L’association des anciens de la faculté d’agronomie dont je suis issue organisait une conférence pour faire le point sur les technologies de capture et de transformation du CO2. Dans le jargon des ingénieurs chimistes, dites CCU (CO2 Capture & Utilization).
Cette conférence rassemblait plusieurs intervenant décrits dans l’invitation à la conférence.
- Patricia Luis, professeur à l’école polytechnique de l’UCLouvain
- Damien Debecker, professeur à la faculté des bioingénieurs de l’UCLouvain
- Jan Mertens, directeur scientifique de la société de production d’électricité Engie et professeur invité à l’université Ugent
- Celia Sapart de l’association européenne CO2 Value Europe, un groupe de réflexion et d’action financé par les entreprises intéressées (Think and Do Tank), en résumé, un lobby ;-)
La conférence complète peut être revisionnée ici.
Les diaporamas des exposés sont ici.
Je vous résume ici les grandes lignes de cette conférence.
1ère intervenante : La professeure Patricia Luis Alconero
La professeure Patricia Luis Alconero travaille sur la capture du CO2 depuis de nombreuses années. Elle est ingénieure chimiste en « material and process » et donne cours à l’UCLouvain en Belgique.
"Le CO2 est une molécule merveilleuse, elle nourrit les plantes MAIS elle est très oxydée. Elle est au niveau maximum de l’oxydation du carbone. Vous ne pouvez pas revenir vers quelque chose de moins oxydé sans apporter de l’énergie. C’est ça le nœud du problème !"
Avant de poursuivre
Une réaction d’oxydoréduction ou réaction redox est une réaction chimique au cours de laquelle se produit un transfert d’électrons. L’espèce chimique qui capte les électrons est appelée « oxydant » et celle qui les cède, « réducteur ».
Dans le cas de la combustion d’une molécule organique, l’oxydant est l’oxygène. La réaction se fait dans le sens :
Hydrocarbure + Oxygène —> CO2 + H2O avec dégagement de chaleur. Le carbone contenu dans l’hydrocarbure est oxydé à son maximum, la molécule a perdu tous les électrons qu’elle pouvait perdre et s’est transformée en CO2, forme la plus oxydée qu’il soit. Il n’y a plus d’énergie à en tirer.
Retour à la conférence
L’ objectif : comment réduire la quantité d’énergie nécessaire pour ramener le CO2 à une forme mois oxydée.
1ère étape : le capturer. Puis une fois qu’on a du CO2 pur, on en fait ce que l’on veut : le séquestrer, le réutiliser.
Pour capturer le CO2, on utilise des colonnes et un liquide absorbant : le MEA (monoéthanolamine). Ce solvant doit être produit … Comment ? A partir d’ammoniac et d’oxyde d’éthylène, eux-mêmes produits à partir de méthane et d’éthylène. Tout cela requiert de l’énergie et génère des émissions directes et indirectes de CO2...
C’est à ce moment- là que je suis contente d’avoir choisi la branche ingénieur agronome, plutôt qu’ingénieur chimiste … C’est tellement plus simple dans la nature (question de point de vue bien sûr 😉)
L’exposé continue de la même manière (des flèches et des formules chimiques) en montrant finalement qu’il n’y a pas de baguette magique pour capturer le CO2.
Cette chercheuse et professeure en chimie n’est pas dupe et ne pratique pas la langue de bois. Elle remet les pendules à l’heure de certains fans d’innovations qui pensent qu’on va pouvoir continuer de vivre comme aujourd’hui et résoudre les problèmes grâce à la technologie.
Elle conclut : "même si on réussissait à capturer le CO2 sans relarguer de CO2 ou même si on réussissait un tel procédé en émettant moins de CO2 que la quantité capturée … nous n’aurions pas encore résolu le problème actuel du changement climatique !"
Pour ne pas terminer sur une note si pessimiste, elle projette sa vision : "les avancées technologiques ne sont pas une solution suffisante. Elles doivent être accompagnées d’une transformation sociale. On doit passer du concept (déjà nouveau) d’économie circulaire à celui de société circulaire."
2ème intervenant : Le professeur Damien Debecker
La suite dans un prochain article 😉
Mais déjà un petit avant goût avec une citation de Damien Debecker pour comprendre si on est vraiment occupé à transformer un déchet en carburant :
"Ce serait comme si j’avais inventé un procédé qui transforme des boues en jus de pomme mais sans trop insister sur le fait que pour cela je dois utiliser du Petrus de 20 ans d’âge…
Donc soyons honnêtes, appelons cela de la conversion de CO2 et pas du recyclage de CO2."