« Je ne trouve aucune contre-indication à l’ACS » - François Hirissou

François Hirissou a été, durant près de 40 ans, conseiller à la chambre d’agriculture de Dordogne. D’abord conseiller de gestion puis « de tourisme » avant d’être « monsieur vie du sol ». C’est dans ce troisième métier que TCS a fait sa connaissance il y a plusieurs années, notamment au travers du programme Mycoagra. A l’heure de la retraite, alors qu’il continue à œuvrer pour l’agroécologie, nous avons sollicité son point de vue sur l’ACS, les ACSistes et Mycoagra.

Le parcours de François Hirissou est à découvrir dans un encadré dans le pdf ci-joint.

Comment t’es-tu intéressé, pour la première fois, à l’agriculture de conservation des sols ?
François Hirissou : En 2007, le Périgord noir est passé en zone vulnérable avec toutes les contraintes que cela implique (plans de fumure, Cipan…) Avec une poignée d’agriculteurs innovants, avec lesquels j’avais déjà l’habitude de travailler, nous nous sommes dits que les couverts végétaux ne devaient pas rester avec un statut de contrainte mais au contraire, être un atout. Nous avons mis en place des expérimentations et cette progression que nous avons eu avec les couverts végétaux nous a permis de dérouler consciencieusement la bobine de l’agriculture de conservation des sols. Ce déroulé nous a permis de rencontrer des acteurs incontournables de l’ACS. Mais en tout premier lieu, ce fut un film qui a bouleversé nos consciences…

De quel film parles -tu ?
De « Gagnant sur tous les plans avec un sol vivant » réalisé par Stéphane Aissaoui. J’ai un souvenir très précis de la séance et de son après. Pour notre petit groupe, ce fut un véritable déclic. Ont suivi d’autres visionnages et surtout d’autres rencontres avec les premiers spécialistes de l’ACS. On n’arrêtait pas de prendre des notes !!! On a aussi travaillé avec des Cuma, ce qui nous a permis de progresser au niveau du matériel. On ne partait pas non plus de rien puisque quelques agriculteurs avaient déjà entamé la démarche. Ils ne demandaient qu’à être reconnus et surtout, épaulés. C’est ce qu’on a fait.

De quelle façon as-tu épaulé le développement de l’ACS en Dordogne ?
Nous avions la motivation, c’est certain mais sans finances, on ne peut pas aller très loin. Nous avons eu la chance d’être suivis par la chambre d’agriculture mais aussi par le conseil régional d’Aquitaine qui nous a fait bénéficier d’une enveloppe substantielle de 100 000 euros. Cet argent nous a permis d’investir dans du matériel de semis. On a pu démarrer des petits groupes de réflexion, sur le semis direct, le strip-till… Et simultanément, on a investit dans la connaissance du sol, nous permettant, là aussi, de partir à la rencontre de personnalités comme le professeur Hinsinger, comme Jean-Pierre Sarthou, ou encore le réseau Base. Mais j’en oublie ! On a aussi créé une antenne du réseau Base en Dordogne, en 2012-2013, avec le dynamisme de Hugues Demoulin. Aujourd’hui, on peut être fiers que le département soit le premier de Nouvelle Aquitaine sur le plan du développement de l’agroécologie. Mais nous n’avons pas oublié le côté social de la démarche et, par exemple, nous avons consulté des sociologues tels que Jean-Marc Meynard de l’INRAE. Cela m’a permis de déboucher sur une stratégie basée sur un tryptique.

Un tryptique pour développer l’ACS ?

Un tryptique qui, pour moi, a été déterminant :
- Savoir pour comprendre
- Savoir pour changer
- Savoir pour s’améliorer.

Comment vois-tu l’ACS aujourd’hui, pas seulement en Dordogne ? Quels conseils peux-tu donner ?
J’ai la chance d’avoir connu toutes les étapes de construction de l’ACS en France. D’abord le volet travail du sol puis les couverts végétaux et ainsi de suite. On connaît les étapes à franchir. Je pense que la fameuse période de transition, on peut la passer assez facilement et directement à partir du moment où on a un sol de qualité, un sol qui est prêt. Les intrants, on en a besoin mais avec une juste parcimonie. Pour prendre l’exemple du glyphosate, on arrive très bien aujourd’hui à n’utiliser qu’1 litre à 1,5 litre par hectare. Un sol en bonne santé est tout à fait capable de métaboliser ce faible volume. Je pense aussi que dans les 10 à 20 ans qui viennent, on aura trouvé des leviers, notamment variétal, de façon à mieux travailler avec la vie du sol. Car à mes yeux, ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est toucher au sol. Il faut privilégier la conservation du sol, quitte à recourir, en voie de secours, à des intrants. L’ACS, pour moi, est LA voie . Je n’y trouve aucune contre-indication. Le seul obstacle, c’est dans l’esprit ! Il y a aussi certaines filières qui n’ont pas encore compris l’enjeu. Si j’ai un seul conseil à donner, c’est de se rapprocher des réseaux existants et d’aller voir d’autres agriculteurs.

Tu as épaulé des agriculteurs, tu as participé au développement de l’ACS mais tu es aussi chasseur et amateur de champignons… Y a-t-il un fil conducteur ?
Je pense, oui. J’ai connu la campagne dans sa grande diversité des années 1970. Je l’ai aussi pratiqué, à cette époque, au travers de la chasse ou de la cueillette de champignons mais aussi à travers ma passion pour les oiseaux. J’en ai toujours gardé la nostalgie. Toutefois, j’ai retrouvé une part de cette diversité avec l’ACS, rien que dans la diversité de plantes intraparcellaire ; qu’on sait utile, par exemple, pour le petit gibier.

Tu as quitté la chambre d’agriculture depuis février de cette année. Nous doutons que tu quittes, comme cela, ta passion pour la vie du sol !
En effet, ce n’est pas envisageable. On m’a, par exemple, demandé de prendre l’animation avec mon ami Hervé Coves, d’une ancienne station de recherche en Corrèze. C’est l’association Arbre et Paysage 32 qui l’a reprise. L’objectif est de la réhabiliter en tant que station expérimentale. L’objectif va être de travailler sur des systèmes de culture qui résistent mieux à l’aridité ; ceci dans le cadre du changement climatique, bien sûr. Nous avons déjà planté des arbres fruitiers, de la vigne, des couverts végétaux etc. C’est un magnifique challenge.


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