Le brouillard du sol et le semis direct

Pour germer et émerger, une graine a besoin d’humidité. Souvent, il est question d’eau liquide et de taux d’humidité du sol. Mais le taux d’hygrométrie a aussi un effet important sur la germination et la levée et prend toute son importance en semis direct (SD).
Cet article décrit le concept de « brouillard du sol » et ses bénéfices.
Le sol est composé de 4 fractions : la fraction organique, la fraction minérale, la fraction liquide et la fraction gazeuse. Il est possible de les mesurer par volume et par masse (figure 1).
Composition en volume d'un sol
La figure 1b montre un sol à 20% d’humidité qui est souvent présenté comme le taux d’humidité idéal pour semer. Ce taux d’humidité est calculé en déterminant la masse d’eau dans le sol. Au passage, il est possible de voir que la fraction gazeuse n’est pas prise en compte dans la pesée du sol car sa masse est insignifiante. Par contre, en volume, la fraction gazeuse représente une part importante du sol et est par conséquent bien représentée dans le graphique du volume (figure 1a).
La composition de la fraction gazeuse du sol est assez proche de celle de l’atmosphère. Il y a du diazote, du dioxyde de carbone, de l’oxygène et de la vapeur d’eau. Cette dernière varie en concentration de 0% à 100%. Une atmosphère saturée en vapeur d’eau est souvent représentée par le phénomène de brouillard. Par conséquent, il est possible de parler de brouillard du sol. Dans la pratique, l’hygrométrie relative du sol a toujours de petites variations, par conséquent, le brouillard du sol représente une hygrométrie du sol allant de 99 à 100%. Il faut retenir que l’eau a principalement 2 états dans le sol : liquide, mesuré avec le Taux d’Humidité (THum), et gazeux, mesuré avec le Taux d’Hygrométrie (THyg).
Il a été scientifiquement prouvé en laboratoire qu’une graine germe et émet une plantule dans une atmosphère à 100% d’hygrométrie relative. Dans la pratique, les agriculteurs l’ont observé lorsque plusieurs jours de brouillard consécutifs suivent un semis à la volée. Par exemple : à l’automne, un semis de couverts végétaux ou de céréales d’hiver à l’épandeur d’engrais qui germe et s’implante grâce à la vapeur d’eau de l’air.

Par conséquent, lorsque les graines sont dans le sol et que le sol génère un brouillard, elles utilisent aussi la vapeur d’eau pour s’hydrater et germer. Par conséquent, la question est : à quel moment y-a-t-il 100% de THyg dans le sol ? Sous quelles conditions se créent le “brouillard du sol” ?
Il faut différencier 2 situations : le sol couvert et le sol nu.

Le sol nu, et en particulier le sol travaillé, a beaucoup d’échanges gazeux avec l’atmosphère. L’air circule rapidement et il n’y a pas de zone tampon. Par conséquent, l’air dans le lit de semence a les mêmes propriétés que l’atmosphère extérieure. Par exemple, s’il fait chaud et sec, les pores du lit de semence sont parcourus par un air chaud et sec qui aura tendance à réchauffer et à assécher le lit de semence (voir figure 2).
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Autre exemple, si l’air est à saturation hydrique au lever du jour, la vapeur d’eau pénètrera le sol et le lit de semence aura un THyg de 100%. Le sol nu a la même atmosphère que l’air qu’il y a au-dessus du champ.
Un sol couvert est un sol avec un matelas de matière organique fraîche réparti de façon homogène sur le sol, tel qu’un chaume de céréales ou un couvert végétal roulé au sol (figure 3).
Hygrométrie dans un sol couvert
Le matelas de résidus sert à protéger le sol des aléas de l’atmosphère, y compris des variations d’hygrométrie. Par conséquent, un sol couvert a un THyg stable. De plus, le sol est un milieu naturellement humide. En milieu naturel, le sol a un THyg variant entre 99 et 100% (à l’exception d’un cas particulier décrit dans le paragraphe suivant). Ce brouillard du sol commence dès le premier centimètre et continue jusque dans la roche mère. Pour bien s’imaginer cette hygrométrie naturellement élevée, il est possible d’évoquer l’exemple des grottes et des souterrains où l’hygrométrie naturelle du (sous-)sol se ressent bien. Dans un sol couvert, la graine trouve dans l’atmosphère du sol toute l’eau nécessaire pour s’hydrater, germer et émerger.

L’exception à cette situation est le Point de Flétrissement Permanent (PFP). En effet, dans un sol, le taux d’hygrométrie de la fraction gazeuse est intimement lié à la fraction liquide et lorsque la Réserve Utile (RU) est vide, il n’y a plus d’eau disponible pour entretenir le “brouillard du sol” et il finit par disparaître. En France, il est possible de franchir le PFP à la saison chaude lorsque les besoins (évapotranspiration) sont forts et que les apports (pluies) sont faibles. C’est exactement au moment où la RU est vidée que le PFP est franchi.
En résumé, lorsque le « brouillard du sol » est présent, une graine peut décider de germer à n’importe quel moment et réussir son émergence tant qu’il y a un THyg suffisant. Et ceci, même si le THum est inférieur à 20% qui est le taux de référence pour effectuer un semis en sol travaillé (figure 4). Par contre si le PFP est franchi, le THyg du sol chute et les graines se mettent en dormance pour survivre (figure 5). Dans ce dernier cas, le THum est de 0% car la RU est vide.

  • Sol à 5 % d'humidité
  • Sol à 0% d'humidité

En se rapprochant du microenvironnement d’une graine semée et cultivée, il est possible de voir qu’une graine dans un sol travaillé respire la même atmosphère que l’air ambiant (figure 6) et qu’une graine dans un sol en agriculture de conservation peut aussi se retrouver à respirer l’air ambiant si le sillon n’est recouvert que de terre (figure 7). Au contraire, une graine dans un sol couvert de résidus semée avec un semoir capable de recouvrir la graine de sol au contact de la semence et de résidus au-dessus offrira une atmosphère à 100% d’hygrométrie (figure 8). Il y a ici “brouillard du sol”.

  • Semis dans un sol nu
  • Semis sans recouvrement de résidus
  • Semis recouvert de résidus

En SD, il est donc possible de semer avec le « brouillard du sol » ou sans ce dernier. En automne et en hiver, le temps est souvent humide en France et il y a souvent assez d’eau pour réussir un semis sans brouillard du sol. Par contre au printemps et en été, le temps est plus sec et l’eau peut être un facteur limitant pour réussir les semis. L’expérience montre que lorsque le sillon n’est pas recouvert de résidus (figure 7), les taux de germination peuvent être faibles (30% seulement dans certains cas) et les levées sont hétérogènes et décalées dans le temps. Alors que lorsque la graine baigne dans le brouillard du sol (figure 8), la germination et la levée sont homogènes. Par conséquent, il est judicieux de semer de manière à garder le brouillard du sol autour de la graine. Les semoirs ne sont pas égaux dans leur capacité à générer le brouillard du sol. C’est à l’agriculteur de choisir le bon semoir et de bien le régler.
Le brouillard du sol aide à la germination et à l’émergence des cultures. Ce sont des facteurs importants pour la réussite technique et économique du SD. Pour obtenir le brouillard du sol, les conditions sont simples, il faut couvrir le sillon d’une couche homogène et bien répartie de matières organiques fraîches tel qu’un chaume de céréales ou des résidus de couverts végétaux. Ces conditions s’obtiennent avec un semoir bien pensé et bien utilisé.

Des publications scientifiques pour aller plus loin :
• Scotter, D.R. (1976) Liquid and vapour phase transport in soil. Australian Journal of Soil Research 14, 33–41
• Choudhary, M.A. (1979) Interrelationships between performance of direct drilled seeds, soil micro-environment and drilling equipment. PhD thesis, Massey University Library, Auckland, New Zealand, 211 pp