Frédérique HUPIN

  • Frederic Vanwindekens, inventeur du quanti-slake-test, au festival de l'agroécologie et de l'agriculture de conservation des sols à Fexhe (Belgique)
23
février
2025

Diminuer la dépendance des cultures aux intrants avec les plantes de services

Toutes les recherches pour diminuer la dépendance des cultures aux intrants grâce aux plantes de services viennent d’être collectées, récapitulées, expliquées dans un livre par l’INRAE (éditions QUAE).

La recherche cherche et trouve encore et toujours dans les champs. Et quand elle prend le temps de rassembler tous les acquis sur un même sujet au sein d’un ouvrage, il est temps pour le terrain d’en prendre connaissance.

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Il s’agit d’un livre de vulgarisation scientifique. Il faut s’accrocher quand même. Au fil de 387 pages, les coordinatrices de l’ouvrage, Caroline Djian-Caporalino et Anne-Violette Lavoir, nous apportent la preuve par A+B jusqu’à Z, études référencées à l’appui, des services cachés que les plantes peuvent nous rendre si on prend le temps de les observer.

Florilèges
Une des solutions (p. 9) pour aider à passer d’un agrosystème à un agroécosystème qui fournira une série de services gratuits aux cultures (les fameux services écosystémiques) serait de restaurer la diversité végétale (autre que la diversité génétique de la plante cultivée). Cette diversité végétale peut être introduite dans et autour de la parcelle, voire dans le paysage avoisinant. Les plantes de services (p. 25) peuvent couvrir la période d’interculture et/ou être implantées en association pendant une partie du cycle de la culture de rente
Ces plantes permettraient de fournir un substitut partiel ou complet à de nombreux intrants agricoles (engrais, pesticides, pollinisateurs importés, irrigation). De même, un système cultivé diversifié présente moins de ravageurs herbivores, plus d’ennemis naturels et des dommages moindres sur les plantes cultivées.
La compaction est une des causes majeures de la dégradation de la fertilité des sols. Les plantes de services induisent une diminution de la résistance du sol à la pénétration (p. 25).
On trouve en page 383 de ce livre un récapitulatif des espèces de plantes de services citées et des services observés. Cet ouvrage cite pas moins de 226 espèces. Un QR code permet d’accéder à leur liste exhaustive (fichier Excel). Grâce à ce fichier, on peut choisir les services qui nous intéressent et faire un tri sur les espèces ad hoc. Les familles citées sont les ombellifères, les astéracées, les crucifères, les chénopodiacées, les éricacées, les euphorbiacées, les fabacées (légumineuses), les hydrophyllacées, les lamiacées, les linacées, les pinacées, les poacées (graminées), les polygonacées, les rosacées.
Pour le commander sur le site de l’éditeur :
Editions Quae, Les plantes de services

Bonnes découvertes


8
janvier
2025

Le noeud du problème agricole expliqué par Jancovici avec 15% et 7% qui font 1%

Jean-Marc Jancovici, expert français en climat et en énergie, aborde souvent la question de la consommation énergétique et des enjeux écologiques liés à nos modes de vie. Il évoque les chiffres suivants (tirés de rapports du Ministère de l’agriculture, de l’ADEME ou de l’INSEE) pour souligner plusieurs points critiques concernant notre système économique et alimentaire :

 15% du budget des ménages est alloué à la nourriture 
 7% de la part du prix payé par le consommateur pour un produit alimentaire est effectivement versée au producteur
— > si on fait un rapide calcul de coin de table (merci à l’agriculteur qui m’a soufflé l’idée) : 7% de 15%, ça fait 1% du du budget des ménages qui est reversée au producteur ...

En résumé, Jancovici utilise ces chiffres pour dénoncer un modèle où l’agriculture et les producteurs sont largement désavantagés, et pour souligner l’urgence de repenser la distribution des ressources et de soutenir des pratiques agricoles plus durables.

En détail  :

  • Distribution inégale des revenus dans la chaîne alimentaire : Jancovici met en lumière l’inadéquation de la répartition des ressources financières dans la chaîne de valeur alimentaire. Alors que les ménages consacrent une part importante de leur budget à la nourriture (environ 15%), une part très faible de cet argent va réellement au producteur, soit 7%. Cela signifie que la majorité de l’argent payé pour les produits alimentaires est absorbée par les intermédiaires : industriels, distributeurs, transporteurs, et autres acteurs de la chaîne logistique.
  • Les marges des entreprises de transformation et de distribution : Il pointe l’énorme profit généré par les grandes entreprises du secteur alimentaire, souvent au détriment des producteurs, qui reçoivent une fraction minime de l’argent dépensé par les consommateurs. Jancovici met ainsi en lumière les problèmes de rentabilité pour les agriculteurs, qui se retrouvent souvent dans des situations économiques précaires, malgré le fait que leurs produits soient en fin de chaîne valorisés à des prix beaucoup plus élevés.
  • Conséquences écologiques et sociales : Selon lui, cette concentration des marges sur les maillons intermédiaires a des impacts négatifs, notamment sur l’agriculture durable et la transition énergétique. Les producteurs, souvent contraints par les faibles prix qu’ils reçoivent, sont moins incités à adopter des pratiques respectueuses de l’environnement. Cela alimente un système où l’impact écologique de la production alimentaire reste élevé, car la rentabilité des fermes est sacrifiée au profit de la rentabilité des grandes entreprises agro-alimentaires.
The Shift Project - agriculture
The Shift Project - agriculture

Jean-Marc Jancovici a créé "the shift project". Cette équipe d’experts publie des rapports pour expliquer et donner des conseils pour diminuer l’empreinte carbone de différents secteurs. Son dernier rapport traite de l’agriculture : "Pour une agriculture bas carbone, résiliente et prospère"
Pour ceux qui veulent tout le rapport et son résumé :https://theshiftproject.org/article/pour-une-agriculture-bas-carbone-resiliente-et-prospere-the-shift-project-publie-son-rapport-final/

On trouve dans ce lien également, le résultat de la grande consultation des agriculteurs qui a récolté près de 8000 répondants.

Cet article m’a été inspiré par la dernière vidéo postée sur le site A2C (voir la rubrique vidéo en page d’accueil de ce site). Vidéo elle-même recommandée par un éleveur belge.


5
décembre
2024

Célébrons la Journée Mondiale des Sols : La vie invisible sous nos pieds

Chaque année, le 5 décembre, nous célébrons la Journée Mondiale des Sols, une occasion précieuse de prendre conscience de l’importance cruciale de ce que nous appelons souvent « le monde invisible sous nos pieds ».

5 décembre : Journée mondiale des sols

Alors que nous marchons sur la terre, nous avons tendance à négliger la richesse et la complexité des sols qui nous soutiennent. Cette journée est un appel à l’éveil et à la réflexion sur la vitalité de nos écosystèmes et la santé de notre planète.

Un écosystème vivant

Le sol, ce n’est pas simplement de la terre. C’est un écosystème vivant, grouillant d’une biodiversité incroyable. Un seul gramme de sol peut abriter des milliards de micro-organismes, des champignons aux bactéries, en passant par des insectes et des vers de terre. Chacun de ces éléments joue un rôle fondamental dans le cycle de la vie, de la décomposition des matières organiques à la régénération des nutriments. En célébrant cette journée, nous rendons hommage à ces alliés invisibles qui contribuent à la fertilité de nos terres et, par conséquent, à notre propre survie.

Une ressource précieuse à protéger

Nos sols sont également un réservoir d’eau, un filtre naturel et un puits de carbone. Ils régulent l’hydratation des plantes, stockent le carbone pour atténuer le changement climatique et soutiennent la production alimentaire. Cependant, la déforestation, l’agriculture intensive, la pollution et l’urbanisation mettent en danger cette ressource précieuse. En cette Journée Mondiale des Sols, il est crucial de prendre un moment pour réfléchir à nos pratiques et à leur impact sur cette couche fragile et vitale de notre planète.

Agir pour l’Avenir

Il est temps d’agir ! Comment pouvons-nous tous contribuer à la protection des sols ? Voici quelques actions simples :

1. Éduquez-vous : Familiarisez-vous avec les pratiques de gestion durable des sols. Apprenez à connaître les méthodes de culture qui préservent la santé du sol.

2. Pratiquez la compostage : En recyclant vos déchets organiques, vous nourrissez le sol et réduisez le gaspillage.

3. Plantez des arbres et des jardins : Ils aident à prévenir l’érosion, à améliorer la qualité du sol et à favoriser la biodiversité.

4. Soutenez des initiatives locales : Participez à des projets de reforestation, à des marchés de producteurs ou à des programmes de sensibilisation.

Une vision pour demain

En célébrant la Journée Mondiale des Sols, nous célébrons non seulement la vie qui s’y cache, mais aussi notre responsabilité à la préserver. C’est un appel à l’action, un encouragement à changer notre perspective et à envisager des solutions durables pour un avenir meilleur. Ouvrons nos esprits à ce monde caché et reconnaissons qu’en protégeant nos sols, nous protégeons notre propre avenir.

Ensemble, faisons en sorte que cette journée ne soit pas seulement une célébration, mais un point de départ pour un changement positif. Engageons-nous à respecter et à nourrir cette terre qui nous nourrit. Parce qu’un sol sain est le fondement d’un avenir sain !


2
août
2024

Le Slake test objectivé devient le Quanti-Slake-Test

Un chercheur belge a trouvé un moyen facile, pas cher et visuel d’objectiver la stabilité structurale d’un sol : le quanti-slake-test.
L’hypothèse derrière le quanti-slake-test : si une grosse pluie passe sur mon champ après une période de sec, la terre va-t-elle partir ?

La stabilité structurale, aussi appelée stabilité des agrégats, est un indicateur de la cohésion des agrégats d’un sol. C’est un paramètre qui exprime la capacité des agrégats d’un sol à résister à une dégradation due en général à l’impact de la pluie ou un excès d’eau.
Caractériser la stabilité structurale de son sol n’est pas aisé. De nombreuses mesures sont utilisées par les chercheurs, mais elles prennent du temps, nécessitent des connaissances et des mesures en laboratoire et ne peuvent pas être mises en place par tout un chacun facilement. Il y a, par exemple, le calcul de l’indice de battance, qui est une formule qui existe depuis 1974 et qui nécessite de connaître le % de sable, limon, argile, matière organique et le pH.

Et si en plus on cherche une mesure qui visuellement frappe les esprits, alors, on peut dire qu’on cherche la lune.

Et la lune, c’est un chercheur belge qui l’a bel et bien trouvée !

Frédéric Vanwindekens est chercheur au CRA-W à Gembloux. Cela fait plusieurs années qu’il travaille sur des projets de recherche appliquée en lien avec le sol. Il participe notamment au projet EJPSoil avec « madame sol » de l’INRAE, Claire Chenu. Tel le géo-trouve-tout du labo, il a récemment mis au point une méthode simple, visuelle et pas cher (si si ça existe encore) pour objectiver (=mesurer et créer des graphes) le slake-test.
Frederic Vanwindekens, inventeur du quanti-slake-test, au festival de l'agroécologie et de l'agriculture de conservation des sols à Fexhe (Belgique)

Du slake test au quanti-slake-test

Pour le slake test, il s’agit de placer une motte de sol dans un vase rempli d’eau, sur un morceau de treillis de poule, et d’observer comment les particules de sol se détachent ainsi que la couleur de l’eau.
Et le Quanti Slake Test, c’est quand le chercheur, Frédéric Vanwindekens, rajoute une balance qui pèse en continu l’échantillon de sol occupé à se déliter. Cette mesure génère alors un graphique à partir duquel sont calculés des indicateurs. En comparant avec d’autres "courbes" ou indicateurs de slake-test, on pourra voir si le sol de cette parcelle est plus stable ou moins stable que d’autres de la même ferme ou se comparer avec d’autres graphes dont les pratiques culturales sont connues.

Frédéric Vanwindekens devant le quanti-slake-test à la foire agricole de Libramont (Belgique)
Frédéric Vanwindekens devant le quanti-slake-test à la foire agricole de Libramont (Belgique)
Crédits : Frederique Hupin

Le quanti-slake-test en pratique

Le prélèvement des échantillons se fait à la bêche sur une profondeur de 10 cm : on sort une motte et on en garde un volume d’environ 5 cm de côté qui tient ensemble.

L’échantillon doit sécher pendant minimum un mois à l’air libre.
Pour comparer les QuantiSlakeTest, les infos suivantes sont utilisées : date de prélèvement, lieu, culture, précédent, couverts, matières organiques, types de travail du sol.
On en est encore au B-A-BA avec cette méthode. Quelques labos belges et français sont occupés à s’équiper et à tester la méthode. Ce qui est déjà sûr, c’est qu’elle engendre de chouettes discussions entre agriculteurs sur les pratiques agricoles en lien avec la conservation des sols.

Quanti-slake-test et article du Plein Champ du 25/07/2024
Quanti-slake-test et article du Plein Champ du 25/07/2024
Crédits : Frederique Hupin

Plus d’informations :
https://www.cra.wallonie.be/fr/quantislaketest
https://www.cra.wallonie.be/fr/une-approche-pragmatique-pour-evaluer-la-stabilite-structurale-des-sols


3
mai
2024

Un nouvel indice de qualité des sols se construit en Belgique

Le 11 avril 2024 se déroulait à Louvain-la-Neuve une conférence de lancement pour la construction d’un futur indice de qualité des sols wallons (IQSW).

Voici un topo de ce qui s’est passé à cette conférence IQSW grâce à la plume de JMP, aficionados des sols pour Le Sillon belge. Comme je le disais à certains qui m’avaient questionnée à ce sujet (car c’est moi qui ai animé les débats de cette conférence), ce n’était en effet pas la peine, en tant qu’agriculteur, de se déplacer pour cette première rencontre, tout est résumé dans l’article du Sillon belge de cette semaine en page 5 (les voix de la terre) et dans celui de la semaine précédente également. Ce qui sera important, c’est la suite concrète pour le volet agricole.

JMP conclut son article par : "... le monde agricole doit s’y intéresser de près (...) aux armes les terriens ... comment ? ..." cfr fin de son article et ici également.
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Le contenu des débats a été résumé par Brieuc Hardy, chercheur au Centre wallon de Recherches agronomiques (l’équivalent de l’INRAE pour la Belgique).

J’ai également rédigé un article résumant la conférence IQSW de Louvain-la-Neuve et ses grands concepts dans l’Avenir, quotidien belge. Cet article est assorti d’une interview de Bernard Decock, responsable du pôle environnement de la Fédération Wallonne de l’Agriculture (FWA).

Le journal de la FWA, Plein champ, parle également de l’IQSW dans son édition du 18/04/2024 grâce à la plume de Mathilde Guillaume, jeune journaliste primée en 2023 par le prix du journalisme agricole belge.

Lors du festival de l’agriculture de conservation des sols (FA²C) le 19 juin à Fexhe-le-haut-clocher (Belgique), plus d’infos seront données sur le volet agricole de cet indice, entre autres, lors d’une mini conférence du Centre wallon de recherches agronomiques (CRA-W). Notez la date à votre agenda.

Une nouvelle vidéo de 2 minutes résume ce qu’est l’IQSW.


16
décembre
2023

Une journée TCS toute en poésie

Ce 15 décembre 2023 se déroulait la journée annuelle du magazine "TCS" au lycée agricole de Vendôme. Des conférenciers de choix, de la diversité et surtout un esprit de fraternité. 200 personnes... quand même !
Cette année fut particulièrement poétique grâce à l’introduction de la journée par Frédéric Thomas via un poème de l’agronome belge retraité mais restant écrivain et conférencier : Jean-Marie Parmentier.

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Page 144 du livre "La terre vous interpelle ? Et si on pensait épiculture ?". Un roman de 155 pages qui résume et nous fait revisiter les fondements de l’agronomie : pédologie et fertilisation principalement, mais pas que.

La terre a ses secrets, un côté mystérieux
qu’on se doit d’approcher, d’appréhender au mieux
chaque grain de sable d’argile ou de limon
nous parle d’érosion puis d’agrégation
(...)
les compartiments se créent
passage obligé
ce complexe est une clé
de la fertilité
refuge des cations
outil de nutrition
les échanges se font
en toute discrétion

Pour la petite histoire, Jean-Marie Parmentier a cédé les cours d’agronomie qu’il donnait aux jeunes agriculteurs à Blaise Duthoit (son successeur chez Rosier en tant que responsable agronomique) et à moi-même. C’est ainsi que nos relations se sont tissées.