Le « pensé marketing » est devenu une science qui ne laisse rien au hasard. Et c’est peut-être mon passage dans une grande entreprise commerciale qui m’a rendu attentif à cet aspect qui a pris une importance stratégique pour tout produit avant sa mise en marché.
– Le premier aspect et de loin le plus important c’est le verdict de l’œil « le look »
– Le deuxième argument de vente c’est « la facilité » ou l’aptitude à proposer une solution en face d’un problème.
– Le troisième c’est la « sécurité », vous ne prenez aucun risque.
Mais quel lien y a-t-il entre cela et l’agriculture de conservation et bio de surcroit. C’est tout simplement que la démarche est « anti-marketing », je parle bien entendu de l’aspect production. Aux Etats-Unis l’AC est appelé » Dirty-Farming » ou « l’agriculture sâle ». Notre conditionnement a aseptisé nos champs de toutes plantes non « exploitables » et à avoir des parcelles propres est un frein culturel de très grande importance. La première fois que j’ai semé une culture, dans un couvert vivant j’ai deux collègues qui en l’espace de quelques heures se sont arrêtés au bord de la parcelle pour me questionner sur mon travail. Quelques mois plus tard le premier m’a avoué qu’il n’aurait jamais cru que mon maïs allait donner quelque chose, et le deuxième que si c’est cela l’agriculture de demain il renoncera à être agriculteur. Ce frein évident lié à l’aspect visuel est le premier frein au développement de l’Agriculture de Conservation. Le deuxième frein et non le moindre est « tu te compliques la vie » argument absolument anti-marketing. Et le terme TCS qui veut dire « techniques culturales simplifiées » est un abus de langage car cela complexifie les pratiques agricoles. On sort d’une logique de recette simple, labour ; préparation du sol ; semis ; pour une gestion minimale et appropriée du travail du sol en fonction de critères divers et variés comme la météo, le type de sol, la rotation, si travail du sol il y a. Le fait de sortir de la monoculture pour une rotation appropriée est souvent perçue comme une contrainte et de surcroit antiéconomique au premier abord. Le troisième critère, c’est l’apprentissage de l’évaluation du risque et de sa gestion. Nos conseillers et fournisseurs nous submergent depuis plus d’un demi-siècle de solutions commerciales pour réduire le risque voir le supprimer. Cela va des protections des semences systématiques contre une multitude d’hypothétiques ravageurs comme des désherbages systématiques ou des traitements des cultures contre les maladies ou éventuels ravageurs. Par cette démarche nous nous plaçons dans la plus part des situations en dehors des solutions que peut nous offrir gratuitement la nature. L’exemple le plus pédagogique est le semis direct de colza associé à d’autres plantes qui évitent dans la plus part des cas le désherbage et la lutte contre les insectes. Mais il n’y a pas de garantie que cela fonctionne tout le temps ou à 100%. Il faut donc envisager un éventuel plan B. Nous ne sommes plus habitués à prendre un risque, que certes il faut évaluer, et le gérer en fonction de l’évolution de la culture suivant les aléas climatiques de l’année.
En résumé je me rends compte que le premier frein à l’évolution vers l’agriculture de conservation est humain. Il y a une partie qui est intrinsèque à notre comportement qui est le besoin de certitudes et de sécurité, et une partie liée à notre éducation et à notre époque qui est surtout liée au visuel et à la facilité.