Thierry Stokkermans

  • Plantule de radis en SDSC aux Pays-Bas
  • Vue aérienne du site d'Oberacker, Suisse
  • Résultat levée de tournesol sans engrais organique
  • Hairpinning
  • Maïs en agriculture de conservation des sols
26
octobre
2020

Les chroniques du glyphosate

Comme dit le proverbe « perception est réalité » et en matière de glyphosate, il y a deux perceptions principales. La première est celle qui domine le monde agricole et scientifique : il ne comporte pas de risques majeurs en conditions normales d’utilisation et il a un rapport coût/efficacité imbattable. En d’autres mots, c’est un bon outil. La seconde est celle qui domine au café du commerce et sur instabook : le glyphosate est un poison qui tue la nature et les hommes et les agriculteurs s’en servent car ils sont égoïstes. Ces 2 perceptions s’opposent. C’est pourquoi il y en a au moins une de fausse, voire les deux. Comment le savoir ? Une seule solution : il faut appliquer la méthode scientifique à tous les étages.

Créer la controverse dont le grand public est si friand

Pour discuter du glyphosate avec le grand public, il faut que la discussion ait lieu dans les médias grand publics. Malheureusement, les journalistes grand publics invitent rarement les agriculteurs ou les scientifiques alors que les militants et les pseudo-experts ont le vent en poupe. Il faut admettre que ces derniers délivrent efficacement un message simpliste et anxiogène. Un excellent terreau pour créer la controverse dont le grand public est si friand. Au-delà du RoundUp de Monsanto, aujourd’hui, la simple évocation de l’agriculture moderne suffit pour créer la controverse.
Le glyphosate a une sale image. Il faut beaucoup communiquer et expliquer pour redorer son blason et freiner l’agribashing. Ici, la communication individuelle est nécessaire mais ne suffit pas. Il faut développer et stimuler la communication de groupe, voire soutenir des initiatives venues de l’extérieur. C’est de cette dernière dont je voudrais vous parler car qui mieux que des citadins peuvent parler du glypho au grand public aujourd’hui.

Un documentaire qui trie l’ivraie du bon grain

Well FedSugar Rush est une petite boite de production qui, entre autres, fait des documentaires scientifiques. Ils sont basés à Amsterdam, n’ont probablement pas de voitures et se déplacent principalement en bicyclette (les fameux vélos hollandais). Ce sont des urbains et ils font une chose très bien : leurs documentaires sont pragmatiques. Le résultat est frappant. Ils ont produit un excellent documentaire grand public au sujet des OGM appelé « Well Fed ». Ce documentaire trie l’ivraie du bon grain et ça fait du bien à voir. Vous pouvez le regarder ici sur Vimeo et les sous-titres en Français sont disponibles en appuyant sur la touche [CC] (figure 1). Sugar Rush produit des documentaires que l’on aimerait payer avec la redevance.

En préparation," Les chroniques du Glyphosate"

Sugar Rush est sur un nouveau projet intitulé « The Glyphosate Chronicles » ou « Les chroniques du Glyphosate » en français. Leur but est de clarifier les différentes perceptions et de mettre en avant la vérité. Ayant adoré Well Fed, j’ai hâte de voir The Glyphosate Chronicles. Mais il leur faut d’abord tourner le documentaire et, pour ça, ils ont besoin de sous. Et oui ! La redevance finance le service public et leurs copains mais pas une petite boite de production qui ose se lancer sur des sujets épineux. Pour financer ce projet, ils ont lancé un « crowdfunding » où chacun peut donner ce qu’il veut s’il en a envie. Pour stimuler la campagne de financement, ils ont tourné un « teaser » en France avec Christian Rousseau et Gil Rivière-Wekstein. Moi, j’ai donné 50 euros. Pour donner de l’argent, les détails sont sur leur page The Glyphosate Chronicles et si vous doutez de votre anglais, sachez que leur IBAN est bien NL61KNAB0259113840, leur BIC KNABNL2H et que vous pouvez intituler le virement Glyphosate. Libre à vous.


25
mai
2020

Mes grands-parents auraient aimé faire de l’agriculture de conservation

Ces derniers temps, certains médias expliquent que nos agriculteurs devraient retourner à "l’agriculture de nos grands parents". Néanmoins, si mes grands-parents vivaient encore aujourd’hui, je serais curieux de connaître leur point de vue : quelle agriculture feraient-ils ? Et quelle agriculture voudraient-ils faire ?

Mes grands-parents étaient agriculteurs. Tous avaient de l’élevage et des cultures. Néanmoins mes grands-parents paternels ont eu un temps une ferme plutôt accès grandes cultures. Alors que mes grands-parents maternels ont toujours mis l’accent sur l’élevage. Mes aïeux ont aussi su passer la passion agricole à leurs enfants. Du côté paternel, sur 4 enfants, 2 sont devenus agriculteurs/agricultrices et, du côté maternel, sur 8 enfants, 6 sont devenus agriculteurs/agricultrices.

Mes grands-parents étaient déjà agriculteurs lors de la seconde guerre mondiale. Ils ont connu le manque de moyen, le manque d’hygiène et le manque de nourriture. Avant, pendant et après la guerre, ils ont cherché à résoudre les problèmes qu’ils rencontraient de façon pragmatique. Par exemple, mes grands-parents paternels n’ont jamais possédé de tracteur ; ils ont toujours tout fait avec les chevaux. Par contre ils avaient un pulvérisateur pour traiter les cultures et les pâtures. Du côté maternel, le tracteur est arrivé rapidement après-guerre.

Mes grands-parents ont travaillé dur. Malgré ce que certains voudraient nous faire croire, les cultures de mes grands-parents ne poussaient pas avec "de l’amour et de l’eau fraîche". Elles poussaient avec de la sueur et du fumier. Par conséquent lorsque l’industrie chimique a proposé des solutions pour limiter la sueur et fertiliser les sols en plus du fumier, mes grands-parents se sont intéressés à ces solutions agronomiques et les ont utilisés à la manière « d’un bon père de famille ». Mes grands-parents ne jugeaient pas un produit sur sa provenance mais sur ses effets et ses résultats. Cette approche pragmatique valait aussi bien sur le plan professionnel que sur le plan personnel. Par exemple, lors de la libération, dans le secteur où vivaient mes grands-parents paternels, les poux étaient devenus un problème de santé publique. En effet, durant la guerre, il y avait un manque d’hygiène généralisé qui a donné le champ libre à certains parasites. Dans la région d’origine de mon père, c’était les poux et l’armée Américaine a proposé de traiter les habitants du secteur au DDT, un insecticide de l’époque. Mes aïeux ont participé à cette action collective.

Mes grands-parents furent des agriculteurs qui travaillaient dur et qui choisissaient des solutions en fonction de leurs efficacités et de leurs coûts (à court et à long terme). Optant parfois pour des solutions biologiques telles des rotations longues, des solutions mécaniques tel un semoir, des solutions chimiques tels les engrais de synthèse ou des solutions mixtes tels les chevaux qui fournissaient la force de traction et convertissaient l’herbe des petites terres en fumier pour les cultures. S’ils vivaient encore aujourd’hui, je pense que leurs regards exprimeraient la surprise et l’incompréhension lorsqu’un media titre "il faut revenir à l’agriculture de nos grands parents". En effet, eux ont connu l’agriculture d’avant-guerre, celle où l’huile de coude et la sueur sont les principaux intrants. Eux ont décidé de changer de système pour qu’il soit meilleur et, un jour peut-être, arriver à un système parfait. Mes grands-parents sont partis d’une agriculture imparfaite et ont cherché des solutions pratiques et pragmatiques à des problèmes de terrain. Retourner à l’agriculture d’avant-guerre ne fait pas partie de leur définition du progrès.

La question logique est alors : si mes grands-parents ne voient pas l’avenir dans un retour en arrière, quelle forme d’agriculture moderne les auraient alors intéressés ? J’aime à penser que mes grands-parents auraient été intéressé par l’agriculture de conservation. En effet, cette nouvelle forme d’agriculture a beaucoup de points communs avec leur vision de l’agriculture qui comportait : travailler avec le vivant, résoudre les problèmes de façon pragmatique avec l’outil le mieux adapté (qu’il soit biologique, mécanique, chimique ou hybride), assurer un revenu suffisant dès aujourd’hui et offrir la chance aux enfants de devenir agriculteurs à leurs tours. Mes grands-parents ont fait l’un des plus vieux métiers du monde mais ils ne sont pas restés immobiles. Ils l’ont fait évoluer en s’attaquant aux problèmes de l’époque. Aujourd’hui, le monde a changé et les défis du moment sont : stimuler la biodiversité, optimiser l’utilisation des ressources et stocker à long terme l’excès de carbone de l’air dans le sol. Mes grands-parents se seraient intéressés à ces questions et c’est pourquoi ils auraient sûrement aimé faire de l’agriculture de conservation.

Maïs en agriculture de conservation des sols


3
avril
2020

Méta-analyse et couverts végétaux : soyez attentif à la méthode

Une méta-analyse est une synthèse d’un grand nombre d’études qui permet de discerner des tendances générales et de valider (ou invalider) un consensus global. Il est possible de faire des méta-analyses sur n’importe quel sujet scientifique à la condition qu’il y ait assez d’informations publiées dans les journaux à comité de lecture. Dans la pratique, les méta-analyses utilisent souvent des logiciels et des ordinateurs pour faire le travail de synthèse. Comme vous le savez tous, avec un algorithme, la qualité du résultat dépend de la qualité des données en entrée. Cette condition est très bien illustrée par le proverbe anglais "shit in, shit out".

Dans les réseaux d’Agriculture de Conservation (AC), un Couvert Végétal (CV) est une culture semée entre 2 cultures de vente et/ou fourragère pour, entre autres, créer des tiges et des feuilles qui vont couvrir et protéger le sol pendant l’interculture et (le début de) la culture suivante. En dehors de la communauté AC, un CV peut avoir une définition plus large. Certains l’utilisent pour parler d’engrais vert ou de piège à nitrates (aussi appelé CIPAN). Ces utilisations de l’expression CV n’a rien d’illégal car le terme n’est pas protégé. Néanmoins il est possible de se demander si ce n’est pas une forme de détournement, voire de l’usurpation de vocabulaire.

JPEG - 275 ko Dans la communauté scientifique, certains chercheurs participent à ce détournement. Ces derniers le font le plus souvent en anglais en utilisant l’expression "cover crop" pour décrire, par exemple, CIPAN et autres engrais verts qui sont retournés à la charrue au cours de l’hiver. Tel est le cas du projet Néerlandais "Clever Cover Cropping" dont j’ai déjà parlé ici. Ce projet donne lieu à des articles dans des journaux scientifiques à comité de lecture. Ces articles participent aussi au détournement car ils donnent le nom de CV à des CIPAN. Ce projet n’est pas le seul à détourner le terme CV dans des publications scientifiques. Heureusement, dans la section "Méthode" de ces articles, la gestion de l’interculture est souvent expliquée et un esprit éclairé fera la différence entre un engrais vert retourné à la charrue et un CV de type AC. Certains auteurs donnent aussi des indices dans le résumé tel Elhakeem et al.(2019) qui y expliquent que les "CV" peuvent être incorporés au sol dans le but d’augmenter le taux de matière organique.

Jusqu’ici, rien de très grave, un lecteur qui cherche à bien comprendre les résultats lira au moins une fois en entier l’article et jugera par lui-même s’il est réellement question de CV ou si l’auteur a détourné le terme pour en réalité parler d’un autre type d’interculture. Là où le détournement du terme CV peut faire mal, c’est dans la méta-analyse. Comme expliqué ci-dessus, une méta-analyse est un travail d’algorithme. Ces derniers sont très forts pour gérer des grandes quantités de données mais ils sont rarement capables de comprendre les subtilités telle la différence entre un CIPAN et un CV. Bref, ils sont capables de calculer très vite et, à la fois, sont idiots. Par conséquent, il est possible de se poser la question : comment obtenir un résultat pertinent avec une méta-analyse ? La réponse est assez simple : il faut que l’utilisateur de l’algorithme soit vigilant avec les données en entrée pour obtenir un résultat cohérent. De plus, Il est souhaitable qu’il explique dans l’article comment les subtilités furent gérées pour arriver à un résultat cohérent. 

Par conséquent, s’il vous arrive de lire une méta-analyse traitant les CV, je vous conseille de lire avec intérêt la partie méthodologie pour savoir si l’auteur a pris le temps de bien gérer les subtiles différences qu’il y a entre les différentes intercultures semées et qu’il n’a pas tout mis dans le même pot. Si l’auteur n’a pas expliqué s’il a fait la différence entre les différentes subtilités et comment il a géré ces différences, prenez les mesures nécessaires pour protéger votre recherche d’une information probablement incomplète et potentiellement erronée.

Reference :
Elhakeem A, Bastiaans L, Houben S, Packbier P, Jongenelen P, Mader J, Schlathölter M, Scholte M, Bremer G, Hoffland E, Van der Werf W. (2018). Clever Cover Cropping : Cover Crop Diversity and Yield Stability. Conference : XVe European Society for Agronomy Congress (ESA), At Geneva.


19
mars
2020

Faut-il un sol nivelé et sans cailloux pour récolter le peaola ?

Le peaola est l’association du pois et du colza. Le pois seul demande un sol nivelé et sans obstacle pour bien le récolter. Le colza, non. Qu’en est-il du peaola ?

Le pois est une plante fainéante qui investit peu dans ses tiges. Par conséquent, elle ne se dresse pas vers le soleil mais rampe sur le sol ou monte sur un tuteur si on lui en donne un. En grande culture, le pois cultivé seul reste au sol et il faut pouvoir "raser" le sol pour bien le récolter. C’est pourquoi, la majorité des cultivateurs de pois nivelle la parcelle et élimine tout obstacle en ramassant les pierres par exemple.
Le colza est au contraire doté d’une tige solide qui se ramifie en branches. C’est une plante robuste qui verse rarement. La récolte se fait souvent avec la coupe un demi mètre au-dessus du sol. La récolte du colza ne nécessite pas de sol nivelé ou "dépierré".
Par conséquent, il est possible de se demander quel état de surface du sol faut-il pour du peaola ? Faut-il niveler et éliminer tout obstacle pour raser le sol avec la coupe de la batteuse comme avec un pois classique ? Ou le pois va-t-il monter sur le colza et s’en servir comme tuteur, ce qui permettra de régler la coupe façon colza ?

Peaola en WallonieIl n’y a pas ici de réponse unique mais une multitude de réponses. En effet, le peaola (figure 1) est l’association du pois et du colza et il n’y a pas un mélange possible mais des centaines. Il y a un grand nombre de formulations possibles où les doses de semis de colza et de pois varient pour arriver au résultat recherché. Par exemple, il y a la formulation 50/50 où l’on sème 50% de la pleine dose de colza et 50% de la pleine dose de pois. Il est aussi possible de citer la dose 80/20 avec 80% de la pleine dose de colza et 20% de la pleine dose de pois. Mais attention, la formulation n’a pas besoin d’être égale à 100%. Elle peut être supérieure à 100 ou inférieur à 100. Par exemple du peaola 80/40 pour essayer d’augmenter le rendement final ou du peaola 40/40 pour essayer de tirer parti du pouvoir compensateur du colza qui cherchera à s’étaler plus.
Il est logique de penser que plus le colza est semé dense, mieux le pois montera dessus et plus haute sera la coupe à la récolte. Mais à ce jour, la dose minimale de colza pour récolter le peaola à la même hauteur qu’un colza n’est pas connu. Néanmoins, pour récolter facilement malgré des pierres et des bosses, une hauteur de fauche de 50 cm n’est pas toujours obligatoire. Souvent, une hauteur de coupe d’environ 25 cm suffit. Cette dernière sera plus facilement atteignable et permettra de mettre plus de pois et un peu moins de colza dans le mélange. Ce qui permet d’augmenter la production de protéines sur la ferme. Une chose est sûre : avec un minimum de colza, le pois aura un tuteur. Du coup, l’implantation et la récolte seront plus simple du fait d’une hauteur de fauche plus haute.

Le peaola est une culture qui permet de gommer un des plus gros inconvénients du pois : la préparation d’un billard pour assurer la récolte. Cette nouvelle culture est prometteuse mais malheureusement comme toutes les nouveautés, il faut découvrir et apprendre leurs fonctionnements pour s’en servir efficacement. Si le peaola vous intéresse, je vous invite à vous renseigner dans vos réseaux physiques et aussi dans les réseaux en ligne. Par exemple, en cherchant les hashtags #peaola et #peaoladhiver, vous trouverez des infos sur le sujet.


29
novembre
2019

Peaola d’hiver et légumineuse pérenne associée font-elles bon ménage ?

Un colza associé peut inclure une légumineuse pérenne (souvent du trèfle) qui prendra le relais dès que le colza est récolté.
Peaola en Wallonie
Le peaola d’hiver (figure 1) est le mélange du colza d’hiver et du pois d’hiver et il est possible d’imaginer une culture de peaola d’hiver associée contenant une légumineuse d’hiver. Dans ce concept, il y a deux questions qui se posent d’emblée : quand semer la légumineuse associée et comment s’assurer que cette dernière ne pose pas de problème dans le développement et la récolte du peaola d’hiver.
Semis et développement d'un colza associé semé tout en été
Dans le colza d’hiver, la légumineuse pérenne se sème, le plus souvent, en été avec le colza (figure 2) et, parfois, en hiver à la volée (pratique observée dans la région Grand Est). Le risque avec le trèfle semé en même temps que le colza est qu’il soit bien installé en sortie d’hiver et qu’il profite du moindre trou laissé dans le colza pour monter vers la lumière, concurrencer le colza et passer dans la moissonneuse batteuse au moment de la récolte de ce dernier. Pour éviter ce risque, il est possible de semer le trèfle à la volée au courant de l’hiver (figure 3). Le trèfle sera plus faible en sortie d’hiver et il montera beaucoup moins vite dans les trous de colza. Par contre, cette technique contient un risque : la mauvaise levée. En effet, semer à la volée n’est pas un gage de bonne levée et des agriculteurs ont déjà perdu leurs investissements en semant du trèfle à la volée.
Semis et développement d'un colza associé semé en été et en hiver
Avec le peaola d’hiver, une nouvelle fenêtre de semis pour la légumineuse pérenne se présente : semer la plante pérenne en même temps que le pois d’hiver en automne (voir billet Peaola d’hiver : des idées pour semer cette nouvelle culture). L’idée est donc de semer le colza en été puis le pois et la plante pérenne en automne (figure 4). Il est possible que cette fenêtre de semis permette de limiter la vigueur de la légumineuse pérenne en sortie d’hiver tout en assurant une levée régulière et homogène.
Semis et développement d'un peaola d'hiver associé semé en été et en hiver
L’expérience nous a montré que dans un colza associé, le trèfle pouvait en sortie d’hiver profiter des trous dans le colza pour monter vers le soleil. Le peaola d’hiver est une culture nouvelle dont on ne maîtrise pas encore tous les tenants et les aboutissants. C’est une culture sur laquelle on manque de recul et d’expérience. Néanmoins, pour laisser de la place au pois, il est envisageable de réduire la densité de semis du colza. Par conséquent, il est possible de se poser la question suivante : si la densité de colza est réduite par rapport à la pleine dose, il y a un risque qu’il y ait des trous en sortie d’hiver et qui du pois d’hiver ou de la légumineuse pérenne va s’installer dans ces trous ? Idéalement c’est le pois d’hiver car c’est celui que l’on souhaite récolter en premier et en même temps que le colza. Mais ce n’est pas sûr. Et ceci pour 2 raisons : la première est que l’on manque d’expérience et la seconde est que le peaola d’hiver n’a pas une formulation unique et que cette dernière risque d’influencer le résultat. En effet, il y a un grand nombre de formulations où les doses de semis de colza et de pois varient pour arriver au résultat recherché. Par exemple, il y a la formulation 50/50 où l’on sème 50% de la pleine dose de colza et 50% de la pleine dose de pois. Il est aussi possible de citer la dose 80/20 avec 80% de la pleine dose de colza et 20% de la pleine dose de pois. Mais attention, la formulation n’a pas besoin d’être égale à 100%. Elle peut être supérieure à 100 ou inférieur à 100. Par exemple du peaola 80/40 pour essayer d’augmenter le rendement final ou du peaola 40/40 pour essayer de tirer parti du pouvoir compensateur du colza qui essayera de s’étaler plus. Par conséquent, les éléments de réponses à la question « qui du pois ou de la plante pérenne profitera des trous dans le colza ? » sont (1) l’expérience nous le dira et (2) le peaola a de multiples formulations et des formulations différentes risquent d’avoir des réponses différentes.
Il est clair que l’ajout d’une légumineuse pérenne à un peaola d’hiver est une question ouverte. Il y a des opportunités et des défis. Il y a des opportunités du fait que le semis du pois en automne rajoute une fenêtre de semis pour la légumineuse pérenne et du fait que le peaola n’a pas une formulation unique mais multiple. Le défi majeur est la méconnaissance du peaola d’hiver du fait de sa nouveauté. Cette question ouverte vaut son poids de protéines et contient une question intermédiaire qui est : comment apprendre sans y laisser des plumes ? La réponse est ici connue : essayer avec des petites surfaces, souvent un simple aller-retour de semoir dans une parcelle suffit. Pour ceux qui font du colza associé avec du trèfle, cela peut être l’emblavement d’une bande avec du pois d’hiver et pour ceux qui sont plus familiarisés avec le peaola au point d’en faire une parcelle entière, cela peut être de rajouter de la semence de trèfle dans le semoir au moment de semer le pois d’hiver. Maintenant, il ne tient qu’à vous d’essayer de la manière qui vous semble la plus appropriée.


3
octobre
2019

Terroir et productivité du maïs

J’ai grandi dans le Lot-et-Garonne, pas dans la plaine mais sur les coteaux. Il y a sur ces collines une grande diversité de cultures dont une plante qui se retrouve presque dans toutes les fermes : le maïs.
Certaines parcelles sont irriguées mais pas toutes. Un grand nombre d’agriculteurs ont une ou plusieurs parcelles de maïs en sec. Lorsque je suis sorti du lycée agricole, la moyenne décennale de rendement en sec était de 7,5 tonnes par hectare de maïs grain aux normes. Aujourd’hui elle est plutôt autour des 8,2 tonnes. A l’époque, je trouvais ce rendement normal mais avec le temps, j’en suis venu à me poser des questions.
Dans le Nord de la France, il y a des régions « froides » et « sèches » qui font de très beaux maïs. Il est possible de citer le sud des Ardennes où les maïs grain en sec font en moyenne 10t/ha alors que les indices de précocité de ces mêmes maïs sont aux alentours de 300 FAO (figure 1). Un peu plus à l’Est, les maïs des collines du Sundgau sont rarement irrigués et sont connus pour avoir des rendements supérieurs à ceux des coteaux du Lot-et-Garonne.
Terroir et productivité du maïs
En dehors de la France, les maïs grain Néerlandais et Belges produisent des rendements flatteurs malgré l’utilisation de cultivars précoces. Par exemple, dans la région Achterhoek aux Pays Bas, un maïs grain sec produit en moyenne 11t/ha (15% d’humidité) alors que les variétés ont une précocité aux alentours de 220 FAO.
Le constat n’est pas très flatteur pour le maïs en sec des coteaux du Lot-et-Garonne : il y a des régions plus froides, avec de la génétique limitante et parfois avec moins d’eau qui font de plus gros maïs. La question que j’en suis venu à me poser : Pourquoi ? Qu’est ce qu’il fait qu’ailleurs, avec moins, le maïs donne plus ? Cette question en déclenche beaucoup d’autres telles que : Est-ce que cela vient en partie de l’itinéraire technique ? Est-ce que le sol et sa gestion rentrent dans l’équation ? Est-ce que les maïs précoces et très précoces ont une meilleure génétique que ce que l’on pensait et qu’il faut apprendre à mieux les utiliser ?