Mardi 8 octobre 2024
Frédéric Thomas

Après des séjours aux États-Unis et en Australie, Frédéric THOMAS débute son activité de conseil de terrain et, en 1999, il crée la revue TCS. Il s’appuie aussi sur sa ferme, en Sologne, des terres sableuses hydromorphes à faible potentiel, où il met en œuvre l’AC avec réussite. Il est aujourd’hui l’un des acteurs majeurs du développement de l’AC en France.

Frédérique Hupin

Ingénieur agronome avec une expérience de 20 ans dans le management associatif, la communication et le conseil environnemental en agriculture. Frédérique HUPIN est consultante et journaliste freelance, spécialisée en agroécologie.

Terre et mer, agriculteurs et marins : tous le même climat !

Une tempête s’abat sur la France le 9 octobre et nous rappelle pour la énième foi que, p......, cette année 2024 aura été celle du climat le plus mouillé qu’on aie eu à gérer de carrière d’agriculteur vivant !
Les marins comme les cultos ont la météo comme premier intrant imposé à manager.

Le parcours du Vendée Globe
La 10ème édition du Vendée Globe, surnomée l’Everest des mers, démarre le dimanche 10 novembre. Quarante marins parmi les plus compétents (pour ne pas dire fêlés) au monde partent pour un tour du monde en solitaire et sans escale. Avec les mers du sud déchaînées qu’ils s’apprêtent à affronter, leurs engagements et leurs performances nous forcent à l’admiration. Cet événement que deux d’entre nous (Frédéric et Frédérique) vont suivre de très près génère quelques réflexions et comparaisons avec l’agriculture, et dans notre cas, avec l’agriculture de conservation des sols (ACS), que nous souhaitions partager avec vous.

  1. Cette aventure n’est pas pour les rêveurs, les utopistes ni même pour les donneurs de leçons. Il faut avant tout être bon marin pour s’aligner sur la ligne de départ et surtout tenir les 70 à 90 jours de mer. S’installer en agriculture et mener un projet est assez similaire : la route est longue et semée d’embûches, il faut être prêt à tenir la distance.
  2. Ces marins sont aussi de formidables chefs d’entreprise. Il faut se vendre, trouver des sponsors, gérer un budget, rassembler, gérer et animer une équipe avec des compétences diverses. Comme ailleurs, si l’argent peut aider, la réussite n’est pas qu’une question de budget ni même d’expérience comme ça été le cas pour Alex Thomson (Hugo Boss), contraint d’abandonner avant le premier cap. C’est la cohérence d’ensemble qui est la clé avec la détermination de tous. Entreprendre est aussi une forme de compétition où il faut aborder l’épreuve avec un mental de gagnant, aller chercher tous les détails et ne rien lâcher !
  3. Ces marins sont aussi de très bons communicants. Leur impact médiatique conditionne leur sponsoring, leur reconnaissance et même leur carrière. un excellent navigateur qui ne peut pas gérer une entreprise et savoir transmettre de l’émotion, de l’envie et du rêve aura ici des difficultés. C’est certainement un élément trop oublié en agriculture, trop confiants que nous sommes dans l’existence de la demande et l’assurance de la correspondance de nos produits ! La communication est une dimension, comme pour ces marins de course au large, que les agriculteurs doivent investir !
  4. Ils sont aussi des génies « bricoleurs » et réparateurs. Seul, avec les conseils de spécialistes à terre, il faut conserver le bateau en ordre de marche, de la coque aux voiles en passant par l’équipement et l’électronique de bord. Si ce n’est pas la ficelle bleue et le fil de fer mais la résine et la fibre de carbone, ils se transforment souvent en MacGyver pour gérer, en solitaire, et dans des conditions météorologiques parfois dantesques, le bon état de fonctionnalité du bateau.
  5. Même si le cap est clair, rallier les Sables d’Olonne en passant par les 3 caps (Espérance, Leeuwin et Horn), la route n’est pas droite et elle est semée d’embûches. Chacun ajuste les voiles et son parcours en fonction des conditions de mer et surtout de vent. Il se peut même qu’il soit plus intéressant de faire un détour, de rallonger voir même de ralentir que de filer droit. Beaucoup de stratégie et de météo. Et oui ces marins ont constamment les yeux tournés vers le ciel, comme les agriculteurs, et échafaudent des hypothèses climatiques afin de faire leur choix. Même en agriculture il faut accepter de faire le dos rond ou de tirer des bords quelques fois !
  6. L’endurance et un mental d’acier sont des caractères clés pour ces marins d’exception. Changer la voilure, régler le cap, courber le dos pour mieux repartir sans certitude du lendemain, se réjouir simplement d’une belle glissade, d’un couché de soleil, d’un vol d’albatros ou croiser des baleines sont leur lot quotidien. Semer et ressemer avec une météo aussi incertaine que les prix sans compter les attaques de ravageurs exigent, d’une certaine manière, la même détermination et fournit les mêmes petits de moments de bonheur qu’il faut savoir apprécier. Comme en voile, les réussites sont très appréciables lorsqu’elles se présentent mais ce sont les difficultés traversées qui amplifient le plaisir !
  7. La course au large a ceci de puissant et d’épuisant qu’elle génère dans la compétition un sillage chargé d’émotions multiples mais aussi des déceptions et des sentiments d’injustice. Dans les faits, le Vendée Globe, peut punir sans états d’âme les marins pour une mauvaise rencontre, pour une pièce trop neuve ou trop usée, pour un choix météo hasardeux ou pour un coup de vent mal orienté. Entre la fiabilité du bateau et la rudesse de la mer, il faut accepter les contrariétés et gérer les petits soucis, les gros pépins et même quelque fois se résoudre à jeter l’éponge. Même si le facteur « chance » peut jouer, ce sont souvent ceux qui sont devant qui profitent des meilleurs vents et systèmes météos. En voile, comme dans toute entreprise et en agriculture, ce sont ceux qui s’engagent et avancent qui sortent souvent en tête du peloton !
  8. Enfin beaucoup d’agriculteurs peuvent partager le même sentiment de solitude que ces marins, seuls le matin de bonne heure dans ses champs ou à la traite des vaches le jour de Noël. Décalés du monde, pendant que les autres festoient, se reposent ou sont en vacances, ils s’affairent. Cette solitude est, certainement, plus importante quand elle s’associe souvent au sentiment d’incompréhension. Ce serait sympa de redevenir à nouveau des « héros » du quotidien !

Gérer une ferme, mettre en œuvre l’ACS, affronter des difficultés, des critiques et une certaine solitude rapproche en fait assez bien ces marins de la course au large avec les agriculteurs et surtout avec les ACistes. Si pour les premiers l’effort, l’abnégation et les sentiments sont certainement beaucoup plus intenses, les agriculteurs doivent par contre tenir dans la durée. Échangez avec ces marins vous verrez et serez surpris ; et ils vous comprendront !

Frédéric THOMAS et Frédérique HUPIN, un agriculteur et une skippeuse qui se comprennent

Pour les suivre : site officiel du Vendée Globe.
Nos chouchous :
Le Rochelais Yannick Bestaven. Vainqueur de l’édition précédente.
Le belge Denis Van Weynbergh. Puisse-t-il être le 1er belge à terminer ce p..... de tour du monde !

Yannick Bestaven, vainqueur de l'édition précédente
Yannick Bestaven, vainqueur de l’édition précédente
Crédits : Yannick Bestaven / Maître CoQ
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