Que de célébrations en 2024, année olympique ! 2025, année sans olympiade, sera moins fastueuse : le centenaire de la naissance du professeur Jacques Montégut, un des pères avec Michel Tissut de la malherbologie française, passeront sans doute et malheureusement inaperçus, mais les 10 ans du 4 pour 1000, dont le CIRAD est co-porteur et vecteur auprès de son partenariat tropical, devrait néanmoins avoir quelque retentissement.
Parmi les fastes de 2024 :
• Ceux de Paris, pour les jeux de Paris, 100 ans après les premiers en 1924.
• Ceux de Paris et ailleurs en France, pour les 80 ans de la Libération et des débarquements de 1944 en Normandie et en Provence.
• Ceux de Montpellier et ailleurs dans le monde, pour les 40 ans du CIRAD né en 1984 de la fusion des instituts historiques dédiés aux cultures tropicales.
La charge funeste de chaque année qui passe
Elle est planétaire, c’est celle des émissions des gaz à effet de serre, dont le CO2 atmosphérique : mesuré en ppm, assez stable à un niveau inférieur à 300 ppm jusqu’à la révolution industrielle (ainsi était-ce enseigné en primaire dans les fameux livres de "leçons de choses") puis en augmentation, et précisément mesuré depuis 1960 dans un observatoire dédié dans les hauteurs de Hawaï. Dans le tableau ci-dessous, face aux jalons des célébrations de 2024, sont portées les concentrations de l’atmosphère en CO2 et en dessous, les augmentations marginales de jalon en jalon.
Assurément, 2025 sera plus funeste que 2024 qui était déjà plus funeste que 2023…
En 2012, le CIRAD célébrait déjà 50 ans d’activités à La Réunion (en fait, celles de 4 instituts précurseurs) et à l’occasion d’un congrès sucrier où j’intervenais sur le thème "Pourquoi tant de lianes ?" dans la canneraie réunionnaise, parmi les facteurs et conditions pouvant expliquer l’étranglement des cannes par les lianes, j’évoquais à l’aide du graphe ci-joint l’enrichissement de l’atmosphère en CO2 qui avantage la photosynthèse des plantes à métabolisme en C3 (la plupart des dicotylédones, dont les lianes) par rapport aux plantes en C4 (les céréales tropicales, dont la canne à sucre et le maïs, à l’exception du riz).
Élévation inquiétante ? Certes l’enrichissement de l’atmosphère en CO2 dope la photosynthèse de plantes en C3, d’autant que simultanément avec le réchauffement climatique, leur précocité est aussi dopée, ce qui peut améliorer les performances des productions agricoles correspondantes tant qu’on reste hors déficits hydriques et chocs thermiques : bien des simulations et quelques constats le montrent. Mais l’énormité des externalités négatives l’emporte sur ces quelques bénéfices, car avec la surchauffe de la planète due à l’effet de serre, les mouvements de convection des masses d’air surchargées de vapeur d’eau sont suractivés et dérèglent le climat planétaire générant des météores d’intensité inouïe, des vagues et dômes de chaleur aux effets collatéraux hors catégories : sécheresses extrêmes et méga-incendies ou terrifiantes inondations et glissements de terrain. Alors oui, à élévation accélérée, grosse inquiétude justifiée, et de plus en plus.
En 2002 à Rio au Sommet de la Terre, Jacques CHIRAC alertait : "notre maison brûle et nous regardons ailleurs". Grand pays agricole et révolutionnaire, la France est aussi la patrie des lumières : ainsi Michel GRIFFON, un des premiers porte-étendards de l’agroécologie et de la révolution doublement verte au CIRAD et en France, publiait en 2013 "L’agriculture écologiquement intensive" (QUAE). L’importance de l’URGENCE de limiter les émissions et d’augmenter les fixations de CO2 est de mise depuis la COP21 en 2015 (accords de Paris, obtenus de haute lutte par Laurent FABIUS) qui accoucha entre autres de la géniale initiative du 4 pour 1000 inscrite à l’agenda des solutions de cette COP. Portée par l’alors ministre de l’agriculture Stéphane LE FOLL, elle est en cohérence avec son mot d’ordre maitre, non moins génial : PRODUIRE AUTREMENT ! Tout un revirement !
Les hussards verts de l’agriculture régénérative
Mot d’ordre apparemment RÉVOLUTIONNAIRE, ou à tout le moins RENVERSANT car doublement VERT : l’agriculture émettrice de gaz à effet de serre peut se convertir, se renverser, en fixatrice de CO2 et cette conversion, si appliquée à l’échelle mondiale, pourrait stopper l’élévation de CO2 atmosphérique mesurée dans les hauteurs d’Hawaï ! En réalité, bien avant 2015 ou 2013, voire 2002, LA REVERDISSANTE RÉVOLUTION SILENCIEUSE ÉTAIT DÉJÀ EN MARCHE dans les plaines, plateaux et coteaux du nouveau et de l’ancien monde, avec divers bataillons d’opiniâtres hussards doublement verts de l’agriculture régénérative, suivant et renforçant quelques agriculteurs ou chercheurs pionniers, des visionnaires acquis d’abord à la nécessité de conserver et préserver les sols, puis de les bonifier en les vivifiant. Bien déployée dans les Amériques, cette agriculture refondée sur la vie et la santé des sols et des cultures (commerciales et couverts) est encore insuffisamment déployée dans l’ancien monde, même si elle est en progrès sensible, notamment en France grâce à des vecteurs d’information et des forces de formation telles que le magazine TCS et le site https://agriculture-de-conservation.com/ lancés respectivement en 1999 et 2006, ou encore https://www.verdeterreprod.fr/ actif depuis 2017 parmi d’autres dont https://www.solsvivants.org/ ou icosystème.
An 2025 : 10 ans pour le 4p1000 ! Une belle occasion pour l’initiative internationale 4p1000, qui réunit de très nombreux membres et partenaires, de dresser un bilan critique de ses réussites et ses échecs par rapport à son objectif majeur de faire partie du corpus des solutions effectives à mettre en œuvre pour contrer la funeste évolution du climat. Le pôle Agropolis de Montpellier, dont le Cirad est membre fondateur, héberge le secrétariat exécutif du 4p1000 et devrait pouvoir avec ses partenaires locaux et distants, jouer un rôle majeur dans l’orchestration de ce bilan. Le moulin du 4p1000 s’avère-t-il efficace à entrainer et déployer toujours plus de belles pompes végétales fixant dans les sols agricoles toujours plus de C02 ? Faudrait-il augmenter sa voilure ou lubrifier ses rouages ? L’éclairer davantage comme la tour Eiffel pendant les jeux ? Ou, au contraire, changer de moulin ?
En espérant que l’élan de la COP21 porteur de tant d’espoirs en 2015 soit repris à son compte par notre nouvelle ministre de l’agriculture, Mme Annie GENEVARD : puisse-t-elle donner dès 2024 une nouvelle, significative et énergique impulsion en faveur de l’agriculture régénérative. Afin de nous rapprocher, un tant soit peu, du point d’inflexion qui fera décroitre la charge pour le moment de plus en plus funeste de chaque année qui passe.
Verdir la terre pour la rafraichir
En conclusion, bis repetita placent, relayons une deuxième fois le coup de cœur – coup de gueule des amis d’Alain DUPHIL et GAB en 2021 dans La France Agricole : il est grand temps que l’agriculture de l’ancien monde s’engage résolument et massivement en faveur du double verdissement des campagnes (cultures et couverts), de la vie dans les sols et la séquestration de CO2.