Après plusieurs années de sécheresse, le Maroc met le cap vers le semis direct. Depuis plusieurs années, l’Office chérifien des phosphates (OCP) contribue à équiper des groupes d’agriculteurs en semoirs et a mis sur pied des équipes d’animateurs dans le cadre de l’opération Moutmir.
Cette opération s’inscrit dans le programme national de développement du semis direct (SD) et vise à "accélérer l’adoption de cette techniques afin d’améliorer la résilience de l’agriculture face aux changements climatiques" comme indiqué sur son site internet. Avec l’équipement en semoirs de 35 groupes d’agriculteurs, l’OCP vise atteindre 10.000 ha semés sans labour.
Dès 2020, l’office faisait état de résultats positifs avec 600 ha semés dans la région de Safi, une amélioration du taux de levée de 12% et surtout une réduction de 80% des coûts du travail du sol et une baisse de 30% du poste semence.
Moins de dépenses en non labour
- Rendemnent du blé (grain Rg et paille Rp, qx/ha), charges Ch (Dh/ha) et marges bénéficiaires brutes Mb (Dh/ha) en fonction du type de travail du sol pour un agriculteur de la Chaouia
- Données communiquées par Rachid Mrabet 2001.
1 Dh = 0.093 euros (au 13/09/24)
Très tôt, la recherche agronomique locale s’est intéressée au semis direct. Dès 2001, Rachid Mrabet(1) a publié les résultats de plusieurs années d’essais en comparant SD et semis conventionnel (SC). Les résultats sont nettement en faveur du SD avec des rendements moyens de 22 qx/ha contre 7 qx/ha en SC. Les marges brutes hectare parlent d’elles mêmes : 4912 Dh/ha en SD (456 euros) contre 1850 Dh/ha en SC (172 euros). Chose appréciable, en année sèche comme en 1999, si les rendements en SD accusent le coup avec seulement 12 qx/ha, ils permettent cependant à l’agriculteur de rentrer dans ses frais. Ce qui n’est pas le cas en SC où les rendements sont nuls.
Au Maroc, le SD est sorti depuis longtemps des stations de recherche. En 2011, dans le Moyen Sebou, sur proposition de l’Agence Française de Développement, un groupe d’agriculteurs a acquis un semoir SD. Après une première expérience sur 2 ha de blé, l’année suivante une dizaine d’ha ont été semés avec des gains de rendement de 5 à 6 qx et des économies de carburant. En 2014, la demande était de 500 ha mais seulement 150 ha ont pu être semés. "Si on avait eu une semaine de plus sans pluies fin novembre, on aurait pu atteindre les 200 ha" confiait Abdelaziz Anbari l’animateur du groupe (Alternatives Rurales "L’expérience de gestion du semis direct par l’Union des Fédérations des Associations d’Usagers d’Eau Agricole du Moyen Sebou". 2015.)
La non disponibilité en semoirs SD reste problématique. En 2020, à Houderrane (région de Rabat-Salé-Kénitra), l’agronome Hammada Lahsen faisait remarquer que : "Les agriculteurs sont astreints à attendre leur tour selon un programme préétabli et mobilisant seulement trois semoirs pour toute la région, ce qui entraine un retard des opérations de semis". Autre problème noté : "Les semoirs de semis direct disponibles sont très lourds et dépassent les capacités de levage et de traction de la majorité des tracteurs appartenant aux agriculteurs". Nombreux sont les exploitants ne possédant que d’antiques tracteurs de marque Massey Fergusson à 2 roues motrices.
Des semoirs fabriqués localement
Si les premiers semoirs pour SD utilisés au Maroc ont été importés, la société Ateliers Marocains (Atmar) a mis au point en collaboration avec l’Inra Maroc un semoir qui est aujourd’hui présent dans plusieurs exploitations.
Il s’agit d’un semoir porté à dents munies de pointes en carbure de tungstène, équipé de 2 trémies et proposé avec une largeur de travail de sol de 2,7 ou 3,2 m.
Que ce soit au Maroc ou plus généralement au Maghreb, trop souvent les agriculteurs attendent les pluies pour semer. Ils craignent ce que certains appellent "les pluies parasites" qui sont suffisantes pour permettre une levée mais insuffisante pour réhumecter le sol en profondeur. Les pluies automnales sont irrégulières et comme en 2023, peuvent n’arriver que fin novembre ce qui occasionne des semis tardifs. Aussi, le semis direct s’avère une option intéressante.
(1) Le semis direct : potentiel et limites pour une agriculture durable en Afrique du nord. Rachid Mrabet. Inra 2001