Thierry Stokkermans

  • Plantule de radis en SDSC aux Pays-Bas
  • Vue aérienne du site d'Oberacker, Suisse
  • Résultat levée de tournesol sans engrais organique
  • Hairpinning
  • Maïs en agriculture de conservation des sols
26
septembre
2018

1 semis pour 2 récoltes dans les pays froids

Dans certaines régions de France, il est aujourd’hui possible de semer une fois pour battre deux fois. C’est le principe de l’association Colza d’hiver-Sarrasin. Dans les pays connaissant un froid intense tel que l’Islande, cela semble impossible. Néanmoins, il semble y avoir une opportunité avec l’association colza de printemps-céréales d’hiver.
Ed Tollenaar est un agriculteur canadien qui sème son blé d’hiver dans son colza de printemps (figure 1). Il fait du relay-cropping et celà semble fonctionner assez bien (figure 2).

Relay cropping blé d'hiver dans colza de printemps Blé d'hiver à la récolte du colza de printemps

Je ne savais pas que le relay cropping colza de printemps-blé d’hiver existait et cela m’a interpellé et m’a renvoyé à une idée que j’avais eu en lisant un article sur la céréaliculture en Islande. Cet article était paru en 2015 dans le magazine du GRDC (équivalent d’Arvalis en Australie) et présentait l’agriculture islandaise (référence : O’Brien Lindsay ; 2015 ; Farming in Eyjafjallajokull’s shadow : Easier said than done ! ; Australian Grain september-october 2015 : Vol. 25, No. 3 ; page 10, 12 & 14).
Malgré le froid, ces agriculteurs cultivent de l’orge de printemps, du colza de printemps et du blé d’hiver. En Islande, les cultures se sèment au mois d’avril/mai. L’orge et le colza se récoltent en octobre de la même année et le blé se récolte en octobre de l’année suivante (figure 3). Le blé d’hiver Islandais a de bons rendements mais mobilise la terre deux années. Du coup, en se basant sur l’idée du Colza-Sarrasin, je me disais qu’il devrait être possible de faire 1 semis-2 récoltes en Islande avec une association colza de printemps-blé d’hiver (figure 4).

Semis et récolte respectives des cultures en Islande
Idée d'1 semis-2 récoltes en climat tempéré froid

Au Canada, Ed Tollenaar n’a que 4 semaines d’écart entre le semis du colza et le semis du blé (figure 1). Par conséquent, il s’approche assez de l’idée 1 semis-2 récoltes.
De plus, il faut ajouter que Ed Tollenaar n’est pas dans une région particulièrement froide. Ce dernier est agriculteur dans les environs de Matheson (Ontario) et il cultive du maïs grain. Il y a des régions au Canada, en Alaska, en Russie et dans le nord de l’Europe oú l’été est trop froid pour cultiver du maïs grain. En France, dans le Jura, il y a aussi des agriculteurs qui cultivent les pistes de ski. Ils y sèment de l’orge de printemps car la belle saison est trop froide pour faire une culture d’été.
Voir le travail de Ed Tollenaar me fait penser que 1 semis-2 récoltes en climat froid est possible. Au début, je pensais que l’association colza de printemps-blé d’hiver était la plus prometteuse. Avec le temps, je commence à penser que l’association colza de printemps-orge d’hiver peut également bien fonctionner. Ceci n’est qu’une idée. Elle n’a, à ma connaissance, jamais été mise en pratique. C’est une idée complexe qui demande du travail de mise au point mais qui permet, avec peu d’investissement financier, d’augmenter la productivité.


29
août
2018

L’agriculteur préparera toujours son sol

Le cultivateur travaille avec le sol. Mais certains pensent que si le tracteur ne tourne pas, il n’y a rien qui se passe. Est ce vrai ? Est ce faux ? Quelle est la définition de la préparation de sol ? Dans ce billet, je vous propose de regarder ensemble la préparation de sol et le fait qu’un cultivateur désireux de bien faire préparera toujours son sol.
Lorsque l’on parle de préparation de sol, il faut tout de suite se rappeler qu’il existe trois types d’outils de préparation du sol :
- Les outils mécaniques, telle que la herse rotative par exemple,
- Les outils biologiques, telles que les racines par exemple,
- Les outils chimiques, telle que la chaux par exemple.
Les agriculteurs en Agriculture de Conservation (AC) maitrisent souvent très bien les trois catégories d’outils car la bonne gestion du sol est au cœur même du raisonnement AC. Et, dans les réseaux AC, il est bien connu que l’utilisation des outils chimiques et leurs dosages est directement lié aux outils mécaniques et/ou biologiques utilisés dans le système.
En d’autres mots, la préparation chimique est une conséquence des choix mécaniques et biologiques qui ont été faits sur la parcelle. Par exemple, si l’agriculteur fait attention à la structure du sol dans sa préparation mécanique et/ou biologique, il aura moins besoin de chauler. La préparation chimique est donc liée aux conséquences des préparations mécaniques et biologiques. La réflexion autour de ces 2 derniers est donc le point de départ pour maitriser la préparation des sols.
Ce post va donc se concentrer sur la préparation mécanique et biologique des sols. En généralisant, il est possible de classer les systèmes agricoles en fonction de l’intensité de la préparation biologique et de l’intensité de la préparation mécanique. En effet, un sol « couvert et vert » 12 mois par an aura une plus grande intensité de préparation biologique qu’un sol nu 8 mois de l’année.
Ces préparations de sols ont un effet à long terme sur la santé des sols. En effet, un sol qui est déchaumé, décompacté, labouré, émietté et biné chaque année sera sur le long terme plus dégradé qu’un sol en semis direct. En effet, il est connu que le travail mécanique intense mine et détruit les sols. Inversement, un sol qui a une préparation biologique intense avec des amendements organiques et la présence de racines 365 jours par an sera, sur le long terme, en bonne santé.
L’agriculteur a, bien sûr, le choix dans la préparation mécanique et la préparation biologique. Ceci donne un grand nombre de solutions et de combinaisons différentes et variées. Ceci est d’autant plus vrai qu’il y a de la diversité dans le système de culture, tel qu’un système polyculture-élevage par exemple. La figure 1 donne une indication de l’étendue des possibilités et leur effet à long terme sur le sol.
Stratégies de préparation du sol et leurs effets
La figure 1 montre aussi que les racines de la culture de vente ont aussi un effet sur la préparation biologique des sols. En effet, la culture de vente travaille le sol de façon biologique grâce à ses racines et à ses échanges avec la vie du sol. Par exemple, dans le cas d’une monoculture (telle une monoculture de maïs par exemple), année après année, le sol est toujours travaillé par la même racine (celle du maïs). Ce manque de diversité limite l’amélioration du sol. Ceci se voit chez certains agriculteurs des Etats Unis d’Amérique qui font de la monoculture de maïs en semis direct et sans engrais vert ou amendements organiques. L’état de leur sol n’est pas exceptionnel. Il y a des points positifs à leur système car l’érosion y est limitée mais la fertilité est en dessous de ce qu’elle pourrait être. C’est pourquoi ces agriculteurs ont souvent des sols qui sont moyennement dégradés.
Il y a aussi des agriculteurs qui préparent leur sol intensément à la fois de façon biologique et de façon mécanique. Ces derniers obtiennent ainsi une bonne fertilité car les éléments nutritifs circulent rapidement mais malheureusement, leur sol est sensible à l’érosion, peu favorable aux champignons telluriques et exposé aux températures extrêmes qui peuvent tuer la vie du sol, en particulier dans les premiers centimètres. La conséquence de cette gestion des sols intenses à la fois mécaniquement et biologiquement est un sol moyennement dégradé.
Pour avoir un sol en bonne santé, il faut le préparer intensément sur le plan biologique et le travailler mécaniquement aussi peu que possible. Ceci permet de créer un sol vivant où les éléments nutritifs sont présents en quantité et circulent facilement, où la structure du sol permet de stocker l’air, l’eau et les éléments nutritifs nécessaires aux racines des cultures et où la vie du sol est si dynamique qu’il y a peu de place laissée libre aux ravageurs et autres mauvaises herbes.
L’agriculteur qui souhaite avoir un sol en bonne santé apprend à utiliser et utilise les outils biologiques au maximum. Il va placer des racines dans son sol tout au long de l’année et y injecter du carbone et de la matière organique fraîche. Cet agriculteur prépare son sol de façon biologique. C’est moins d’heures de tracteur et de gasoil mais cela demande plus de connaissance et de doigté. L’agriculteur préparera toujours son sol.


9
juillet
2018

Devinette issue du cahier de vacances de l’AC

JPEG - 218.3 koDevinette numéro 42 : Qu’est ce qui, à l’usage, a des effets positifs au commencement mais des effets négatifs sur le long terme et, au sevrage, a des effets négatifs au début et des effets positifs sur le long terme ?
a) La boisson alcoolisée
b) Le labour
Attention, il y a plusieurs bonnes réponses possibles.


26
juin
2018

Peaola d’hiver : des idées pour semer cette nouvelle culture

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Le Peaola (figure 1) est le mélange du pois (pea en anglais) et du colza (canola en Amérique du nord). Les Canadiens sont les précurseurs de la technique. Au printemps, ils sèment du pois de printemps et du colza de printemps ensemble dans le même rang et le récoltent ensemble en fin d’été ou/en automne. C’est au moment du triage de la récolte, qu’ils séparent la grosse graine (pois) de la petite (colza).
En Europe de l’Ouest, on préfère le colza d’hiver au colza de printemps car il produit plus. Et on préfère le pois d’hiver pour la même raison. Le peaola d’hiver a, en Europe de l’Ouest, plus de potentiel que le peaola de printemps et les 3 principales questions sont alors : peut-on faire du peaola d’hiver en Europe ? Y-a-t-il une plus-value économique ? Comment gérer cette nouvelle culture ?
Pour récolter une culture, il faut d’abord la semer. On sait semer du pois d’hiver. On sait semer du colza d’hiver. Mais comment semer du Peaola d’hiver ? Et quand le semer ?
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Habituellement, le colza d’hiver se sème en aout et le pois d’hiver en octobre/novembre. Il y a un grand écart entre les dates de semis. Faut-il alors semer deux fois ? Ou faut-il s’arranger pour tout semer en une fois ?
Il y a ici plusieurs pistes à explorer. La figure 1 montre un peaola semé en une fois (semis du mois d’aoûtt a priori) et les figures 2, 3 et 4 montrent un semis en deux fois (premier septembre pour le colza et mi-novembre pour le pois). En 2016/2017, Frédéric Thomas a aussi semé du peaola d’hiver avec un semis décalé dans le temps
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Pour ce qui est de la culture présentée dans les figures 2, 3 et 4, la culture a été ratée (le colza a été semé pour un apiculteur-amateur et il n’y a eu aucun traitement/soin) mais le semis s’est bien passé et il y a des enseignements et observations à en tirer.
Le principal enseignement est le tremplin psychologique : il n’est pas facile de semer du pois dans un colza de 10 semaines même si ce dernier est rachitique. En effet, passer le semoir dans une culture en place depuis 10 semaines n’est pas simple car on a peur d’abimer la première culture et ça l’est encore plus dans les conditions humides de novembre car on risque de tasser le sol et d’asphyxier les racines de la culture en place (lien vidéo YouTube). Néanmoins, ayant semé les deux plantes avec un semoir à interrang de 60 cm (figure 5), il y avait assez de place pour semer le pois entre les colzas sans abimer ces derniers et ceci sans utiliser le RTK. Pour ce qui est du tassement, j’ai utilisé un petit tracteur avec un semoir monograine Monosem NG+ qui est relativement léger.
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Au niveau des observations (et sans entrer dans le détail des explications) :
- Le peaola devrait bien se combiner avec la technique du colza associé.
- Si le pois est semé en décalé dans le temps et que le colza (ou colza associé) a une biomasse importante, je conseille d’utiliser un semoir qui crée un contact sol-graine propre pour assurer une bonne germination et une bonne levée.
- Si c’était à refaire, je sèmerai le pois plus tôt. Disons mi-octobre.
- Si c’était à refaire, je prendrai un semoir avec un interrang plus serré. Disons entre 40 et 50 cm pour avoir le pois à 20/25 cm du colza.
Entre le peaola Belge semé en une fois et probablement avec le combiné sur la herse rotative et mon peaola semé à 10 semaines d’intervalle et en direct avec le monograine, il semblerait qu’il y ait mille et une façon de semer le peaola. Maintenant, pour les intéressés, il faudra trouver la meilleure technique pour chez vous. C’est-à-dire la technique qui est à la fois efficace et sûre dans votre système de production et dans votre terroir.


17
mai
2018

Désherbage abrasif

Désherbage par sablageAvez-vous déjà pensé à désherber par sablage ? Cette technique industrielle qui consiste à décaper en utilisant de l’air comprimé et du sable fin est utilisée par des chercheurs canadiens pour désherber sur le rang. Voici une vidéo de son travail :

La revue TCS parle aussi, dans son récent dossier, de désherbage par sablage.


27
février
2018

Semis de maïs et dose d’engrais starter

Les maïsiculteurs le savent bien : l’engrais starter permet d’avoir des plantules vigoureuses et fortes, d’augmenter le rendement et/ou de diminuer les doses d’engrais. Néanmoins, si l’engrais starter est mal dosé et/ou mal placé, ce dernier risque de brûler les germes et d’impacter négativement le nombre de pieds de maïs. Les bonnes doses d’engrais starter sont connues pour les semis sur sol travaillé. Mais pour le semis direct sur couvert avec qui plus est, un sillon en T inversé, il y a beaucoup moins d’information disponible. Voici un petit mémo composé d’un très bon article publié et de travaux personnels.

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Pour ce qui est des sols travaillés avec un semis à l’écartement de 76,2cm, Hergert et Wortmann (2006) ont mis en avant dans un tableau simple le lien entre type de sol, la distance engrais/graine et la dose maximale de l’engrais 10-34-0. Le tableau 1 montre ces informations avec en plus, la traduction en unité européenne. De façon générale, plus l’engrais est éloigné de la semence, plus il est possible d’augmenter les doses. En effet, lorsque l’engrais est placé avec la semence, il faut se limiter à la dose de 5 unités d’azote et 16 unités de phosphore par hectare. Et dès lors que la distance passe à 25 mm, la dose peut augmenter à 190 litres par hectare en sols sableux et près de 380 litres en sols argileux. 25 mm est une distance relativement petite mais déjà suffisante pour multiplier les doses d’engrais par un facteur 4 en sol sableux et un facteur 8 dans des sols plus lourds. Les informations du tableau de Hergert et Wortmann (2006) sont donnése pour un inter-rang de 76,2cm. Par conséquent, elles sont aussi valables pour l’inter-rang de 75cm. Pour tout autre écartement, il vous faudra prendre votre calculette et faire un produit en croix.

En semis direct, les solutions techniques pour localiser l’engrais starter dans le sol peuvent être limitées. En effet, certaines solutions techniques utilisées en sol travaillé occasionnent des problèmes en semis direct. Ces derniers peuvent être mécaniques, telle que la remontée en surface de sol gras en terrefort, ou biologiques, telle que la perturbation excessive du sol qui favorise la levée d’adventices. Il faut ici utiliser des solutions techniques intelligentes qui permettent d’avoir les bénéfices des engrais starter sans en avoir les inconvénients. Une des solutions est de placer l’engrais dans le sillon de la graine tout en évitant tout contact avec la graine.

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Une des solutions techniques possibles est l’utilisation d’un sillon en T inversé. Il est question ici de semer un maïs avec un semoir monograine qui crée un sillon en forme de T inversé en lieu et place du traditionnel sillon en V. Ce sillon est plus large en bas qu’en haut et permet d’accommoder plusieurs produits au fond du sillon. Les figures 1 et 2 montrent deux façons différentes de placer l’engrais dans un tel sillon. En effet, vu que le système monograine dépose la graine au centre du sillon, il est possible d’utiliser une seule des extrémités pour localiser l’engrais (figure 1) ou les 2 extrémités (figure 2).
Au printemps 2017, des essais ont eu lieu pour observer les effets de l’engrais starter sur la levée. Entre autres, 3 semaines après le semis (figure 3), le peuplement du maïs a été compté pour vérifier qu’il n’y a pas eu de pertes dues à d’éventuelles brûlures. Les essais ont consisté à tester 3 doses différentes 0, 45 et 90l/ha d’engrais Growsol CS 14-28 respectivement appelés P0, P1 et P2. Le tableau 2 montre les apports en azote et en phosphore des différentes doses.
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Les comptages ont montré qu’il n’y a pas plus de perte avec les doses de 45 ou 90l/ha qu’il y en a dans le témoin zéro. Par conséquent, il est possible, en semis direct sous couvert, de placer une dose importante d’engrais starter dans le sillon à condition de le faire de manière intelligente. Ce gain déplafonne les quantités maximales d’engrais starter dans le sillon avec le semoir monograine. De plus, il est à noter que l’engrais est près de la plantule et sera absorbé facilement par les radicelles ce qui est un point positif.
Le phosphore permet de stimuler la croissance des plantules de maïs en particulier pour les semis précoces d’où le nom d’engrais starter. En sol travaillé, il y a un grand nombre de solutions techniques pour bien placer l’engrais. En semis direct, les solutions techniques sont limitées pour des raisons mécaniques et/ou biologiques. Il faut ici utiliser des solutions techniques intelligentes qui permettent d’avoir les bénéfices des engrais starter sans en avoir les inconvénients.
Références :
Hergert, G.W. and C.S. Wortmann. 2006. Using starter fertilizers for corn, grain sorghum and soybeans. NebGuide G361. Univ. of Nebraska Coop. Ext. Service, Lincoln. http://extensionpublications.unl.edu/assets/pdf/g361.pdf. (Rev. Oct. 2012)