Frédérique HUPIN

  • Frederic Vanwindekens, inventeur du quanti-slake-test, au festival de l'agroécologie et de l'agriculture de conservation des sols à Fexhe (Belgique)
25
octobre
2018

Une ferme en AC, primée pour son accueil de la biodiversité

Buse variable (© Bruno Marchal) L’agriculture de conservation a pour particularité d’offrir le gîte et le couvert aux oiseaux (pour autant que des techniques de limitation des herbicides soient mises en place). Les vers de terre, les insectes, les graines de tournesol, et j’en passe sont un menu de luxe et présent en permanence dans les fermes en AC.
En mars 2018, les médias sonnaient l’alarme en relayant le message de la plateforme internationale des scientifiques de la biodiversité et des services éco-systémiques, l’IPBES(le GIEC de la biodiversité) : depuis les années ‘80, l’abondance des espèces d’oiseaux des terres agricoles a diminué de 57% en Europe occidentale et centrale. L’agriculture était pointée du doigt. Ce message était également relayé dans le carnet de Cécile Waligora sur ce site sous le titre "Nos campagnes battent de l’aile".

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Un agriculteur belge pratiquant l’agriculture de conservation vient d’être primé par une fondation privée et a reçu le prix de l’environnement pour la gestion de sa ferme (le fonds Baillet Latour). Il ne s’agit pas ici d’une prime agroenvironnementale de 150 à 1500 € l’hectare mais de 25.000 € pour l’ensemble de sa ferme !! C’est dire si les gestionnaires de ce fonds ont eu l’oeil et l’intuition que c’est dans ce sens là qu’ils souhaitent voir gérer les domaines agricoles.
105 hectares de cultures (céréales, betteraves, colza, pommes de terre), 60 moutons, 2 hectares de maraîchage, 7.000 m² de serres. Un havre de paix pour la biodiversité, les oiseaux, la faune et la flore du sol et même les clients des serres Henricot.

Avec ce prix, la famille Henricot souhaite implanter des taillis de saules à courte rotation et en exploiter le bois dans une chaudière qui servira à chauffer les serres. L’objectif recherché : une ferme zéro carbone.

La ferme Henricot pratique l’agriculture de conservation depuis 15 ans. Cette ferme a fait l’objet d’un reportage dans la revue TCS n°87.

De hautes haies d’espèces indigènes (saules têtards, aulnes glutineux, sorbiers des oiseleurs) entourent la ferme. Les haies diminuent les nuisances visuelles, améliorent la cadre de vie et abritent une multitude d’oiseaux. Il y a douze ans, un premier nichoir à faucon crécerelle est installé. D’autres sont ensuite construits pour les chouettes hulottes, chevêches et effraies, ou pour des plus petits oiseaux comme les mésanges, les moineaux et même les hirondelles. Pas moins d’une vingtaine de nichoirs tapissent ainsi les murs des hangars et les arbres autour de la ferme.
« Nous construisons ces nichoirs nous-même grâce à des plans trouvés sur internet » explique Damien Henricot. « Pour les placer, nous sommes conseillés par deux ornithologues, qui passent sur la ferme depuis plus de dix ans pour baguer et compter les oiseaux. C’est grâce à eux que je me suis un peu initié à l’ornithologie. Les chardonnerets et les tarins vont bientôt arriver pour se nourrir des graines des aulnes glutineux et ils feront leurs nids dans les arbres autour de la ferme. J’ai pu observer un sizerin, un bruant des roseaux, un bruant jaune, des bergeronnettes. J’en vois parfois dix sur cette plaine de cinq hectares ».

Hirondelle rustique (© Bruno Marchal) Pascal Goset est collaborateur bénévole du musée des sciences naturelles de Belgique (ils sont 350 pour couvrir la Belgique). Il vient régulièrement à la ferme Henricot pour baguer les oiseaux et les recenser.
Les oiseaux observés sur la ferme sont entre autres :
Canard colvert, Epervier d’Europe, Faucon crécerelle, Vanneau huppé, Tourterelle turque, Chouette chevêche, Hirondelle rustique, Accenteur mouchet, Rougegorge, Merle noir, Mésange à longue queue, Mésange bleue, Mésange charbonière, Moineau domestique, Pinson des arbres, Pinson du nord, Verdier d’Europe, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Sizerin cabaret, Bruant jaune, Bruant des roseaux.

Pascal Goset témoigne : « un hiver, alors qu’il y avait très peu d’oiseau partout ailleurs, Claude Henricot m’a appelé car il en avait observé beaucoup. Je me suis rendu sur place, je n’en croyais pas mes yeux, c’était l’arche de Noé ! ».

  • Nichoirs à hirondelles
  • Nichoir pour Faucon Crécerelle
  • Ouverture pour les chouettes
  • Nichoir à chouettes

12
septembre
2018

La communication comme arme blanche

Nicolas Braibant

Nicolas Braibant est agriculteur à Corroy-le-Grand (Belgique), il pratique l’agriculture de conservation depuis 12 ans. Son parcours a été relaté dans le magazine TCS n°87. J’ai le plaisir de retranscrire une partie du discours qu’il a énoncé devant 400 personnes venus dans sa ferme pour assister à une pièce de théâtre pas comme les autres.

« J’ai la chance de pratiquer cette profession, de lire la nature tous les jours. L’image que beaucoup de citoyens ont de l’agriculteur est dévalorisante, c’est regrettable. La réaction doit être d’autant plus positive de notre part, c’est un combat que nous devons mener avec pour seule arme blanche la communication et l’empathie envers ceux qui nous respectent, merci d’être avec nous.
Ce métier a beaucoup évolué et cette évolution est fulgurante. Les défis sont majeurs : agronomiques mais aussi environnementaux, économiques, culturels et sociaux. Les pistes sont légions mais cela passera notamment par l’agroécologie. Appelez cela l’agriculture durable, bio, locale, ou régénérative, cela doit se traduire par une alimentation saine et elle répondra à ces enjeux majeurs.
Cette évolution doit se faire avec les consommateurs, l’alimentation low-cost n’est pas un substitut à une politique sociale pour les plus démunis (NDLR : Olivier De Schutter cité dans le carnet de F Hupin le 14/12/2016). Il faudra à mon sens changer certaines pratiques et c’est difficile. Tout est en place pour ne rien changer, le système est rôdé, et dans le monde rural quelque fois, l’expérience prend le pas sur le raisonnement. Or comme le disait Confusius : l’expérience est une lanterne qui éclaire le chemin parcouru et comme le disait Jacques Brel, le plus difficile pour rallier Vilvoorde à Pékin, c’est de quitter Vilvoorde. (…)
Le monde médical travaille dur pour endiguer les maladies, mais notre mode d’alimentation est en partie responsable de ce funeste constat. Il faut travailler en amont. On est tous acteurs de ce qu’il y a dans notre assiette. Une politique alimentaire s’impose. Changeons la société sans prendre le pouvoir mais en l’exerçant car la principale limite de notre pouvoir, c’est que nous n’osons pas l’exercer (NDLR : Olivier De Schutter cité dans le carnet de F Hupin le 14/12/2016).
Gilbert Cesbron a dit : il y a un temps et je crois que celui-ci en fait partie, où il ne suffit pas de dire la vérité, il faut la crier ! »

A vous agriculteurs, à vous non-agriculteurs, l’histoire que je viens de vous conter a touché 400 personnes qui ont débarqué dans la ferme de Nicolas Braibant. C’est déjà pas mal ! Si vous pensez que son message mérite d’être connu au-delà de ce public, vous pouvez vous aussi apporter votre pierre au cairn. Partager ce texte sur les réseaux sociaux, inviter les acteurs de la pièce de théâtre « Nourrir l’humanité c’est un métier » à jouer chez vous (ils se déplacent en Belgique et en France), ou toute autre action que vous imaginerez vous-même.

Nourrir l'humanité

22
janvier
2018

Agroforesterie sur 25 ha en grandes cultures

"Le semis direct et les couverts ne suffisent pas ".

Touché par le leitmotiv de Julien Senez « donner l’envie d’avoir envie », Philippe Pastoureau nous partageait en février 2017 dans son carnet la vidéo dans laquelle Julien Senez explique comment il a mis en œuvre l’agroécologie sur sa ferme. Julien Senez, 38 ans, est agriculteur céréalier dans l’Oise à 80 km au Nord de Paris.

Le projet agroforestier de Julien Senez Un an après cette publication, Julien Senez continue de partager ses découvertes, ses expériences et son évolution dans son parcours d’ACiste. Avec son nouveau tuto publié le 1er janvier 2018, il va un pas plus loin en partant du constat "Le semis direct et les couverts ne suffisent pas".
Julien Senez a commencé par les TCS, il est arrivé à l’AC et en 2016, il a rajouté l’agroforesterie dans son plan de jeu win-win. Son déclencheur pour développer l’agroforesterie était son besoin de lutte contre les limaces et les mulots. Il en a ensuite tiré bien d’autres intérêts qu’il explique dans sa vidéo de 15 minutes. Vous y trouverez décrits en détail les essences plantées (66 arbres ou arbustes par hectare), leurs avantages respectifs, comment il les met en place (distance, orientation, préparation du sol, plantation) ainsi que le budget consacré. A ce propos, l’investissement de départ se situe entre 300 et 500 €/ha. S’ensuit ensuite un coût annuel d’entretien de 40€/ha largement compensé par un meilleur fonctionnement du système.

Julien Senez est sur Twitter : @senez8
Il a également sa chaine youtube avec 7 vidéos


5
janvier
2018

Les socs de charrues sont des épées

Article belge ; impact du labour sur les versUn journal belge grand public à grande audience dans les campagnes (Vers l’Avenir) consacre une pleine page aux idoles de Darwin.
"Ploughshares are swords... if you are an earthworm". Tels sont les mots d’Olaf Schmidt, professeur et chercheur à l’université de Dublin, pour introduire le sujet de sa dernière étude démontrant que l’agriculture de conservation protège les vers de terre.

L’article paru dans le journal belge Vers l’Avenir peut être consulté ici.

Un article complet vulgarisant cette étude a également été publié dans la revue "TCS Agriculture Ecologie Innovation" n°96.


30
octobre
2017

Agriculteurs : communiquez !

« Agriculteurs communiquez ! » disait Frédéric Thomas dans un dernier édito.

Campagne CIPAN grand public
Géraud Dumont l’a fait : il a planté un panneau explicatif dans son champ de couverts situé à la croisée des chemins entre une église, un cimetière et un sentier de randonnée. C’est sûr, à la Toussaint, son panneau ne passera pas inaperçu des porteurs de chrysanthème. Son initiative a été relayée dans les médias belges. « Les agriculteurs doivent revenir à l’avant de la scène et communiquer » explique Géraud Dumont, agriculteur en AC à Grez-Doiceau (Brabant-wallon, Belgique).
Son panneau est l’initiative de deux associations :
Le GAL culturalité en Hesbaye : Association qui a pour but de soutenir les dynamiques de développement rural. www.culturalite.be
Regenacterre : Association de conseil agricole indépendant qui vise le développement et la promotion de l’agriculture régénérative. www.regenacterre.be
Une fois le panneau planté, rien n’est encore gagné, il faut qu’un journaliste relaye l’information.
Comment accrocher un journaliste ?
1. Porter un message clair et concis.
Le message ici était clair : Nous allons au-delà de l’obligation réglementaire. Tous nos sols sont couverts en hiver. Nous semons des mélanges multi-espèces.
2. Faire des rapprochements, des comparaisons avec des sujets qu’il comprend aisément. Sans accuser. Juste des faits. Le lecteur fera lui-même le rapprochement.
La comparaison de Géraud : Les agriculteurs sont souvent pointés du doigt comme des pollueurs mais pendant que les copains font des milliers de km en avion pour aller en vacances au Kirgistan, nous, on sème des couverts...
3. Terminer par une phrase magique que le journaliste n’aura plus qu’à reprendre pour « vendre son papier ».
La phrase de Géraud que la rédaction du journal a reprise comme grand titre : « En fait, on fait un peu de la permaculture à grande échelle ». OK, pris comme titre, c’est un grand raccourci, mais c’est une technique de communication largement utilisée par les médias.
Bonne communication à tous !

L’article paru dans le journal belge Vers l’Avenir peut être consulté sur : http://frederiquejournaliste.blogspot.com/2017/10/du-jaune-du-bleu-du-vert-dans-les.html


2
octobre
2017

Graines d’ACistes

Ma fille de 5 ans est en troisième maternelle dans une école à « pédagogie active » comme on dit de nos jours. Rien de bien neuf : cette école a 40 ans ! Elle s’inspire d’un pédagogue français du siècle dernier, Célestin Freinet (1896-1966, fils d’agriculteur), pour créer un enseignement « naturel ». L’enfant y apprend au rythme de ses questions et de ses propres recherches.
Graines d'ACistesAppel a été fait aux parents pour organiser des ateliers au sein de l’école. Déjà au programme : sport, psychomotricité, cirque, contes, langues, art … Encore rien sur la nature ! Je me lance. Je propose un atelier « Nature et découvertes ». Mon but : les mettre en pleine nature, proposer un cadre à la découverte, les laisser poser leurs questions et exprimer leurs envies. Zéro préchi précha, pas de cours de botanique théorique !
Nous partons ainsi à la découverte des petites bêtes et des plantes dans les environs de l’école. Un bois, une mare, un sentier sont devenus notre terrain d’exploration. On marche en regardant le houppier de la forêt dans un miroir, on observe la germination d’un gland, on crée des œuvres d’art éphémères avec ce que l’on trouve au gré de nos promenades, on regarde ce qui pousse dans les champs, on plante des graines, …
C’est très sympa. Et pour eux et pour moi. Les enfants ont vraiment des questions terribles et ils voient des trucs à côté desquels on passe tous les jours sans rien remarquer. Ils s’émerveillent devant de la bave brillante ou se questionnent sur pourquoi ce truc me pique. Ils voient les tonnes de bestioles qui peuplent les bois, on les dessine, on en fait des marionnettes et ils créent une pièce de théâtre. Lucie, 5 ans, dans son scénario, a décidé que la coccinelle mangeait les doryphores trouvés dans le champ de patates (celle-là je l’ai en vidéo, je la repasserai à son mariage).

Les enfants adorent ces activités. Mon rêve : que les parents proposent ce genre d’activités à leurs enfants, que les enseigants sortent davantage avec les enfants. Pas besoin d’être animateur nature pour autant. Internet regorge d’idées.
Mon site d’inspiration : www.tousdehors.be