Matthieu Archambeaud

  • Le pois ayant disparu laisse le champ libre aux adventices
  • Plateforme d'essai de couverts
25
juillet
2014

Priming effect (revisiter le sol 3/3)

JPEG - 255.5 koCes grains de maïs, tombés accidentellement du semoir (germés sur un épi du précédent, merci à GP ;-) ), forment un poquet de plantes beaucoup plus vigoureuses que leurs voisines. Il s’agit de ce qu’on appelle le priming effect ou effet de " démarrage ".

La plante émet des substances " dopantes " dans le sol pour doper l’activité biologique (activateurs enzymatiques, énergie sous forme de sucres, de protéines, etc.) : la culture met ainsi en place sa propre rhizosphère, active et amplifie les populations microbiennes qui se mettent à consommer de la matière organique, à libérer des éléments minéraux et donc à nourrir la plante en retour.

Plus il y a de " panneaux solaires " photosynthétiques au m², plus le phénomène est amplifié, plus l’activité biologique est importante, plus les plantes sont nourries et protégées, plus il existe un microclimat favorable au niveau du sol (ombrage, humidité, absence de vent)...

Bien entendu le phénomène ne dure que tant qu’il y a de l’énergie (matière organique du sol, engrais azotés, sucres, etc.) et de l’eau disponible. dès que l’un de ces facteurs est limitant, les plantes vont commencer à se concurrencer et le rendement à en souffrir.


C’est un des effets recherchés avec les plantes compagnes : doper le démarrage en conditions non limitantes (début d’automne ou printemps) et ensuite faire cesser la concurrence naturellement (effet du froid sur les plantes compagnes du colza ou des céréales semées très précocement - voir post du 21 mars), mécaniquement (roulage d’une féverole dans un blé par exemple) ou chimiquement (emploi d’un anti-dicotylédones dans une céréale et inversement dans un oléoprotéagineux).

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4
juillet
2014

Dérobée fourragère d’automne : quantité, qualité, économies

JPEG - 176.1 koColza fourrager dans une plateforme d’essai implantée autour du 10 août par JL. Le Bénézic, de Triskalia, chez Philippe Cadoret dans le Morbihan. Le couvert, récolté à la remorque autochargeuse à partir de la mi-octobre, a produit 4 t/ha de MS. Bien que très chargé en azote (25% de MAT), le produit reste très humide et donc encombrant dans la ration : il ne peut être apporté qu’à raison de 2 à 3 kg/jour.

Un hectare permet tout de même de nourrir sur cette base : 100 vaches laitières pendant 13 jours, soit une économie de 1,5 kg/jour/UGB de tourteau de soja et de 3 kg/jour/UGB d’ensilage de maïs (soit 900 € de soja et 0,75 ha de maïs économisés en deux semaines).

L’inconvénient du colza fourrager est son agressivité même à faible dose, rendant le redémarrage d’une prairie ou d’une culture sous-semée aléatoire au printemps : le système serait peut-être plus sûr en introduisant d’autres espèces (tournesol, féverole, trèfle, etc.) et en favorisant le pâturage plutôt que la récolte (ensilage ou autochargeuse) qui abîme fortement la surface du sol.


16
avril
2014

Le sol est-il un méta-organisme ? (revisiter le sol 2/3)

(Crédit : Serai Harper)La respiration est la réaction dont se servent la plupart des être vivants pour tirer leur énergie de la matière organique (en l’oxydant grâce au dioxygène atmosphérique). L’énergie est entièrement utilisée lorsque la matière organique est minéralisée, c’est-à-dire qu’elle est redevenue eau, dioxyde de carbone et sels minéraux. La réaction inverse est la photosynthèse que sont seules capables de réaliser les plantes vertes grâce à l’énergie solaire qui excite leurs pigments chlorophylliens.

On a longtemps admis que les réactions de respiration n’avaient lieu que dans le milieu confiné et protégé de la cellule vivante, dans les « centrales d’énergie » que sont les mitochondries. Or, une équipe de l’INRA de Clermont-Ferrand a découvert par hasard qu’un sol totalement stérilisé par irradiation respirait toujours, en l’absence de tout organisme vivant. Le phénomène se produirait par l’intermédiaire des protéines et enzymes libérées dans le sol après la mort des microorganismes. 5 à 10% de ces molécules seraient protégés de la dégradation par les particules du sol et l’humus et poursuivrait « post-mortem » les processus de respiration et de dégradation de la matière organique. Ce complexe respiratoire a été baptisé Exomet (pour métabolisme extérieur) et il ne serait pas négligeable puisque pour les différents échantillons de sol testés on obtient de 16% à 48% des émissions totales de CO2. Bien entendu, plus les conditions de sols sont favorables (texture, pH, etc.) plus l’exomet est efficace et pérenne. Mieux, il fonctionne encore au-delà des températures de pasteurisation (150°C) et résiste aux hautes pressions. On savait que l’on ne connaissait pas encore bien le fonctionnement du sol mais cette information remet en cause beaucoup de certitudes, notamment sur le cycle du carbone, le rôle du complexe argilo-humique, ou encore sur l’origine de la vie ... ou l’existence du Golem.


21
mars
2014

Semer du blé dans des couverts en été

Les dégâts du coup de gel de février 2012 sur un triticale semé l'été précédent dans un mélange de couverts. Je réactive un vieux sujet écrit il y a trois ans et qui me semble tout à fait d’actualité. Il concernait un essai de semis de triticale au 15 août dans un couvert, réalisé par l’INRA de Mirecourt. L’idée est de semer une céréale précocement avec le couvert de l’après moisson pour qu’elle s’installe parfaitement avant l’hiver sans avoir besoin de ressemer à l’automne dans un couvert développé (et donc sans avoir besoin d’un semoir très spécialisé). La technique serait comparable à ce qui se fait désormais couramment pour le colza associé.

Les obstacles principaux semblent être les ravageurs, le salissement mais surtout le risque de destruction de la culture par l’hiver :
- Les ravageurs : plus on camoufle une culture au milieu d’autres espèces, moins les risques de prédation sont élevés (également validé par le Jean-Pierre et Véronique Sarthou et le CETIOM sur colza associé) ;
- Le salissement : Plus le couvert est dense, semé tôt et sans travail du sol, plus il est propre. Dans tous les cas si le mélange se salit, rien n’empêche de le détruire et de repartir sur une céréale d’hiver semée classiquement, voir une culture de printemps ;
- Le problème de l’hiver : la vraie question est de savoir si une céréale semée en août (et pourquoi pas en juin ou en juillet) est capable de passer l’hiver.

Pour y répondre, une remarque et quelques observations visuelles :

- Premièrement, Marc Pottier, technicien de la CORAB, m’avait fait remarquer que beaucoup des variétés de céréales d’hiver que nous utilisons en France sont alternatives, contrairement à celles qu’utilisent nos voisins de l’Est aux hivers plus rigoureux (Allemagne, Autriche, etc.). Je le cite : « j’ai regardé ce qui pouvait se semer très tôt. Il faut que 2 caractères soient favorables : alternativité le plus hiver possible, et précocité montaison la plus tardive possible. Le meilleur des blés utilisés en bio serait Renan qui a une note de 1 pour les deux caractères. Ensuite voici ce que j’ai trouvé (alternativité - précocité montaison) : Chevalier 2 - 2, Hendrix 2 - ?, Attlass 4 - 4, Pirénéo H - 1/2 p, Saturnus ? - 1/2 p, Renan 1 - 1, Pannonikus ? - ? Midas H - 1/2 P, Lukulus H - ?, Element H - 1/2 P, Astardo ? - ?, Triso, Togano sont printemps. En triticale Tarzan est à 2 - 4, Tremplin est tardif montaison ; en orge hiver, Bastille est Hiver mais précoce, Himalaya est alternatif. Les orges 6 rangs sont toutes alternatives ; l’avoine nue Grafton est 1/2 hiver ; les seigles sont tous très hiver sauf Caroass seulement hiver. Alkor en épeautre serait hiver et tardif montaison. »
- Une première observation maintenant : la photo du début du post montre un triticale dans un couvert gelé, et date de l’année 2011-2012, soit un hiver très doux suivi d’un fort coup de gel : l’épi était déjà sorti avant Noël. Bilan, quelques dizaines de kg de semence de ferme perdus et ressemis d’une céréale de printemps (d’autant plus qu’on divise la dose de semis de la céréale par deux pour chaque mois anticipé puisqu’en théorie elle tallera davantage : 40-50 kg/ha en août et 20-25 kg/ha en juillet ? -> à tester) ;
- Un deuxième constat sur la plateforme d’essai du semencier Caussade : une même variété d’avoine semée début août 2013 en pur ou associée à de la moutarde a donné deux résultats totalement différents (voir la photo ci-dessous) : l’avoine semée en solo a bien profité de l’automne et a été détruite malgré l’absence de gel de cette année, alors que celle semée avec de la moutarde a été concurrencée par cette dernière et semble bien mieux partie.

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Cela montre que tant que la céréale reste au stade tallage, elle a toutes ses chances de passer l’hiver et de redémarrer en temps et en heure. Le plus simple est sans doute d’accompagner la culture avec des plantes compagnes favorables qui vont tout à la fois la maintenir propre, doper l’activité biologique et la fertiliser lorsqu’elles auront été détruites soit par le gel (semis précoce d’un couvert hâtif et gélif), soit mécaniquement par un outil (faucheuse, rouleau ou broyeur) ou mieux encore pâturées par un troupeau (qui détruira également les limaces) : voir à ce sujet les essais de l’INRA de Lusignan : Pâturer une céréale sans trop pénaliser le rendement grain : effet de la date d’exploitation et de l’espèce et Le pâturage de triticale en fin d’hiver permet d’avancer la mise à l’herbe en troupeau laitier.

On attend avec impatience vos essais, vos remarques...


18
février
2014

Affaire Giboulot : vers plus de judiciarisation ou plus de concertation ?

crédit : http://owni.frUne fois n’est pas coutume (mais ça pourrait le devenir), je ne traiterai pas de technique ou d’agronomie mais d’un sujet plus polémique voire politique. Vous avez sans doute entendu parler d’Emmanuel Giboulot, ce viticulteur en biodynamie de la côte de Beaune, qui a refusé de traiter son vignoble contre la cicadelle. Cet insecte est le vecteur de la dévastatrice flavescence dorée et fait l’objet d’une lutte collective obligatoire.

Convoqué au tribunal d’instance, les arguments de M. Giboulot, en bio depuis 30 ans, sont les suivants :
- d’une part, l’insecticide, à base de pyrèthre, bien qu’homologué en agriculture biologique, est un insecticide à large spectre qui détruit aussi bien les ravageurs que les auxiliaires et les pollinisateurs ;
- il existe des solutions alternatives non moins efficaces ;
- on lui demande de traiter à titre préventif son vignoble, sans risque identifié dans la zone.

Le propos n’est pas de savoir exactement qui a tort ou qui a raison, d’autant plus que cela dépend du point de vue où on se place (collectif, individuel, symbolique, politique, technique...). Ce qui est beaucoup plus inquiétant c’est la tournure que prennent les choses puisque ce viticulteur va passer au tribunal le 24 février : on passe d’une affaire administrative qui devrait concerner la profession et l’administration à une affaire criminelle ou l’on va demander à un juge de trancher une question infiniment complexe sur laquelle il est incompétent.

Les dérives judiciaires, voire autoritaires, deviennent de plus en plus fréquentes et il me semble intéressant de se mobiliser pour laisser la place à la discussion et à la concertation plutôt qu’à la répression et aux idéologies d’où qu’elles viennent. Espérons qu’Internet serve de relais démocratique, rôle auquel il est entre autres destiné.

Pour ceux que ça intéressent des pétitions circulent actuellement et montrent que le fait divers a largement dépassé les protagonistes :
- pétition de l’ipsn ;
- page facebook : https://www.facebook.com/emmanuelviticulteurbioprison


6
février
2014

Produire de l’électricité en profitant de l’interaction entre microorganismes et plantes (revisiter le sol 1/3)

Panellus Stipticus (crédit : Ylem)L’équipe de Marjolein Helder de l’université de Wageningen aux Pays-Bas a mis au point et va commercialiser une pile « rhizosphérique » (Plant Microbial Fuel Cell). Cette pile utilise l’activité biologique autour des racines des plantes pour produire de l’électricité. En effet, la consommation des exsudats racinaires (jusqu’à 30% de la photosynthèse) par les microorganismes du sol entraîne la libération d’électrons dans la rhizosphère, électrons qui sont récupérés par un circuit électrique branché dans le sol. Les chercheurs avancent une production de 0,4 W/m² sur un cycle de végétation et espèrent atteindre les 3,2 W/m². Pour information la puissance d’un panneau solaire est comprise entre 100 et 200 W/m².

Au-delà de l’anecdote, ce procédé illustre deux faits. C’est tout d’abord la confirmation que les plantes fournissent d’importantes quantités d’énergie sous forme de sucres et de protéines à l’activité biologique du sol pour assurer leur nutrition et leur défense. Cette énergie chimique est convertie en énergie électrique au niveau cellulaire pour recharger les batteries du vivant que sont les molécules d’ADP/ATP (en captant un groupe phosphate, l’ADP devient ATP, une molécule chargée d’énergie qui redeviendra disponible dans la cellule après la réaction inverse). Deuxièmement, on constate qu’il s’agit encore une fois d’un procédé (très compliqué et pour l’instant assez peu efficace) de piratage de l’énergie de l’écosystème. La comparaison peut-être faite avec la production de couverts végétaux destinés au méthaniseur. Dans des systèmes agricoles qui manquent déjà d’énergie, ne vaut-il pas mieux laisser le maximum de ressources à l’activité biologique ? Avec une activité biologique performante on sait aujourd’hui qu’il est possible de produire avec beaucoup moins d’énergie : 30 L/ha/an de gasoil économisé c’est 342 kWh/ha/an à produire en moins ou pour le dire autrement : 1 éolienneproduit chaque année l’énergie que pourrait économiser 13 tracteurs en TCS/SD/an.