ces points, beaucoup de lecteurs se demandent où il serait le plus judicieux de mettre les engrais de ferme (fumier et lisier) en AC. En s’appuyant sur un raisonnement agronomique sans tenir compte de la réglementation de certains départements (où c’est interdit) alors qu’au niveau français cette pratique est autorisée (mais c’est bien la réglementation départementale qui autorise ou non et précise les quantités), les couverts implantés et développés sont une place de choix pour de multiples raisons :
- S’il est possible et facile de traduire sur le papier de la matière organique en éléments fertilisants, au niveau du sol, les transformations sont beaucoup plus longues, dépendantes du produit de base (aucun fumier ne se ressemble) et fortement influencées par les conditions météo. Il est donc préférable d’anticiper et de laisser du temps à l’activité biologique pour digérer le produit afin d’obtenir une plus grande partie assimilable par la culture suivante.
- Les éléments solubles et entre autres l’azote seront rapidement mobilisés par la végétation en place, limitant de fait les risques de fuite. De plus, cette légère fertilisation permettra de doper le couvert à l’automne avec un gain notable en matière de production de biomasse.
- L’activité biologique qui redémarre de manière intense avec les pluies d’automne trouvera dans cet apport une nourriture de choix qu’elle assimilera et incorporera au sol avec d’autres résidus. Une meilleure alimentation en quantité et qualité c’est aussi le gage de plus de travail et donc d’une meilleure structuration biologique au printemps suivant.
- L’épandage dans un couvert en place à l’automne lorsque l’humidité revient est également le moyen efficace, bien plus que toute incorporation, de limiter les pertes par volatilisation qui peuvent dans certains cas être relativement importantes. C’est donc le moyen de conserver plus d’azote dans le système mais aussi de limiter les nuisances olfactives et l’émission de certains gaz à effet de serre. Vu sous cet angle, ce mode d’épandage dans ces conditions ne nécessite aucune incorporation : une économie de temps mais aussi d’intervention que l’agriculteur peut transférer dans la qualité d’implantation des couverts.
- Rouler sur les parcelles avec des engins qui sont de plus en plus lourds au printemps, c’est générer des compactions, qui même retravaillées intensivement resteront pénalisantes sur la culture qui suit. Ainsi, épandre à l’automne c’est aussi préserver la structure du sol qui est généralement, à l’inverse du printemps, sèche en profondeur et supporte beaucoup mieux la circulation des outils. Les sols seront d’autant moins impactés par ce trafic qu’ils sont colonisés par d’importants systèmes racinaires qui jouent le même rôle qu’une armature dans un béton. Enfin, si la structure se trouve légèrement endommagée sous le passage d’une roue, l’activité biologique a plusieurs mois devant elle pour intervenir et corriger la situation.
- Épandre une partie des amendements organiques à l’automne, c’est également faire le vide des zones de stockage avant l’hiver mais aussi limiter les fuites autour des dépôts en bout de parcelle.
- La période d’intervention dans de bonnes conditions étant beaucoup plus large, il sera plus facile de partager les outils et ainsi d’en réduire la taille, le coût et l’impact pour le sol. C’est aussi beaucoup moins de risque de terre et de boue sur les routes pour une meilleure cohabitation avec nos voisins « rurbains ».
- Enfin, pour tous ceux qui sont en TCS et SD mais aussi pour les agriculteurs conventionnels, laisser évoluer un fumier voire un lisier épais pendant plusieurs mois à la surface du sol, c’est aussi réduire fortement le risque de colporter principalement des graines d’adventices qui se retrouveront consommées par l’activité biologique.
- C’est enfin beaucoup de bon sens agronomique qui semble avoir échappé à beaucoup. À l’instar de nos amis belges de Nitra-Wal, il conviendrait mieux de faire un peu plus confiance aux agriculteurs, de les encourager vers des couverts performants avec des concours de biomax (cf. écho TCS 68) et d’orienter l’ensemble de l’approche vers une politique de résultats et non de moyens comme l’APL (azote potentiellement lessivable).

Cette approche mise en place par nos voisins consiste à mesurer l’azote résiduel pendant toute la période d’automne et d’entrée de l’hiver dans des exploitations et parcelles de références (suivant à la lettre les réglementations et les préconisations). Ce niveau de « reliquats  » nommé APL est ensuite traduit en courbes en fonction des types de sols et des cultures et sert d’objectif de résultats à atteindre par les agriculteurs vérifiés au hasard. Avec le recul de cinq campagnes, il a permis de mettre en évidence que mathématique et azote font deux, que la météo, comme l’intensité de travail du sol, a beaucoup d’impact sur la minéralisation automnale et que c’est plus la réussite des couverts qui réduit l’APL que la limitation des fertilisations et des épandages.

Pour plus d’information : http://www.nitrawal.be/41-suivi-apl.htm


10
octobre
2012

Vérifier la concentration en nitrates des sorties de drainage

Observation du comportement de l’eau dans un sol par pulvérisation d’eau en amont d’un profil.

Laurent Rousseau, TCSiste et éleveur de chèvre en Charente, fait partie d’un groupe CIVAM travaillant spécifiquement sur le dossier simplification du travail du sol. Puisqu’il est situé dans un bassin versant prioritaire et que la qualité de l’eau est un sujet central, il a eu l’idée d’acheter en pharmacie des bandelettes « Nitrate Check » et de mesurer pendant la période hivernale et lorsque l’eau coule, tous les 15 du mois, la teneur en Nitrate de l’eau de drainage d’une parcelle de luzerne qu’il à partiellement détruite chimiquement à l’automne pour implanter une orge.

En fonction des périodes les mesures oscillent entre 45 et 100 mg/L, des teneurs qui inquiète cet agriculteur. Cette expérience nous permet de préciser différents points :
- Il n’existe pas de système complètement fermé. Les « fuites » font partie du vivant, il faut seulement qu’elle restent faibles et maîtrisées ;
- Toutes les mesures réalisées de cette manière sont des mesures instantanées qui peuvent varier de manière importante en fonction du moment du prélèvement. En début de drainage les pics seront inévitablement importants pour redescendre ensuite. Des mesures plus rapprochées permettraient d’établir une moyenne de concentration beaucoup plus juste ;
- Au sein d’un bassin versant, l’eau qui sort d’un réseau de drainage agricole va ensuite être mélangée avec divers autres flux d’eau avec des teneurs très variables qui vont souvent opérer une dilution, amplifiée par des zones de filtration naturelles avant d’atteindre la rivière ou la nappe ;
- En fait, pour se faire une idée de la quantité d’azote qui quitte une parcelle via son réseau de drainage, il faudrait raisonner en flux : c’est à dire multiplier la teneur moyenne pour chaque période de drainage par la quantité d’eau drainée (élément plus difficile à mesurer). Ensuite pour déterminer la quantité d’azote/ha réellement perdue il suffit d’utiliser le même mode de calcul que pour évaluer l’azote apporté par l’irrigation lorsque la source d’eau contient des nitrates : N/ha (perdu par drainage) = teneur moyenne en nitrate x m3 d’eau/ha drainé x 0,00023. Dans le cas présent si l’on prend une teneur moyenne en nitrate de 75 mg/L et un drainage de 1 200 m3, soit 120 mm de pluie, la quantité d’azote réellement lessivée au travers du réseau de drainage est de 75 x 0,0023 x 1200 = 20,7 kg de N/ha : une quantité admissible et loin d’être anormale. Pour perdre par drainage 50 kg de N/ha (la quantité moyenne perdue par ha/an) il faudra que le drainage soit de 30 000 m3 ou 300 mm avec la même teneur moyenne tout au long de la période de drainage ; ou encore que la teneur moyenne atteigne les 187,5 mg/l pour la même quantité d’eau drainée ;

Si le calcul ou plutôt l’évaluation de la quantité d’eau drainée est un peu plus compliqué, nous trouvons cette idée de mesurer la qualité de l’eau qui sort des drainages aussi simple qu’intéressante. Même si dans un premier temps les chiffres peuvent surprendre, c’est un excellent moyen de comparer les parcelles et les pratiques afin de comprendre ce qui se passe pour ajuster les interventions. C’est aussi le moyen d’acquérir avec le temps une forme de référentiel qui permettra de mieux situer les mesures instantanées mais aussi de dialoguer chiffres à l’appui avec les autorités qui gèrent la qualité de l’eau.

On a des possibilités simples et peu couteuse : autant s’en servir !