Festival NLSD : anniversaire dans les Deux-Sèvres

Cécile Waligora et Frédéric Thomas, TCS n°49 - Septembre / octobre 2008

Le festival du non-labour et du semis direct a soufflé, cette année, ses dix bougies. Dix années de vadrouille, partout en France, d’un département à un autre, pour revenir aux sources, dans les Deux-Sèvres. Dix années de mérite, de convivialité et de qualité. Comme d’habitude, le chapiteau abritant les conférences était bourré à craquer. Six conférenciers ont tenu la tribune avec, dans leurs bagages, de l’information aussi bien locale qu’internationale sur l’agriculture de conservation. En voici un petit aperçu…

Pour aller plus loin : site du NLSD

Grégory Vrignaud : des Cipans aux systèmes de culture

Le département des Deux-Sèvres a été classé très tôt en zone vulnérable et en zone d’action complémentaire. « Nous avons commencé, un peu comme tout le monde, par implanter des Cipans, dans le but de piéger les nitrates », indique G. Vrignaud, conseiller en productions végétales à la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres. Cette dernière expérimente alors plusieurs espèces mais sans résultats vraiment concluants : faibles biomasses, attaques de ravageurs et manque de recul par rapport au semis et à la destruction. « Nous sommes donc rapidement passés non pas à une gestion d’une Cipan mais à une gestion d’une interculture, avec une autre dimension : celle de gérer un système de culture », explique le conseiller. Les premiers essais avant tournesol ont alors ouvert de meilleures perspectives  : les résultats obtenus sur la culture étaient moyens à, parfois, très bons. Des essais de destruction mécanique ont été réalisés, avec succès, offrant un nouvel avantage aux couverts végétaux dans des systèmes à bas niveau d’intrants. Mais il a fallu aller plus loin et la chambre a testé les mélanges de couverts avec l’introduction de légumineuses. Elle en est aujourd’hui à ce stade et les résultats sont plus qu’encourageants avec des rendements supérieurs en maïs précédé d’un couvert avec légumineuses. « Le tout est de trouver les espèces à développement précoce pour un semis le plus tôt possible », insiste G. Vrignaud. La dimension de ces travaux est également humaine car un groupe s’est formé sur le non-labour, partageant ses expériences. Et un suivi de parcelles sur 7 ans a été mis en place. La chambre part aussi sur d’autres projets comme la méthanisation. Un projet pas si éloigné de l’AC puisque l’objectif est notamment d’accéder à une plus grande autonomie vis-à-vis de l’azote.

Jean-Pierre Sarthou : l’importance de la biodiversité fonctionnelle

Avec JP. Sarthou, agro-écologue et entomologiste, nous avons abordé l’agro-écosystème et l’importance de sa biodiversité. « Nous nous focalisons trop sur les ravageurs. Or, et tous les travaux le montrent, ils ne représentent qu’un groupe minoritaire. Prenons l’exemple d’un puceron de 0,35 g. En 5 mois, celui-ci est capable de produire 500.109 individus, soit 250 tonnes de pucerons à lui tout seul. C’est effarant mais cela ne se produit jamais. Car il existe des facteurs limitants que sont l’alimentation, le climat et les ennemis naturels. » Le rôle de ces derniers est de stabiliser les écosystèmes. « Bien entendu, l’agriculteur ne peut pas compter uniquement sur l’aide des auxiliaires, insectes, bactéries, champignons, oiseaux et autres mammifères. Néanmoins, il est évident qu’il faut leur faciliter la tâche en leur apportant un environnement le plus favorable possible. Selon une étude suisse, neuf auxiliaires sur dix ont besoin de zones refuges en dehors des parcelles », indique l’agro-écologue, également agriculteur dans le Sud-Ouest. Et cet environnement passe par certains aménagements : haies, bandes enherbées, bordures boisées, mélanges culturaux, de couverts végétaux, mélanges floricoles, etc.

Bill Ritchie : non-labour, couvert, rotation et élevage

Venu de Nouvelle-Zélande, B. Ritchie est venu parler du système de semis direct Cross- Slot. Il a tenu à comparer les trois principaux systèmes de mise en terre de la graine, en semis direct : en V, en U et en T inversé (Cross-Slot). « Alors que les deux premiers occasionnent une certaine perte de l’humidité du sol au moment du semis, le T inversé ne le fait pas ou beaucoup moins », a-t-il expliqué. Mais il a également rappelé pourquoi il est si important de perturber le moins possible le sol : « tout simplement parce que toute perturbation engendre des pertes de matières organiques, favorise le développement des mauvaises herbes, occasionne de l’érosion et détruit la vie biologique du sol. Et puis, vous en conviendrez, une perturbation du sol n’est pas une chose naturelle ! » Il a insisté sur la nécessaire intégration, avec le non-travail du sol, des couverts végétaux en interculture, d’une rotation diversifiée et de l’élevage. Ce dernier élément est tout aussi important que les autres à ses yeux et des travaux se font dans ce sens en Nouvelle- Zélande avec, par exemple, une valorisation intéressante des couverts par les moutons (pâturage, fourrage, etc.).

Benoît Bon : un seul apport azoté bloqué

En TCS, la fertilisation azotée ne se raisonne pas de la même façon qu’en système traditionnel. C’est ce qu’explique Benoit Bon, associé de la structure SC2 Grandes Cultures qui officie du nord de la Vienne au nord de la Charente, en passant par l’Indre- et-Loire, l’Indre et le Cher. Il conseille même, lorsque cela s’y prête, un seul apport bloqué sur blé. Il s’appuie pour cela sur 18 essais menés par la société privée, entre 1999 et 2007. Ces essais montrent qu’avec un seul apport azoté bloqué, en général positionné au début de la décoloration des bandes, le blé offre un rendement supérieur (74,6 q/ha en moyenne pour l’apport unique contre 71,1 q/ha avec la modalité « deux apports tallage »). « Les parcelles montrent également un état sanitaire meilleur, avec moins de septoriose. Les parcelles avec apport unique apparaissent plus vertes », indique le conseiller. Pour la qualité, il semble que l’apport de fin de cycle soit encore, néanmoins, le bienvenu. Des résultats qui, malgré tout, interpellent et méritent confirmation en bien d’autres situations. Dans son intervention, B. Bon a également évoqué le désherbage. Il a insisté sur la nécessité de bien le gérer durant la phase transitoire. Mais il a aussi évoqué l’importance de la rotation dans la gestion des adventices voire d’autres pistes complémentaires, déjà expérimentées  : le semis de colza accompagné d’une autre espèce, par exemple.

Matthieu Archambeaud : séquences et intervalles dans la rotation

L’un des trois piliers de l’AC est la rotation. Mais il ne suffit pas d’avoir une succession simple de cultures. C’est plus complexe. Pour cela, M. Archambeaud, de la revue TCS et animateur du site www.agriculture- de-conservation.com, s’est notamment appuyé sur les travaux réalisés aux États-Unis par Dwayne Beck, chercheur et responsable du Dakota Lakes Research Farm. Une culture ne doit pas rester trop longtemps à la même place. Car avec elle se développe une flore et une faune associées, pas toujours désirables. S’il faut endiguer les « associations négatives », il faut aussi pouvoir développer celles plus positives, comme les légumineuses et leurs rhizobia. Le concept est aussi basé sur la diversité des séquences (succession de deux cultures) et des intervalles entre mêmes cultures. Une rotation maïs-maïs-blé-blé est ainsi toujours plus intéressante que maïs-blé-maïs-blé. Elle offre quatre séquences : blé-blé, maïs-maïs, blé-maïs et maïs-blé, ainsi qu’un intervalle qui peut aller jusqu’à deux ans. Il suffit parfois, pour résoudre un problème, d’intervertir deux cultures. Pourquoi ne pas changer un maïs par un tournesol ? Et, bien entendu, intégrer, en interculture, des couverts végétaux avec d’autres espèces. « L’arme fatale, c’est peut-être la rotation deux-deux. Exemple : pois-colza-blé-maïs ou blé, avec deux dicotylédones suivies de deux graminées. Le pois est un formidable précédent à colza, avec très peu de résidus et un effet « légumineuse  » qui peut s’étendre sur les céréales suivantes. Pas de risque de mycotoxines puisque le blé ne suit pas le maïs. Et une alternance positive sur les adventices entre cultures d’hiver et de printemps », indique M. Archambeaud.

Ademir Calegari : les couverts sont de formidables outils

Fort de son expérience de terrain au Brésil mais aussi dans plus d’une quarantaine de pays du monde, A. Calegari, qui navigue entre recherche et mise en pratique de l’AC dans des contextes pédoclimatiques très différents voire extrêmes, a encore une fois fortement insisté sur la place prédominante que peuvent avoir les couverts dans le développement et l’entretien de la fertilité des sols. Ayant étudié et participé à la sélection de plus de 140 plantes de couverture, il a ajouté : « ce sont de formidables outils pour structurer, comme le radis chinois, pour couvrir et limiter le salissement comme l’avoine (Strigosa), pour limiter les problèmes de nématodes comme la crotalaire ou produire et injecter de l’azote dans le sol comme les vesces et les pois et il existe dans la nature, encore une multitude de plantes avec des propriétés intéressantes à découvrir pour inscrire encore plus de diversité dans les rotations ». Au Brésil, l’un des principaux soucis sont les nématodes, beaucoup de recherches d’impact des couverts ont donc été conduites dans cette direction. Dans nos conditions, comme le souci le plus récurent est la limace, nous devons travailler et évaluer les plantes dans ce sens voire en rechercher des nouvelles éventuellement plus actives ou répulsives. À ce titre, il nous a signalé qu’une bande de luzerne autour des bâtiments d’élevage permettait de fortement diminuer la présente de mouches en entraînant la stérilité d’une partie de celles-ci : pourquoi ne pas essayer !

En complément et toujours concernant le domaine du végétal, A. Calegari a signalé que depuis 2 ans environ un tiers des chercheurs de son Institut public, l’un des premiers États agricole du Brésil (l’IAPAR), travaillait à inventorier et évaluer tout un tas de nouvelles plantes qu’il serait possible d’insérer dans les rotations à la place des couverts afin de produire de la biomasse et de l’énergie sans impact sur la production alimentaire, bien au contraire. Nous aurons donc assez rapidement encore des informations, des idées et peutêtre des plantes intéressantes à importer d’Amérique du Sud pour ouvrir nos rotations et surtout développer la seconde culture en lieu et place du couvert végétal.

Enfin, et au-delà de son intervention, lors des visites de terrain et rencontres chez des agriculteurs il a également insisté sur l’équilibre entre les éléments minéraux du sol et entre autres les oligo-éléments qui ont peut-être été un peu trop négligés dans notre recherche de meilleur équilibre biologique du sol. Par exemple, le soja est conduit systématiquement avec une localisation de cobalt et de molybdène au Brésil.


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