Les moissons ont déjà commencé dans certains secteurs. Lors de cette étape cruciale, il y a un peu plus d’effervescence que d’habitude, on est encore un peu plus accro à la météo, il faut gérer une équipe qui compte sur votre encadrement… Alors, les habitudes, c’est toujours rassurant.
Pourtant, la récolte est aussi une dure période pour la biodiversité de vos parcelles. Le passage des machines a un impact direct par écrasement ou broyage de la faune qui gîte au sol : lièvres, faisans, perdrix, busards, chevreuils. Ce sont surtout les jeunes qui payent un très lourd tribu à cette époque charnière où, trop jeunes, ils n’ont aucune échappatoire. Le busard a un peu la chance d’être suivi par la LPO (Ligue de la Protection des Oiseaux) qui, chaque année, essaye de localiser le maximum de nids afin de les signaler et les protéger par un grillage adapté.
Alors que faire ? Prenez si possible le temps de préparer le chantier en sensibilisant votre équipe et, pourquoi pas, juste avant de faucher, en effarouchant la zone où, potentiellement, il y a une forte présence animale. Lors du chantier, pensez à régler votre barre de coupe assez haut (15 cm au moins) et utilisez une barre d’envol de la largeur de la coupe mais positionnée sur le côté de la machine afin d’effaroucher la bande à récolter suivante. Cette barre d’envol sera positionnée devant le tracteur s’il s’agit d’une récolte de fourrage.
Changez aussi votre sens de coupe ! Détourez puis commencez par le centre de la parcelle, permettant à la faune qui le peut, de fuir vers l’extérieur et non pas de se retrouver piégée au milieu. Pensez d’ailleurs à laisser une couverture herbacée non broyée autour des parcelles à moissonner afin de laisser un gîte pour la faune sauvage.
Enfin, pensez à broyer la paille soit en même temps que la moisson, soit au plus près. En attendant plusieurs jours, des animaux (notamment les lièvres) vont revenir gîter sous les amas et peuvent être donc potentiellement à la merci des machines.
Cécile Waligora
Moisson : si on changeait un peu nos habitudes ?
Campagnols : pics et crash
Vous l’avez tous remarqué : il y a des années à campagnols et des années « sans ». Nous sommes plutôt dans une année avec…
Le campagnol est une espèce très prolifique, en particulier le campagnol des champs. A un mois seulement, la femelle est capable d’avoir des petits. La gestation ne dure que 3 semaines avec, à la clé, une portée de 5 à 6 jeunes. Bilan : 1 couple peut engendrer, en une saison, une 100aine d’individus. La période la plus favorable à la reproduction va de mars à septembre-octobre, suivant les conditions. En hiver, on assiste à un déclin : la reproduction diminue, voire s’arrête et il y a plus de mortalité. Chaque année, on assiste donc à un creux de population en hiver et un pic à l’automne.
Mais dès lors qu’il y a beaucoup de campagnols, les prédateurs sont favorisés et, en premier lieu, les prédateurs spécialistes du campagnol comme les petits mustélidés type belette ou hermine. Leur nourriture étant à profusion, elles en profitent et se reproduisent en conséquence. Mais il y a automatiquement un décalage et le temps que la population de spécialistes augmente, il peut se passer 2 ou 3 ans. Une fois le niveau de population suffisant, ces prédateurs impactent très fortement sur la population de leur proie dont le niveau s’effondre. C’est le crash du campagnol. Et inévitablement, cette chute entraîne celle de ses spécialistes, qui disparaissent aussi (pour faire simple) et le cycle recommence.
Pour autant, une autre catégorie d’acteurs intervient : les prédateurs généralistes, le renard notamment. Ce type de prédateur est plus opportuniste, il ne se nourrit pas que de rongeurs : sa population ne décline donc pas quand celle de campagnols le fait. Ils sont donc particulièrement intéressants car leur action est permanente. L’idéal est en fait d’avoir un juste équilibre entre spécialistes et généralistes, tout aussi importants les uns comme les autres. Si vous voulez en savoir plus, le TCS de cet été leur consacre son dossier… Il explique les cycles mais surtout pourquoi on est arrivé à de telles situations et expose des pistes d’action.
De l’AB à l’ABC
L’institut de recherche de l’agriculture biologique en Suisse (FiBL) est particulièrement dynamique. Sous l’impulsion toute particulière de Maurice Clerc et de son équipe, l’agriculture de conservation y tient une place importante à tel point que l’intéressé aime à parler d’ABC pour Agriculture Biologique de Conservation plutôt qu’AB.
Le FiBL développe ainsi plusieurs axes de recherche, en partenariat avec une 20aine d’agriculteurs bio. Parmi ces axes, la possibilité de semer une céréale après prairie sans labour profond (technique aujourd’hui validée avec l’utilisation d’une charrue déchaumeuse à 10 cm), les associations végétales et les couverts végétaux, notamment pour un meilleur contrôle du salissement. Dans l’orientation couverts, le FiBl travaille par exemple sur l’implantation de couverts hivernants, semés dans un couvert estival gélif et en vue de semer une culture de printemps, maïs, soja ou tournesol.
La photo montrée ici a été prise chez Christophe Viret à Gollion, canton de Vaud. Il s’agit d’un soja précédé d’un couvert de féverole d’automne, elle-même semée dans un biomax. Malheureusement, la féverole a été si poussante qu’elle n’a pas supporté l’hiver alors qu’elle était censé perdurer jusqu’en mars. Pas grave en soi : le soja a été implanté avec utilisation d’une charrue déchaumeuse à 10 cm, en non labour profond. Une technique pas tout à fait maîtrisée mais à réitérer, au vu des avantages qu’elle peut conférer.
Les plantes perçoivent et s’adaptent à la quantité de nitrates
NRT1.1 Un nom bien scientifique pour désigner une protéine végétale, découverte il y a quelques années, dont le rôle est de détecter les ions nitrates dans le sol. C’est une protéine de la membrane de cellules racinaires situées à l’apex des racines. Non seulement NRT1.1 perçoit les nitrates mais elle assure leur transport à l’intérieur de la racine.
Depuis cette découverte, les chercheurs ont voulu en savoir plus sur ce détecteur de nitrates. Plusieurs équipes s’y sont penchées : l’unité biochimie et physiologie moléculaire des plantes (Inra/CNRS/Montpellier SupAgro/Université de Montpellier), l’unité amélioration génétique et adaptation des plantes méditerranéennes et tropicales (Inra/Cirad/Montpellier SuAgro) et des chercheurs tchèques. Leurs travaux viennent de paraître dans Nature Plants au début du mois de mars et ils mettent en évidence le rôle de « plaque tournante » de NRT1.1 dans le déclenchement chez les plantes de diverses réponses adaptatives en fonction de la teneur en nitrates du sol. Ainsi, NRT1.1 met en œuvre non pas un seul mais plusieurs mécanismes de signalisation des nitrates qui activent de manière sélective des réponses différentes. La protéine existe aussi sous différentes formes, phosphorylée ou non, aux actions spécifiques de signalisation. En d’autres termes, en fonction des conditions du milieu, les plantes sont capables de modifier NRT1.1 de manière à ce que la protéine membranaire déclenche le bon mécanisme pour activer la réponse la mieux adaptée.
Bien sûr, la recherche compte bien exploiter ces découvertes dans la sélection végétale (elle veut, notamment, pouvoir aboutir à de nouveaux génotypes mieux adaptés aux faibles doses d’engrais azoté) mais, déjà, on sait que cette adaptation existe à l’état naturel. Autant en profiter !
Les abeilles ont faim
Pesticides, agresseurs externes et internes, les ruches ont aussi faim. Il y a, dans leur environnement aujourd’hui, trop peu de ressources que ce soit dans l’espace et dans le temps.
Depuis plusieurs années déjà, les ruches se vident de leurs abeilles. En France, bien sûr, mais partout ailleurs. Les uns incriminent les pesticides, les autres, divers pathogènes. Jusqu’à présent, on parlait encore peu de mortalité due à la faim. Si nos chères abeilles souffraient déjà de bien des maux, il est maintenant avéré qu’elles ont aussi faim, ce qui ne va pas arranger une situation déjà alarmante. L’Académie américaine des sciences (NAS) a ainsi publié ce mois-ci, les conclusions d’une étude comportementale dans des ruchers (auteurs : Perry et al.). Elle montre que, notamment du fait d’un défaut de nourriture pour la colonie, les jeunes abeilles sont contraintes de sortir plus tôt que prévu à l’extérieur de la ruche pour aller butiner. D’une part, elles sont trop jeunes et d’autre part, ce qu’elles trouvent en général à l’extérieur ne permet pas de rassasier la colonie. Il n’y a plus assez de fleurs dans l’espace et dans le temps pour subvenir à leurs besoins. Ce qui, à terme, affaiblit la ruche et entraîne une surmortalité. L’étude révèle aussi que les difficultés liées à la malnutrition sont aggravées par la présence d’agents pathogènes dans les ruches et notamment le champignon microscopique Nosema ceranae. Non seulement ce parasite prend le contrôle de la paroi intestinale et des cellules souches qui la composent en perturbant les défenses immunitaires des abeilles mais il produit également une perturbation endocrinienne de la colonie en se surajoutant à d’autres perturbateurs issus du bol alimentaire. On sait que toutes les abeilles d’une colonie sont intimement liées entre elles par un système complexe de reconnaissance et de communication. En synergie, cette perturbation engendrée par N. ceranae bouleverse l’équilibre fragile de toute la colonie.
S’il est difficile pour nous d’agir contre ce parasite, nous pouvons au moins aider les abeilles et plus généralement les pollinisateurs à trouver une nourriture plus abondante et plus diversifiée. C’est une loi simple : si l’abeille est mieux nourrie, elle pourra mieux se défendre ! A défaut de politiques nationales et territoriales en ce sens, continuons, comme nous le faisons en AC, d’introduire un nombre plus important et diversifié de végétaux et d’associations végétales. Il est vraiment urgent de continuer ! Si cela est absolument bénéfique pour la biodiversité du sol, cela l’est aussi de manière incontestée pour tout ce qui vit en surface et au-dessus.
La Terre se vide de sa vie sauvage…
Vous avez forcément eu vent de cette information, copiée-collée d’un média à un autre… Je ne vais pas faire mieux. Mais il est nécessaire d’insister car le sujet vaut mieux qu’une brève intercalée entre tant d’autres à la télé ou à la radio ! Il s’agit d’un terrible indicateur de l’état de santé de notre planète. Fin septembre, l’ONG WWF a établi l’état des lieux de la biodiversité de la planète. Le constat est franchement effarant : en 40 ans seulement, plus de la moitié des animaux sauvages ont disparu ! Le WWF a analysé, entre 1970 et 2010, l’évolution de 10 380 populations de 3038 espèces de mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et poissons. Il en a tiré un indice qu’il nomme indice planète vivante. Celui-ci, pendant ce laps de temps, a ainsi chuté de 52 %. Je répète : 52 % !
Les zones le plus touchées sont l’Amérique Latine, suivie de près par l’Asie-Pacifique, ce qui ne veut pas dire qu’il ne s’est rien passé chez nous. C’est un déclin général et il apparaît que les espèces vivant en eau douce sont les plus touchées (-76 %) contre -39 % pour les espèces terrestres et marines. Le Fonds mondial pour la nature a bien sûr analysé les causes d’un tel déclin à forte responsabilité humaine : perte et dégradation des habitats, chasse et surpêche, changement climatique. Tout cela aggravé par une démographie humaine galopante. Tenez-vous bien : entre 1961 et 2010, la population mondiale a plus que doublé, passant de 3,1 milliards d’habitants à 7 milliards. Du coup, la biocapacité disponible [1]par personne c’est-à-dire la superficie disponible permettant d’assurer les biens et les services écologiques nécessaires est passée de 3,2 à 1,7 ha.Qu’en sera-t-il en 2050 et sa prévision de 9,6 milliards de terriens et en 2100 avec ses 11 milliards ? Bien entendu, dans son rapport, le WWF incrimine les pays les plus riches dont l’empreinte écologique est la plus forte. Il cite : « si nous vivions tous comme des Qataris, nous aurions besoin de 4,8 Terres, 3,9 en étant américain (du nord) et 1,4 si nous étions sud-africain. »
Pour en revenir à l’une des conséquences, le déclin de la biodiversité, je les cite encore, en guise de conclusion : « une tendance lourde qui ne donne aucun signe de ralentissement… courant à notre perte. » Des mots durs… sans équivoque ! Des planètes, on en a qu’une ! Désolée mais le monde merveilleux de la planète Pandora décrite dans le fameux film de J. Cameron, Avatar, n’est pas encore à notre portée. Pas encore…