Mercredi 10 octobre 2012
Frédéric Thomas

Après des séjours aux États-Unis et en Australie, Frédéric THOMAS débute son activité de conseil de terrain et, en 1999, il crée la revue TCS. Il s’appuie aussi sur sa ferme, en Sologne, des terres sableuses hydromorphes à faible potentiel, où il met en œuvre l’AC avec réussite. Il est aujourd’hui l’un des acteurs majeurs du développement de l’AC en France.

Vérifier la concentration en nitrates des sorties de drainage

Observation du comportement de l’eau dans un sol par pulvérisation d’eau en amont d’un profil.

Laurent Rousseau, TCSiste et éleveur de chèvre en Charente, fait partie d’un groupe CIVAM travaillant spécifiquement sur le dossier simplification du travail du sol. Puisqu’il est situé dans un bassin versant prioritaire et que la qualité de l’eau est un sujet central, il a eu l’idée d’acheter en pharmacie des bandelettes « Nitrate Check » et de mesurer pendant la période hivernale et lorsque l’eau coule, tous les 15 du mois, la teneur en Nitrate de l’eau de drainage d’une parcelle de luzerne qu’il à partiellement détruite chimiquement à l’automne pour implanter une orge.

En fonction des périodes les mesures oscillent entre 45 et 100 mg/L, des teneurs qui inquiète cet agriculteur. Cette expérience nous permet de préciser différents points :
- Il n’existe pas de système complètement fermé. Les « fuites » font partie du vivant, il faut seulement qu’elle restent faibles et maîtrisées ;
- Toutes les mesures réalisées de cette manière sont des mesures instantanées qui peuvent varier de manière importante en fonction du moment du prélèvement. En début de drainage les pics seront inévitablement importants pour redescendre ensuite. Des mesures plus rapprochées permettraient d’établir une moyenne de concentration beaucoup plus juste ;
- Au sein d’un bassin versant, l’eau qui sort d’un réseau de drainage agricole va ensuite être mélangée avec divers autres flux d’eau avec des teneurs très variables qui vont souvent opérer une dilution, amplifiée par des zones de filtration naturelles avant d’atteindre la rivière ou la nappe ;
- En fait, pour se faire une idée de la quantité d’azote qui quitte une parcelle via son réseau de drainage, il faudrait raisonner en flux : c’est à dire multiplier la teneur moyenne pour chaque période de drainage par la quantité d’eau drainée (élément plus difficile à mesurer). Ensuite pour déterminer la quantité d’azote/ha réellement perdue il suffit d’utiliser le même mode de calcul que pour évaluer l’azote apporté par l’irrigation lorsque la source d’eau contient des nitrates : N/ha (perdu par drainage) = teneur moyenne en nitrate x m3 d’eau/ha drainé x 0,00023. Dans le cas présent si l’on prend une teneur moyenne en nitrate de 75 mg/L et un drainage de 1 200 m3, soit 120 mm de pluie, la quantité d’azote réellement lessivée au travers du réseau de drainage est de 75 x 0,0023 x 1200 = 20,7 kg de N/ha : une quantité admissible et loin d’être anormale. Pour perdre par drainage 50 kg de N/ha (la quantité moyenne perdue par ha/an) il faudra que le drainage soit de 30 000 m3 ou 300 mm avec la même teneur moyenne tout au long de la période de drainage ; ou encore que la teneur moyenne atteigne les 187,5 mg/l pour la même quantité d’eau drainée ;

Si le calcul ou plutôt l’évaluation de la quantité d’eau drainée est un peu plus compliqué, nous trouvons cette idée de mesurer la qualité de l’eau qui sort des drainages aussi simple qu’intéressante. Même si dans un premier temps les chiffres peuvent surprendre, c’est un excellent moyen de comparer les parcelles et les pratiques afin de comprendre ce qui se passe pour ajuster les interventions. C’est aussi le moyen d’acquérir avec le temps une forme de référentiel qui permettra de mieux situer les mesures instantanées mais aussi de dialoguer chiffres à l’appui avec les autorités qui gèrent la qualité de l’eau.

On a des possibilités simples et peu couteuse : autant s’en servir !