Les conférences organisées depuis plus de 20 ans par HORSCH sont l’occasion pour les participants de s’informer et d’approfondir leurs connaissances des techniques et problématiques agronomiques actuelles. Le choix des thématiques n’est pas laissé au hasard. L’objectif premier est de traiter de sujets pertinents faisant écho aux problèmes rencontrés par les agriculteurs tout au long de l’année. Les évolutions et les tendances importantes pour la saison suivante sont également abordées. Le choix des intervenants est orienté par la pertinence et la complémentarité des contenus et des expertises de manière à proposer un concept thématique cohérent. L’objectif est de confronter différents points de vue en alliant conseil, expertise scientifique et expérience terrain.
Un résumé de ces conférences suit ci-dessous. Pour davantage de détails, vous pouvez également lire la revue Terra-Horsch de l’été 2025.
Cycle de conférences à Schwandorf (Allemagne)
- Hubert Loick (directeur de la société Loick AG)
La discussion s’est orientée sur les technologies de stockage d’énergie et les possibilités spécifiques offertes par les conteneurs de batteries. La société Loick est spécialisée dans les infrastructures de production d’énergies renouvelables et notamment la conception d’unité de méthanisation, de conteneurs de stockage de batteries pour les parcs photovoltaïques, éoliens, ou encore les unités de production d’hydrogène ou de bio-GNL. La part des énergies renouvelables représente 50% de la production globale d’électricité en Allemagne.
Afin de contre-carrer les périodes d’obscurité ou l’absence de vent, le stockage de l’hydrogène jouera très certainement un rôle décisif. En raison de la forte variabilité de la production d’énergie éolienne et solaire, on assiste à un phénomène alternatif de surproduction et de sous-production observable suivant la période de la journée et de l’année. Cette variation doit être compensée par des capacités de stockage additionnelles. Les agriculteurs peuvent jouer un rôle crucial dans la localisation des parcs de stockage de batteries en raison de leur proximité aux nœuds stratégiques du réseau électrique.
- Prof. Dr. Bernhard Bauer (Université Weihenstephan-Triesdorf)
La préservation du taux de protéine dans les céréales nécessite une stratégie de fertilisation réfléchie qui va bien au-delà des apports azotés. Le Prof. Dr. Bauer a mis en lumière le rôle des oligoéléments tels que le soufre, le potassium, le zinc, le manganèse et le molybdène dans la synthèse des protéines, en complément de la fertilisation azotée. Le soufre (S) est essentiel à la formation des acides aminés soufrés. La disponibilité des apports de soufre est limitée si le pH du sol est trop élevé. Le potassium (K) et le magnésium (Mg) influent sur la capacité de la plante à réaliser la photosynthèse et à transformer les acides aminés en protéine. En cas de carence, la plante produit des acides aminés qui ne pourront pas être transformés en protéines. Une carence en zinc (Zn) peut induire un enrichissement des acides aminés libres au lieu que ces derniers ne soient synthétisés en protéines. Le manganèse (Mn) participe à la photosynthèse tandis que le molybdène (Mo) est nécessaire à la transformation du nitrate en ammonium et donc indispensable pour l’assimilation de l’azote dans la plante. Les carences en molybdènes sont courantes dans les sols légers et bien drainés en raison du risque important de lessivage. L’apport trop important de soufre peut par ailleurs entraver l’absorption de molybdène.
Lors du remplissage des grains, les protéines sont stockées avant que l’accumulation d’amidon ne prédomine et que la teneur en protéine ne se dilue. Une remobilisation ultérieure de l’azote dans les feuilles vers les grains peut permettre d’améliorer la teneur en protéine. Un apport azoté trop tardif sous forme de nitrate tend à retarder ce processus. Selon le Prof. Dr. Bauer, seule une gestion globale de la couverture en nutriments peut permettre de sécuriser la teneur en protéine de la plante. Cela passe par une stratégie de fertilisation réfléchie et adaptée au regard des conditions pédologiques et météorologiques.
- Konstanze Fritzsch (acheteuse en céréales au sein des meuneries de Saale et Dresde)
« La protéine avant tout ? Écart entre les attentes clients et le cadre réglementaire régulant la commercialisation de céréales de qualité »
Les protéines ont un impact sur le processus de panification. Il existe aussi des problématiques liées à la modification des conditions de production agricole et des attentes des clients.
En Allemagne, la filière meunière travaille de concert avec les céréaliers. Contrairement à certaines meuneries orientées sur des stratégies d’importation de leurs matières premières, les meuneries de Saale et Dresde achètent directement les céréales via des partenariats directs avec les agriculteurs locaux. Avec la baisse de la teneur en protéine constatée ces dernières années, l’achat de blé répondant aux standards de qualité devient de plus en plus difficile. Si les biscuits et les gaufres sont fabriqués à partir d’une farine à faible teneur en protéine, il en est autrement pour les pains de mie, les croissants ou les pâtes à pizza dont la production implique une teneur élevée en protéine et en gluten. Les clients exigent un niveau constant de qualité, indépendamment de la variabilité des récoltes. Parallèlement, la demande de produits sans résidus de pesticides et fabriqués à partir d’ingrédients produits localement dans le respect de l’environnement augmente.
Les variétés de blé affichent des différences concernant la teneur en protéine. Suivant la variété, l’intensification de la fertilisation n’est pas automatiquement corrélée à de meilleures propriétés de panification.
Le suivi qualité pour chaque variété est également problématique. Cela s’explique par la diversité des acteurs au sein de la filière de production : les grandes exploitations situées à l’Est de l’Allemagne sont dimensionnées pour travailler suivant des standards bien définis, ce qui est moins évident pour les exploitations de plus petites tailles du Sud de l’Allemagne.
La fourniture de céréales de première qualité et la performance de l’agriculture passent nécessairement par un partenariat étroit entre les agriculteurs, les négociants et les meuneries.
- Philipp Schilling (Agrarmarktpodcast)
Le marché des céréales évolue sous l’effet de nombreux facteurs. Philipp Schilling, agriculteur, ancien négociant en céréales et analyste pour un podcast spécialisé sur le marché agricole, a décrypté les mécanismes qui régissent la formation des prix des céréales et les stratégies de commercialisation pouvant être adoptées par les agriculteurs. Les prix ne sont pas seulement déterminés par l’offre et la demande, mais également par les évolutions macroéconomiques, les événements géopolitiques et les spéculateurs sur les marchés à terme. Les fonds, en particulier, négocient souvent le blé en se basant uniquement sur les tendances du marché et les indicateurs macroéconomiques, sans tenir compte des flux commerciaux réels. De fait, les taux d’intérêt, l’inflation et les taux de change conditionnent directement le prix des céréales.
Cycle de conférence à Sehnde (Allemagne)
La conférence HORSCH s’est déroulée pour la première fois à Sehnde.
- Eva Therhaag (Institut Julius-Kühn à Dossenheim)
Le syndrome des basses richesses (SBR) et les cicadelles vectrices de la maladie représentent une menace réelle pour les producteurs de betteraves sucrières et de pommes de terre, notamment dans les régions du sud de l’Allemagne qui doivent faire face à des pertes considérables de rendement. En betterave, les cultures infectées montrent des déformations et un flétrissement tandis que les plants de pomme de terre sont affaiblis et les tubercules se conservent moins bien. La cicadelle est considérée comme le vecteur principal du SBR : un insecte piqueur-suceur qui porte la bactérie responsable du SBR et la dissémine d’une plante à l’autre. Dans son exposé dédié à l’état de l’art du SBR, Eva Therhaag, scientifique à l’Institut Julius-Kühn a souligné que l’expansion du stolbur phytoplasma est désormais confirmée à l’échelle mondiale. Les grandes cultures mais également les plantes sauvages forment un réservoir pour cette bactérie. Le syndrome des basses richesses (SBR) a été décrit en 1991 en Bourgogne et est souvent corrélé à des infections bactériennes. Le mode de vie de la cicadelle complexifie la situation : les œufs de cicadelle sont déposés dans le sol afin que les larves puissent y hiverner. La lutte directe est d’autant plus difficile qu’une fois infectée la cicadelle est capable de transmettre la maladie à la génération suivante.
- Dr. Rolf Peters (PotatoConsult UG)
L’année 2024 n’a pas été un long fleuve tranquille pour les producteurs de pomme de terre : en raison des conditions humides, la plantation a accusé du retard, le travail du sol a été rendu difficile, entraînant une hausse des coûts. Dans son exposé, Dr. Rolf Peters de PotatoConsult UG a tiré les leçons de 2024 et partagé des recommandations pour la prochaine campagne. Le prix élevé des plants de pommes de terre en 2024 s’explique par la réduction des surfaces cultivées et le durcissement des contrôles qualité. De plus, de fortes attaques de pucerons ont provoqué des infections virales, ce qui a entraîné l’exclusion de certains lots.
Peters a insisté sur la nécessité de respecter des conditions optimales de sol pour la plantation, au détriment du calendrier. Les sols compactés entravent directement l’enracinement du plant, sa capacité à couvrir ses besoins nutritifs et in fine le potentiel de rendement. La compaction des sols a pu être corrélée directement au niveau de rendement. Là où le poids des engins étaient trop importants ou la pression des pneus inadaptée, des pertes considérables de rendement ont été enregistrées.
- Ferenc Kornis (N.U. Agrar GmbH)
La stabilité de la teneur en protéine devient de plus en plus difficile à maintenir pour les producteurs de blé. Ferenc Kornis, dirigeant et consultant agronomique au sein de N.U. Agrar a mis en perspective des voies possibles pour sécuriser la teneur en protéine en blé, en considérant l’impact de la directive de fertilisation, des contraintes météorologiques et de la disponibilité des nutriments.
Il faut revenir à la couverture optimale des besoins nutritifs de la plante. Le soufre augmente la mobilisation de l’azote et la synthèse des protéines. Les essais montrent que l’apport ciblée de soufre permet non seulement d’augmenter la teneur en protéine mais également le rendement. Le potassium est également essentiel car il optimise l’absorption de l’eau et des nutriments et participe donc indirectement à la formation de protéines. Les carences en zinc peuvent réduire fortement la synthèse des protéines puisque le zinc est un composant essentiel des enzymes. Le molybdène est par ailleurs indispensable pour l’assimilation de l’azote dans la plante. Kornis recommande de réaliser des analyses régulières des sols et des cultures afin de pouvoir détecter et rééquilibrer rapidement les carences éventuelles. Les conditions météorologiques sont évidemment déterminantes, surtout dans les 14 jours suivant la floraison. Si cette période est caractérisée par un déficit d’ensoleillement, la teneur en protéine peut chuter jusqu’à 1,4%. La sécheresse ou les surplus de pluviométrie ont également un impact direct sur l’approvisionnement de la plante en nutriments et donc sur la synthèse de protéines.