Cécile Waligora

Biologiste, écologue et agronome de formation, Cécile WALIGORA anime et rédige aussi pour la revue TCS. Elle s’intéresse tout particulièrement à la biodiversité des agroécosystèmes.

La longue, très longue histoire des résistances…

Petit îlot de graminées indésirables dans une orge cultivée en semis direct (photo : C. Waligora)Il est bon de conserver certaines « vieilleries »… Grâce à des collections d’herbiers, vieux parfois de plus de 200 ans, des chercheurs montrent que, bien avant l’utilisation d’herbicides (au sens de molécules organiques de synthèse), les résistances existaient déjà…

Parlons un peu de ces herbicides. Ces molécules de synthèse sont une création de la seconde guerre mondiale. Elles ciblent certaines fonctions vitales des plantes dites indésirables ou adventices. Mais ces molécules ont une durée d’action limitée dans le temps… En effet, dans une population donnée d’adventices, toutes n’ont pas la même sensibilité à l’herbicide et après l’emploi de celui-ci, seuls les individus sensibles sont éliminés. Restent les individus possédant naturellement un ou plusieurs gènes de résistance. Et, au fur et à mesure de l’application de cette même molécule, les individus résistants sont de plus en plus nombreux, rendant l’herbicide de moins en moins efficace. Ainsi, de manière naturelle, l’ADN des plantes, d’une génération à une autre, subit spontanément des mutations.

Les travaux en question ont été réalisés dans l’unité d’agro-écologie de Dijon et portent sur des herbiers issus des collections de Dijon, Genève et Montpellier. Les chercheurs ont donc travaillé sur des plantes qui n’avaient jamais connu une seule goutte d’herbicide, notamment des vulpins. L’analyse de l’ADN de 734 plantes collectées entre 1788 et 1975 a permis de trouver une mutation chez une plante datée de 1888 et cette mutation est actuellement la plus répandue dans les populations de vulpin. La résistance était donc présente avant l’emploi de molécules herbicides mais cela suggère aussi que la fréquence naturelle de plantes résistantes pourrait être plus élevée que ce que l’on pouvait bien penser. Conséquence logique : le risque de résistance suite à l’emploi d’herbicides est sans doute plus élevé encore que ce qui est admis.

Bien entendu, cela ne met pas encore plus de discrédit sur les molécules herbicides de synthèse. Simplement, cela appuie encore plus le devoir d’utiliser non pas un mais des moyens de contrôle du salissement, en premier lieu notre fameuse rotation longue, diversifiée et équilibrée.