Matthieu Archambeaud

  • Le pois ayant disparu laisse le champ libre aux adventices
  • Plateforme d'essai de couverts
10
août
2010

Merci les pionniers, ... (21ème siècle)

L’UNIP (Union Nationale Interprofessionnelle des plantes riches en Protéines), l’INRA (Grignon, Dijon), le CETIOM (Grignon, Mons, Bourges), ARVALIS, les Chambres d’agriculture de Mayenne, Moselle, Nièvre et Yonne, l’Agroscope Reckenholz –Tänikon (Zurich, Suisse), l’ESA (Angers) lançaient tout récemment le concept PCB (Pois-Colza-Blé), pour « élaborer des références et vérifier des hypothèses sur des questions encore en débat concernant l’effet environnemental des protéagineux dans les rotations de grandes cultures et optimiser, sur le plan agro-économique et environnemental, des rotations à base de colza, blé et orge en y introduisant du pois ».

Alléluia, les instituts s’emparent des rotations créées et expérimentées par des agriculteurs sur le terrain depuis déjà quelques années :
- Colza, gérer positivement les pailles, sécuriser la structure et changer de précédent
- Pour gagner plus avec du colza, placez-le après un pois !

Gilles Sauzet du CETIOM avait également repris intelligemment le concept du colza associé à des plantes gélives, dont l’idée remonte aux premières expérimentations bretonnes du réseau BASE dans les années 2003-2005.
- Colza, le CETIOM confirme l’orientation SD et association avec légumineuses
- Post de Philippe Pastoureau sur le sujet

Même si les instituts oublient toujours souvent de dire merci, leur rôle en matière de diffusion et de vulgarisation reste irremplaçable.


9
juin
2010

Merci les pionniers, ... (18ème siècle)

Il y a cinq siècles, des paysans pionniers flamands avaient déjà compris qu’il fallait boucher les trous, mais ce sont les physiocrates qui en propagent l’idée dans toute l’Europe.

« Sans engrais point de récoltes, sans bestiaux pas d’engrais dont l’effet soit prompt ; sans prairie artificielle point de bestiaux ; enfin, sans la suppression des jachères, point ou trop peu de prairies artificielles ; tout est lié en agriculture ; son système doit être complet. »
(Instruction de la Convention nationale, 1794 ; in Mazoyer et Roudart, histoire des agricultures du monde).

Jusqu’au 16e siècle, en Europe, la pratique de la jachère (rotation céréale / jachère pâturée) n’a pas permis d’éviter les disettes et les famines : la fertilisation des parcelles par les animaux est insuffisante et la jachère favorise la prolifération des mauvaises herbes. C’est la suppression de la jachère au profit de la prairie artificielle qui va permettre à l’Europe de doubler ses rendements, et par conséquent de libérer de la main d’œuvre au profit de l’industrie naissante.

Pratiquée dans les Flandres dès le 15e siècle par quelques agriculteurs, cette première révolution agricole des Temps Modernes ne pu se développer en France qu’au 18e siècle, moment où le contexte économique et politique bascule avec la Révolution : abandon du droit de vaine pâture, de l’assolement obligatoire et institution de la propriété privée.

Le développement conjoint de la révolution agricole et de la révolution industrielle permet dès la seconde moitié du 19e siècle de produire de nouveaux outils (charrues, herses, semoirs, faucheuses, moissonneuses …) et de doubler ainsi la superficie exploitable par travailleur, tout en allégeant des calendriers de travaux devenus très chargés.

L’amélioration de l’efficacité des labours permet de mieux lutter contre les adventices et de préparer le lit de semence. Il permet également la minéralisation de l’humus par l’aération des horizons de surface, et par conséquent la libération d’éléments minéraux nutritifs pour les cultures. Les rendements augmentent alors fortement, et les exportations d’éléments sous forme de grains, de fourrage ou de tubercules sont compensées par un retour au champ des résidus organique et par les déjections des troupeaux.

Dans ce système, les anciennes jachères sont converties en prairies artificielles à base de graminées et de légumineuse, et alternent sans discontinuité avec les céréales et les cultures sarclées. Ainsi, grâce à cette nouvelle valorisation de la surface, combinée avec l’apport d’azote des légumineuses, la production de fumier est multipliée par deux. La réorganisation du système permet de doubler la production agricole du pays sans faire appel à des intrants extérieurs.

à suivre...


25
mai
2010

Engrais verts et couverts végétaux (2)

Lissage de la paroi du sillon par les disques d’un semoir de semis direct en sol argileux.

... suite du post précédent

Le semis direct est arrivé du Brésil dans les années 90. La technique a été importée telle quelle, avec la couverture d’avoine ou de seigle de rigueur. _ Cependant, ce type de couverture est longtemps resté inadapté dans des sols pauvres en matière organique, lents à se réchauffer au printemps et parfois mal structurés dans les débuts. Dans les rotations céréalières européennes (et donc riches en carbone) l’introduction de carbone supplémentaire sous forme d’avoine n’a fait qu’augmenter les besoins en azote du sol, sans compter les problèmes de sanitaires de successions céréale-céréale...

Ayant compris cela, les réseaux bretons de TCSistes et SDistes n’ont jusqu’à présent fait que reprendre et améliorer le concept d’engrais vert, bien connu du monde de l’agriculture biologique. L’amélioration a notamment portée sur des mélanges d’espèces adaptés aux périodes d’interculture estivales mais également sur des dates de semis très précoces autorisées par l’absence de travail du sol (pas d’assèchement du sol et rapidité d’exécution). Cette redécouverte de l’engrais vert a permis à des sols matraqués de retrouver une structure verticale mais également de redevenir fertiles en s’enrichissant en matière organique par des apports massifs de carbone équilibré par l’azote recyclé et l’azote fixé issus des légumineuses.

Maintenant que certains sols trouvent ou retrouvent des organisations et des teneurs en matières organiques favorables, certains agriculteurs reviennent avec succès à des couvertures de graminées (Philippe Pastoureau par exemple). L’objectif n’est plus tant de produire une biomasse facile à digérer par le sol, que de produire une couverture capable de protéger le sol des intempéries (pluie, chaleur, vent...), de l’évaporation et du salissement : dans ce cas, seul un couvert carboné est capable de durer dans le temps et d’assurer une couverture efficace en attendant que la culture prenne le relais. De plus, en laissant ce carbone en surface sans y toucher (pas de mulchage) on évite le risque de la faim d’azote pour les premiers stades de végétation.

Il suffisait de le savoir...


19
mars
2010

Équilibrer le carbone et l’azote dans la rotation (1)

le sol (et l’activité biologique qui lui est liée) à un rapport carbone sur azote (C/N) qui tourne autour de 10 : il y a une part d’azote pour dix de carbone. Cela signifie que les apports de biomasse au sol doivent respecter cet équilibre, tout comme un éleveur cherche l’équilibre énergie/protéine dans la ration alimentaire de son troupeau. Or, les rotations céréalières européennes sont trop riches en carbone puisque le C/N des pailles est compris entre 50 et 150 et conduit donc à un excès.

La solution consistant à réintroduire massivement les légumineuses dans l’agriculture européenne semble donc prometteuse et nécessaire mais nous sortons du cadre technique du propos pour rentrer de plein pied dans la politique... revenons à nos moutons (néo-zélandais ;-) )

Une solution très simple et d’ailleurs largement répandue existe pour rééquilibrer le C/N. Il s’agit de multiplier les passages de travail du sol en été et à l’automne avant l’implantation de la culture suivante ; cela permet de doper l’activité biologique qui consomme alors le carbone et le transforme en CO2 (dont on a d’ailleurs pas besoin dans l’atmosphère à l’heure actuelle). L’azote, momentanément mobilisé par les microorganismes pour digérer le carbone, redevient rapidement disponible pour la culture à venir une fois le surplus évacué. En dehors de ses avantages pour gérer les pailles, cette gestion de l’interculture permet également de se débarrasser des repousses, de quelques adventices, sans compter les limaces, rongeurs et autres indésirables... par contre ce nettoyage par le vide favorise la baisse des taux de matière organique dont il n’a pas la peine ici de rappeler les conséquences.

Avec l’arrivée de la “ quatrième directive nitrates ”, non seulement on ne dispose plus de la même période pour gérer les états de transition entre deux cultures (paille, salissement, lit de semence...), mais on court le risque de rajouter une couche de carbone si le couvert est mal équilibré. Ainsi, une moutarde semée à la va-vite sur un sol peu structuré et peu fertile sera rapidement stressée, fleurira et ... produira du carbone. Pour prendre une image, on redonne de la purée à un gamin entre deux repas sous prétexte qu’il digère mal.

Les TCSistes et SDistes de la première heure l’avaient bien compris puisqu’ils constataient une augmentation des besoins en azote de leurs systèmes de culture : « tu parles d’un progrès au prix où est l’azote ! » En effet, lorsqu’on perturbe moins le sol, on minéralise moins la matière organique et par conséquent le carbone reste dans le sol ; si le carbone reste dans le sol, il faut lui trouver l’azote correspondant, soit 1 kg d’azote pour 10 kg de carbone. En un mot, pour regagner 1 point de matière organique il faut trouver 2 500 kg/ha d’azote (1 ha = 3 500 t de terre et donc 1% de MO = 35 t ; à raison de 70 kg d’azote par tonne d’humus on a 2 450 kg d’azote organique par point de matière organique).

Deux solutions s’offrent à nous : apporter de l’azote minéral (pour les actionnaires des firmes de fabrication d’engrais) ou mettre des légumineuses dans les couverts. Dans le premier cas c’est par exemple ce qui est fait lorsque les pailles sont arrosées d’azote avant l’implantation d’un colza : on finance la synthèse de matière organique avec de l’ammonitrate ou de l’urée.
Dans le deuxième cas la légumineuse compense correctement l’apport de carbone de la céréale, ce qui explique d’ailleurs la pérennité des systèmes maïs / haricot américain, riz / lentille indien, blé / lentille égyptien, grec ou romain.

La suite dans un prochain post...


15
mars
2010

L’INRA consulte la profession

L’INRA lance une consultation du public et des professionnels à propos de ses axes de recherches jusqu’en 2014 : l’occasion de dire massivement ce que chacun pense et souhaite voir développer par la recherche française pour l’agriculture de demain... à vos claviers !

www.inra2014.fr


16
novembre
2009

Satanées repousses !

repousses_phacelie
F. Thomas
Couvert de phacélie gelé : en semis sous couvert, la présence des repousses va conduire à utiliser un herbicide pour quelques zones salies.

Fin juillet à la récolte, le sol est propre, le grain battu et il est temps d’installer une couverture pour le sol en attendant les semis de l’automne ou du printemps... Et voilà qu’apparaissent ces sacrées repousses : bien réparties si on a la chance de ne pas avoir à ramasser les pailles, que l’on possède un répartiteur de menues pailles, que la parcelle est plane et qu’il n’y a pas eu trop de vent à la récolte. Dans le cas contraire, voilà que réapparaissent les andains dans lesquels les couverts lèvent difficilement et qu’on retrouvera encore dans la culture suivante.

Première solution, réaliser un faux-semis avant de semer le couvert : un passage après récolte et un deuxième quinze jours plus tard. Le sol est nivelé, les repousses et les adventices détruites, le lit de semence est préparé et permet un bon démarrage du couvert. D’un autre côté on perd tout de même 15 jours de jours longs, on réalise deux passages pour un semis et on provoque de nouvelles levées d’indésirables ; sans compter que si l’été est sec, on assèche la surface et qu’on peut rater d’éventuelles petites pluies bienfaisantes.

Deuxième solution, pour les heureux utilisateurs de semoirs spécialisés, le semis direct après récolte : pas de perturbation du sol, pas de levées autres que celle du couvert, pas d’assèchement de la surface ... Tout va bien, à condition que le couvert se batte bien pour étouffer les repousses (et encore). Certains résolvent le problème en détruisant les graminées dans une interculture de dicotylédones pures, avant d’installer la céréale en direct sous le couvert.

Et pourquoi ne pas remettre à l’honneur le récupérateur de menues-pailles qui nous éviterait les problèmes de répartition et de recontamination des champs ? Il est tout de même dommage de réussir à ne plus toucher le sol et de devoir continuer à désherber pour quelques malheureuses graines échappées de la batteuse.

Une vidéo sur le sujet