Matthieu Archambeaud

Après avoir rejoint F. THOMAS dès 2003 et mis en place le site agriculture-de-conservation.com, M. ARCHAMBEAUD a été l’un des initiateurs d’Icosystème, plate-forme d’apprentissage en ligne dédiée à l’agroécologie, l’agroforesterie et l’agriculture de Conservation qu’il anime aujourd’hui.

Couverts végétaux et maladies (1)

Matthieu Archambeaud

Le risque de transmission ou d’amplification des maladies fongiques liées au sol est l’une des rares objections soulevées par la couverture des sols en interculture. Cette question est d’ailleurs plus souvent évoquée par des prescripteurs ou des techniciens que par les agriculteurs pratiquants déjà les couverts. Qu’en est-il réellement ?

La rouille

JPEG - 195.4 koSans doute la plus impressionnante car très visible sur l’avoine qui est souvent utilisée comme couverture hivernale, en solo ou non. Outre le fait que la rouille est spécifique et n’est donc pas transmissible aux autres céréales elle est tout de même handicapante car elle réduit l’efficacité de la plante et donc du couvert ; elle réduit également l’appétence dans les mélanges fourragers.

- L’utilisation de l’avoine en mélange avec de nombreuses autres espèces réduit drastiquement le risque. On peut également remplacer l’avoine classique par de l’avoine rude qui n’est pas sensible à la rouille (mais légèrement au charbon, personne n’est parfait).

Le sclerotinia

Plus ennuyeux est le sclerotinia qui touche une majorité des espèces utilisées en interculture : les crucifères (moutardes, radis, colza...), les légumineuses, le tournesol... Le stock de sclérotes dans le sol n’attend que l’occasion de faire des petits en sautant à la gorge des plantes sensibles... En écoutant les prudents, il ne resterait donc plus que les graminées à mettre en interculture (en faisant attention à la fusariose, personne n’est parfait).

- Dans les faits, et même s’il semble plus prudent d’éviter de placer trop de crucifères dans les couverts des rotations avec un colza ou un tournesol qui revient trop souvent, on a observé assez peu de problèmes sur le terrain depuis la quinzaine d’années que sont testés les couverts un peu partout en France, en Europe et dans le monde. Pour être plus précis, les deux années où j’ai pu observer des sclérotes exprimés sur des couverts étaient les deux ou trois hivers doux que nous venons de passer : sur des couverts ayant déjà atteint la floraison et qui n’ont pas été " stoppés " par le froid. L’hypothèse qu’on peut avancer est qu’il y a certainement assez peu de problèmes de maladies sur des couverts qui démarrent forts dans des conditions saines (août, septembre, début octobre), contrairement à des cultures qui doivent démarrer ou redémarrer au printemps dans des conditions humides favorables aux maladies ; la situation s’inverse courant octobre avec des plantes moins poussantes et des conditions froides et humides : il est sans doute temps d’arrêter le couvert (et peut-être d’assurer un couvert relais sous-semé ou sursemé).

- Dernier point, plus on développe l’activité biologique dans le sol, moins les champignons parasites posent de problèmes puisqu’ils sont concurrencés par des champignons utiles de type décomposeurs ou mycorhiziens voire sont carrément dévorés par des congénères : un champignon antagoniste du sclerotinia, Coniothyrium minitans, est désormais commercialisé. Par ailleurs si les champignons du sol se comportent comme ceux de la croûte de fromage, la diversité est bénéfique : fromages traditionnels au lait cru : un microbiote riche et diversifié confère des bénéfices associés.

L’aphanomyces

Un dernier pour la route : aphanomyces, terreur à juste titre des producteurs de légumes et de pois protéagineux. Elle touche non seulement le pois mais aussi la féverole, les trèfles violet et blanc, la luzerne ou le haricot. La survie des spores dans le sol est estimée entre 10 ans et 20 ans. Si vous êtes concernés (secteur contaminé et culture concernée) il est plus prudent de respecter quelques règles.

-  Espèces et variétés sensibles  : l’UMR BiO3P de l’INRA de Rennes a publié (Moussart, Even et Tivoli, 2011) il y a quelques années un document fort intéressant faisant le recensement de la sensibilité des espèces et des variétés réellement sensibles à aphanomyces. On s’aperçoit qu’en dehors de quelques espèces très sensibles (pois, lentille, gesse), la plupart des variétés utilisées en France sont assez résistantes. Le seul bémol pourrait être le colza associé qui fonctionne justement très bien avec du pois, de la lentille et de la gesse. Cependant, le facteur variétal est important puisque les chercheurs recommandent " d’éviter le pois fourrager dans les parcelles moyennement à fortement infestées (PI>1.5). Dans les parcelles saines ou faiblement infestées, privilégier des variétés telles que Arkta, Lisa ou Assas. Éviter Picar. " La féverole est résistante dans les conditions françaises ; les variétés de trèfles blancs utilisées en couverture permanente ne sont pas sensibles, contrairement à la luzerne ou le facteur variétal est important. Ce sont les vesces qui présentent, comme d’habitude, la plus grande variabilité : " la vesce présente des variétés sensibles (Bingo, Améthyste, Caribou, Safran, Savane, Barvicos, Granit), partiellement résistantes (Cristal, Candy, Opale, Spinelle, Jade, Delphi, Platine) et totalement résistantes (Nacre, Capucine, Michaëla, Melissa, Scarlett, Topaze, Marine, Malachite, Corail, Catarina, Caravelle). Les variétés sensibles et partiellement résistantes sont susceptibles d’être pénalisées par la maladie et pourraient multiplier l’inoculum dans le sol. "

-  Associations d’espèces  : dans les situations à risque, il est recommandé d’éviter de multiplier les espèces sensibles dans les rotations. La chambre régionale d’agriculture de Lorraine a publié un tableau intéressant attribuant des notes en fonction des situations. Comme ce que l’on peut observer sur la rouille de l’avoine, le fait d’associer des espèces entre elles réduit le risque par 2 en culture et par 3 ou 4 en interculture (sans doute du fait d’une présence moins longue). On aurait pu rajouter dans le tableau le soja qui représente un risque nul (pas sensible et non multiplicateur).


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-  Qualité du sol  : last but not least, le risque “ aphano ” augmente également avec l’humidité du sol, ce qui signifie encore une fois qu’un sol vivant, correctement structuré et drainé réduit les risque de contamination...

En résumé :

- Garder le bon sens paysan : diversifier les espèces, y compris dans les couverts et surtout dans les couvertures permanentes (ne pas prolonger au-delà du raisonnable des associations céréales/luzerne ou trèfle) ;
- Associer les espèces dans les couverts et pourquoi pas dans les cultures ;
- Développer la vie du sol, meilleur garant de la santé du sol, des plantes (et sans doute des animaux et des hommes) ;
- Dans les situations à risque (production légumière notamment), sélectionner des variétés tolérantes ou résistantes et faire attention au colza associé à la lentille et à la gesse.

à suivre...

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