La racine, lorsqu’elle se développe s’entoure peu à peu d’un cortège de milliards d’organismes, bactéries, champignons… formant un ensemble qu’on appelle la rhizosphère. Celle-ci est donc le lieu d’intenses échanges avec parfois une rude compétition entre les différents acteurs. C’est notamment le cas des célèbres champignons mycorhiziens qui proposent à la plante, via ses racines, une relation dite symbiotique : la plante fournit au champignon gîte et couvert et celui-ci offre au végétal une capacité d’absorption des nutriments décuplée. Mais comment dialoguent-ils ? Comment le champignon reconnaît sa plante hôte ? Comment celle-ci voit en lui un bon partenaire et pas un champignon pathogène ?
Tout passe par un savant dialogue moléculaire entre les deux acteurs dont une partie vient d’être découverte par une équipe mixte de l’Inra de Nancy et de l’Université de Lorraine, accompagnée par le Département américain de l’Energie et l’Université de Western Sydney.
C’est la racine qui fait le premier pas. Lorsque celle-ci est apte à accueillir une symbiose, elle libère dans le milieu proche des quantités infimes de signaux moléculaires. Ces signaux sont alors perçus par les filaments mycéliens du champignon, ce qui déclenche chez celui-ci, la libération de petites protéines à l’intérieur de la racine. Ceci marque le début de la colonisation de la racine par le champignon.
L’une des cibles de ces petites protéines émises par le champignon a été décryptée par ces chercheurs. Il s’agit du récepteur d’une hormone végétale connue, l’acide jasmonique. Connue car identifiée comme déclencheur de réactions de défense chez la plante lors de l’attaque par des organismes pathogènes. Ainsi, en cas d’attaque, cette hormone vient s’accumuler au niveau de son récepteur, s’y lie et le rend inopérant, neutralisant alors l’infestation. Dans le cas de notre champignon mycorhizien, les petites protéines arrivant sur le récepteur de l’hormone empêchent celui-ci de se lier à son hormone, supprimant alors toute la batterie de défenses que la plante aurait dû mettre en place.
Si c’est la plante qui provoque la relation en attirant le champignon, c’est bien lui qui oriente la nature même de cette relation ; la plante étant, quelque part, sous influence, « obligée de suivre ». Si l’étude a porté sur la relation existant entre les racines d’un arbre et son champignon symbiotique, ces résultats peuvent très certainement être généralisés à d’autres symbioses. L’avenir nous le dira puisque fort de ces résultats, l’équipe poursuit l’étude. Elle compte, déjà, identifier les autres cibles végétales des protéines émises par le champignon.