Mardi 24 septembre 2024
Djamel Belaid

Après plusieurs années de terrain et d’enseignement à l’université de Batna (Algérie) puis de conseil agricole en grandes cultures au niveau de la Chambre d’agriculture de l’Oise, Djamel BELAID collabore à différents médias algériens. Préoccupé par les questions de développement agricole en milieu semi-aride, il s’intéresse plus particulièrement aux questions de non-labour et d’échanges entre agricultures des deux rives.

« En Algérie, il faut miser sur l’agriculture de conservation ! »

Bon connaisseur de l’Algérie pour y être allé plusieurs fois et y avoir conseillé des céréaliers, Michel Dedenon n’en démord pas. Face au changement climatique, il est persuadé que « seule une agriculture de conservation des sols permettra de continuer à produire des céréales dans le nord algérien ». Il doute de la politique actuelle qui consiste à cultiver du blé en plein désert sous pivot d’irrigation.

Semer en sec

Suite à la sécheresse de 2022, beaucoup sont les agriculteurs qui n’ont rien récolté. En 2023, c’est grâce à la distribution gratuite de semences et d’engrais effectuée par l’Office Algérien des Céréales (OAIC) que les agriculteurs ont pu semer. Mais à nouveau, la sécheresse a sévi à l’ouest du pays près de la frontière marocaine. Un pays voisin qui connait six années consécutives de sécheresse, ce qui a amené les services agricoles à viser pour 2025, l’emblavement d’un million d’hectares en semis direct.
En Algérie, les agriculteurs attendent la pluie pour semer. Or, ces dernières années, celle-ci arrive de plus en plus tard. Pour Michel Dedenon, il s’agit de semer en sec et à l’appui, il vante les semis d’orge réalisés ces dernières années à Meskiana, une région située à 530 km au sud-est d’Alger : « une levée sans pluie et regardez la régularité de la levée » ajoute-t-il lors d’échanges sur les réseaux sociaux avec ses homologues algériens.
A un agriculteur qui doute du semis direct, il lance : « c’est vrai que le semis direct est compliqué quand on ne maîtrise pas et surtout quand les sols ne sont pas prêts par manque de matières organiques et d’eau. Condition indispensable pour avoir un sol vivant avec un minimum de vers de terre ». En Algérie, toute la paille est exportée hors des parcelles, les chaumes sont pâturés jusqu’au moindre brin de paille par les moutons. Il n’existe aucune moissonneuse-batteuse équipée d’un broyeur intégré. Cela n’est même pas envisageable. L’élevage reste une activité très rémunératrice surtout à l’approche de l’Aïd. Mais un mode d’élevage qui met à mal la fertilité des sols.

Fertiliser au semis

Utilisation du rouleau lisse après semis
Utilisation du rouleau lisse après semis

Infatigable, Michel Dedenon conseille à ses amis Algériens : « Il ne faut pas toucher à la structure du sol  ». Partisans de disques semeurs, il recommande vivement le « plombage pour refermer le sol ».
Il ajoute : « Le plus, c’est la fertilisation dans la ligne de semis ». Une solution indispensable pour éviter que les engrais phosphatés ne soient bloqués dans les sols algériens particulièrement riches en calcaire.
Mais en Algérie, le semis direct ne concerne que quelques milliers d’hectares dans le Constantinois, à Sétif ou Annaba.
A la mi-novembre 2022, alors que les pluies étaient en retard, dans les hangars des stations de location de matériel dépendant de l’OAIC, des dizaines de semoirs restaient inutilisés.
Pour encourager les agriculteurs à semer en sec, une alternative serait d’ajouter des roues plombeuses derrière ces semoirs conventionnels fabriqués à Sidi Bel Abbès par l’entreprise publique CMA sous licence de l’espagnol SOLA.
Pour Michel Dedenon, nombreux sont les agriculteurs et techniciens qui tentent d’innover et sont passés au semis direct. "Ils ont fait un travail remarquable, car ils ont essayé », analyse-t-il. Mais « faute de soutien et d’accompagnement, c’est très dur de réussir ». Il reste confiant : « tout problème a une solution, et ce sont ses solutions qui vous ont manquées ».
Il rappelle les progrès réalisés par certains des céréaliers qu’ils conseillent : « Avec un tracteur de 115 CV, acheté d’occasion avec 15 000 heures au compteur et un semoir de 3 m, depuis 13 ans, chaque année, c’est environ 500 ha qui sont semés en blé, orge, lentilles et même maïs. Et comme il restait du temps, on a fait de la prestation de service sur plusieurs centaines d’hectares. Tout cela pour un investissement de 30 000 euros et des semis réussis ».

Labour à la charrue à disques et façons superficielles au cover-crop. Photo du lancement de la campagne labour-semis par les autorités locales, d'où les drapeaux sur les tracteurs.
Labour à la charrue à disques et façons superficielles au cover-crop. Photo du lancement de la campagne labour-semis par les autorités locales, d’où les drapeaux sur les tracteurs.

Cette année, Youcef Cherfa, le nouveau ministre de l’agriculture, auparavant ministre des transports, a l’ambition d’arriver à des emblavements de 3,2 millions d’hectares contre 1,8 millions les autres années. Les priorités restent la disponibilité en semences et engrais. Quant au semis direct et aux roues plombeuse, cela n’est pas d’actualité.