Emmanuelle Choné

  • Deuxième profil
  • Féveroles jaune et verte
17
juillet
2019

Une prairie, ça se soigne

Par l’intermédiaire de Marc Didienne, nutritionniste indépendant de BDM, nous travaillons avec Christian et Nathalie Cornayre depuis 2017. Ils sont des éleveurs laitiers près de Brioude (Haute-Loire). Ils ont 45 mères et 100 ha dont 60% de prairie. La base de l’alimentation est l’herbe, tout en conservant une petite partie de maïs.

2 prairies de couleur bien différente !

En observant deux prairies côte à côte, la différence de couleur me frappe. L’observation de profils dans ce secteur a révélé des sables limoneux argileux, peu profonds (30 cm), reposant sur de la roche granitique altérée.

 2 prairie à gauche et à droite de la route. 30 mars 2018
2 prairie à gauche et à droite de la route. 30 mars 2018
A gauche, la prairie bien verte de Christian
A gauche, la prairie bien verte de Christian
A droite, la prairie voisine, moins verte, avec du chiendent probablement
A droite, la prairie voisine, moins verte, avec du chiendent probablement

Je demande à Christian : Pourquoi cette différence ? « Ben, une prairie, ça se soigne » répond-il.

« Une prairie, ça se soigne », Christian Cornayre

A gauche, la prairie de Christian reçoit du fumier ou du lisier à l’automne, puis sortie d’hiver, un petit coup d’ammonitre. Le sol est travaillé par scarification pour l’aérer. Il insiste bien : "il s’agit d’un scarificateur, et non d’une émousseuse. L’émousseuse ne fait pas le mettre travail. Elle n’est pas assez agressive".

Scarificateur en CUMA
Scarificateur en CUMA

A droite, où les herbes indésirables prennent le dessus (probablement le chiendent), la parcelle ne doit pas être aussi bien soignée.
Il ne s’agit pas de recette, mais donner à manger à une prairie est important quand on enlève des coupes. De plus, selon les prairies, le tissu racinaire en surface peut fermer le sol. Il ne faut pas hésiter à scarifier quand c’est nécessaire.

Application en viticulture : un repos régénérateur par une prairie soignée

En vigne, certains vignerons ont bien compris qu’il fallait faire reposer les terres avant de planter. En effet, améliorer la fertilité des sols après plantation, coûte bien plus cher qu’un repos régénérateur avant plantation. Si le budget le permet, apporter à manger au sol, et restituer au moins 1 coupe permet de soigner la prairie et donc, d’améliorer la fertilité de la parcelle.


12
octobre
2018

Labour, non labour... pour ceux qui hésitent encore

Henri BaigtHenri Baigt, Béarnais, a commencé à faire du non labour sur les terres difficiles de pied de bois. Ces terres sont plus argileuses, mais surtout, leurs configurations en pied de côteaux les conduisent à être toujours plus froides et humides.
Peu à peu, le non labour gagne du terrain sur son exploitation. Il fait généralement des couverts, féverole et féverole-blé (aujourd’hui, il dose à 100 kg/ha de féverole et 30 kg de blé).
Cette année, sur la parcelle qui était en soja, il installe un RG. Il trouve trop difficile de détruire le RG en non labour et décide de labourer la parcelle (c’est son ressenti).
A droite de cette parcelle, il fait du non labour (décompacteur, vibroculteur, herse rotative, semis). Commençant le non labour sur cette parcelle, il choisit de conserver l’usage du décompacteur.

Maïs labour et non labour
Maïs labour et non labour
2 Parcelles côte à côte sur les alluvions du Gave de Pau, vers Artix (64)
Limons argileux sableux caillouteux brun
A gauche, un maïs labouré après RG. A droite du fossé, un maïs en non labour
Après labour, le sol est très battant
Après labour, le sol est très battant
Détails du sol labourré
Détails du sol labourré
Sol grumeleux et motteux en non labour
Sol grumeleux et motteux en non labour
Détails du sol en non labour
Détails du sol en non labour

Le résultat est frappant pour Henri et le réconforte sur le non labour.
D’autres éleveurs font le choix de faire du non labour sur RG. Pour certains qui veulent garder le RG et qui sont ouverts à diversifier, je les oriente sur des mélanges de RG, avoine, trèfle squarosum.
Ce mélange associe 2 intérêts : l’intérêt agronomique de la céréale pour l’enracinement profond et l’intérêt alimentaire (à condition de le ramasser suffisamment jeune).
Merci à Henri pour le partage de cette expérience.


26
septembre
2018

Semis à 40 cm, meilleur équilibre sol-plante

Il y a quelques années, lorsque l’on commençait à parler (ou à reparler) des semis à 40 cm, je me suis dis : « bien sûr, c’est évident ! ». Pourquoi, c’était une évidence pour ma part ?

Espacement de l'inter-rang pour la mécanisation
Espacement de l’inter-rang pour la mécanisation

1) Tout d’abord, parce que j’ai travaillé 7 ans en viticulture (dans la production)
Quand je travaillais en vignoble, j’entendais que le meilleur équilibre au niveau nutrition de la vigne et qualité du raisin était sur les vignes plantées 1 m sur 1 m.
Les besoins de mécanisation ont conduit à devoir espacer l’inter-rang pour les tracteurs, et à resserrer les plants dans le rang. Ce que je conçois tout à fait. Mais jusqu’où faut-il aller ? Des tracteurs et des outils plus gros, plus lourds …..

Maïs comparaison inter-rangs
Maïs comparaison inter-rangs
A gauche rang à 40 cm, puis des rangs à 80 cm (JM Nau, dpt 64, 2018)

2) Puis, parce que mon regard et ma vie se tournent vers les relations sol-plante
Œuvrant pour l’équilibre sol-plante, il me parait naturel que des écartements à 40 cm sont plus appropriés. Les explorations racinaires et de lumière seront meilleures avec des plantes moins serrées dans le rang. Aujourd’hui, grâce à la plateforme SYPPRE du Béarn, l’excès de concurrence en maïs à 80 cm est montré par des images racinaires grâce aux avancées scientifiques.

Soja sur labour, à 80 cm
Soja sur labour, à 80 cm
Quand le labour accentue la battance des sols, avec un semis à 80 cm : ouille ! ouille !
(JM Cup, dpt 64, 2018), dès l’an prochain, il testera le non labour en bio sur cette parcelle.

Sans oublier, mon ressenti pour les semis à 80 cm. Sur certains sols battants, quand je voyais ces sols nus, j’avais mal au cœur. Mais, je n’osais pas trop le dire…. La quarantaine a du bon… on ose.

Même aujourd’hui, quand je vois ces sols nus à 80 cm, aïe, aïe (le soleil, le vent, la pluie « brûlent » le sol). Je n’ai pas le même ressenti à 40 cm. Je respire.

Couvrir le sol, ce n’est pas seulement avec les couverts et les rotations. Personnellement, je pense que les semis à 40 cm sont une clef. En bio, nous pourrions penser au 60 cm ; pour ceux qui n’ont pas déjà tout l’équipement à 80 cm.

Je remercie Bruno Laborde Loustau de m’avoir fait confiance en 2013 lorsqu’il voulait changer son semoir. Il a permis à tout un groupe de voir la pertinence de ce choix.

Dans la fiche PDF ci-jointe, des résultats en rendements de Bertrand Deghilage.

Fiche semis 40 cm Agronomie Terroirs


21
novembre
2017

Féverole jaune, féverole verte… Qué pasa ?

On est l’hiver 2015-2016 et 2016-2017. En Béarn, chez Bruno Laborde Loustau (sol limoneux brun d’alluvions), En Bigorre, chez Thierry Lasserre (sol limono-argileux d’alluvions) et chez René Fréchou (sol limoneux caillouteux). Nous observons une chose étrange, sur une même parcelle, il y a des zones où la féverole est jaune et un autre endroit, la féverole est verte… Qué passa ?
Féveroles jaune et verte
On ne comprend pas… réflexe, on creuse !
photo féverole jaune
photo féverole verte

Bon, ok, mais encore ?...

Le vieil arbre à proximité

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Jean Hinault, pédologue, spécialiste en nutrition végétal,
Chimie et microbiologie des sols et matières organiques

Agronomie Terroirs a une chance inouïe d’avoir un vieil arbre sage à nos côtés. Même s’il ne sait pas tout, et n’arrête pas de le dire… de vous à moi…. Dans les relations sol/plante, j’ai rarement vu quelqu’un aussi calé ! Quand avec un agriculteur ou un vigneron, on sèche sur le terrain, j’appelle Jean Hinault.

« Allo, Jean, on est sur des alluvions, d’un côté j’ai une féverole jaune, qui ne présente pas de nodosités ; de l’autre, la féverole verte, présente des nodosités. Et puis, chez Thierry Lasserre ou Bruno Laborde Loustau, là où la féverole est jaune, le maïs, il est souvent moins joli. Peux-tu nous éclairer ? ».

Les nodosités ont besoin de molybdène

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Féverole jaune : pas de nodosités
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Féverole verte : présence de nodosités

Après quelques minutes de réflexion … « Les nodosités ont besoin de molybdène, et en sol acide, le molybdène n’est pas bien assimilable. Il faudrait voir le pH de chaque côté » dit Jean qui complète : "Le molybdène intervient en catalysant une enzyme, la nitrogénase, responsable de la fixation de l’azote atmosphérique.
Il intervient aussi chez toute les plantes dans le mécanisme de l’assimilation des nitrates au travers de l’activation d’une autre enzyme : la nitrate-réductase.
Dans le sol, le molybdène est absorbé sous forme d’ions molybdates (MoO4=), la solubilité desquels dépend fortement du pH. A l’inverse des autres éléments métalliques (zinc, cuivre et manganèse), la solubilité des molybdates augmente fortement avec l’augmentation du pH -de sorte que le molybdène est moins disponible en sol acide-
Une petite raison de plus pour surveiller le pH de nos sols. (On rappellera que le molybdène est un oligo-élément, à n’utiliser, comme tous les autres oligo-éléments, qu’en cas de besoin reconnu ; par ailleurs la détermination du molybdène dans le sol reste délicate).
"

Verdict, après analyse

Voici un résultat, sachant que pour les 3 cas, nous avons eu les mêmes différences.
Féverole jaune : pH eau = 5,1 et pH Kcl = 4,3
Féverole verte : pH eau = 5,9 et pH Kcl = 5,3

Dans chaque cas, là où la féverole était jaune et le maïs souvent décevant, le pH était plus faible. Bien entendu, dans les 3 cas, le chaulage était de rigueur, pour toute la parcelle.

Dans les analyses de parcelle, la moyenne de la parcelle ne permet pas de soulever les problèmes.
Il est donc important dans les analyses hivernales, d’analyser une zone homogène (soit zone à problème, soit zone représentative de la parcelle), pour savoir ce que l’on analyse, et ne pas faire une moyenne qui ne veut rien dire.

Merci à Bruno, Thierry, René et Jean pour le partage de ces observations et résultats.


20
février
2017

OBSERVER- EVALUER - RESSENTIR POUR COMPRENDRE ET DECIDER

Nous sommes en Béarn, au Sud de Arbus, chez un éleveur laitier bio : Jean André Biscar. Il s’agit de sols d’alluvions limoneux de basses terrasses.

Des tâches d’hydromorphie en surface, signes de soucis

2 parcelles côte à côte se comportent différemment. Le semis de RGA et Trèfle blanc a été réalisé en 2014 sur de la prairie. La technique du labour et du semis combiné a été réalisée eu printemps.

  • Prairie de gauche J.A. Biscar
  • Prairie de droite J.A Biscar
  • Sol 30 cm J.A Biscar
  • Profil 35 cm J.A Biscar
  • Détails profil gauche J.A Biscar
  • Zoom profil de droite J.A Biscar

Quand l’agronomie aide à prendre des décisions sur la conduite du troupeau

Le chiendent s’installe sur la parcelle de gauche, sur ce sol très limoneux, compact et subissant une forte hydromorphie saisonnière.
L’agriculteur pensait que les parcelles reposaient sur le même sol. Non seulement, la nature du terrain est différente, mais l’état hydrique et structural diffèrent. Pour sécuriser la mise en place et la production de prairie, nous orientons vers la diversité des espèces et le semis sous couvert de céréale.

Les analyses de sol montrent aussi de faibles niveaux de phosphore et de potasse pour les 2 parcelles. Un apport est prévu. Mais il est nécessaire de modifier la conduite de la pâture. L’éleveur pensait que son pâturage tournant où les bêtes restaient 4-5 jours suffisait. Grâce aux analyses de sols et aux observations, il se rend compte qu’il est nécessaire de faire du « vrai » pâturage tournant dynamique pour une meilleure restitution (durée de séjour : 1 à 2 jours).
Il ne suffit pas de savoir. Sur le terrain, nous nous apercevons que tout agriculteur qui prend le temps de ressentir en profondeur son sol, adapte sa pratique de manière plus sereine et plus « douce » malgré certaines contraintes qui pouvaient être bloquantes avant le travail d’observation, d’évaluation et de ressenti.

Enseignement pour le semis direct

A de nombreuses reprises, les parcelles ou zones de parcelles qui possèdent ce type de tâches d’hydromorphie, ont souvent les moins bons résultats. Pour nous, c’est un des indicateurs importants pour juger de l’état du sol, et évaluer les risques pour le semis direct sous couvert.


7
février
2017

Vive les indicateurs de l’hiver !

Nous sommes en Béarn, le 29 décembre 2016.
Dans la campagne, de nombreux signes de froid apparaissent. Je vais voir un agriculteur, mais sur la route, tout d’un coup, une parcelle m’interpelle : je vois 2 couleurs, de l’herbe verte et de l’herbe blanche.
Parcelle avec tassement et zones correctes
Je m’arrête et je fais demi tour, pour voir ce qu’il se passe d’un peu plus près. Sous les roues, dans la zone compactée, l’herbe était encore gelée. A côté, l’herbe était verte.
J’attrape mon thermomètre. Et je mesure à plusieurs reprises « chaque modalité ».
Il y a environ 0.8 °C à 1 °C de différence entre une zone tassée et la zone non tassée.

  • T°C sol zone tassée et encore gelée en surface
  • T°C zone non tassée, plus chaude, herbe non gelée