PRODUIRE DE L’AZOTE SUR L’EXPLOITATION !
Monsieur L, agriculteur sur des limons argileux, s’est lancé dans les TCS il y a une bonne dizaine d’années pour simplifier ses itinéraires et diminuer son temps de travail, avant de s’initier au semis direct non sans quelques déboires : « En effet en simplifiant au maximum mes assolements et mes interventions, j’ai connu quelques difficultés tout d’abord par méconnaissance de la vie du sol et de ses équilibres biologiques nécessaires pour pouvoir réussir par la suite en semis direct ».
En plus des problèmes de désherbage qui deviennent de plus en plus récurrents, se greffent des problèmes de structure notamment sur les plantes à pivot.
« Grâce aux formations proposées par la Chambre d’Agriculture, j’ai pu trouver d’autres voies pour faire évoluer mon système d’exploitation en recréant une rotation avec 6 cultures, ce qui m’a grandement aidé pour le désherbage, sans oublier bien évidemment l’introduction de couverts végétaux à base de légumineuses qui fixent de l’azote et qui me permettent ainsi de réduire la facture d’engrais ».
En effet non seulement les couverts végétaux permettent de capter la minéralisation d’automne (40 à 80 U d’azote selon source INRA), mais en plus quand il y a des légumineuses dans le mélange, nous en produisons d’autres.
« Au bout de quelques années, cela devient donc très intéressant d’un point économique comme d’un point agronomique avec des sols qui sont plus souples, beaucoup moins battants et qui retrouvent une certaine fertilité surtout avec un printemps sec comme 2011, car l’azote organique est toujours plus facile à assimiler par les plantes que l’azote minéral ».
Les couverts végétaux notamment à base de légumineuses sont un moyen de redonner de la fertilité aux sols. Ils servent également d’activateurs biologiques intéressants pour ceux qui souhaitent se lancer dans le semis direct.
DES COUVERTS POUR QUELS OBJECTIFS ?
Fixer l’azote et les éléments minéraux est le premier objectif d’un couvert. La fixation permet de retenir l’azote nitrique et de le remettre à disposition pour les cultures suivantes. La quantité fixée (azote et autres éléments) est fonction de la biomasse produite.
Dans les sols fragiles, un deuxième objectif est la protection des sols contre l’érosion et la battance et d’une manière générale la « déstructuration » qui gênent les implantations, le développement des racines et la bonne assimilation des éléments minéraux. Enfin les couverts ont un effet positif sur la faune du sol, ils ont un rôle de protection, d’alimentation pour les insectes pollinisateurs. En augmentant la porosité du sol, ils favorisent la rétention et la circulation de l’eau.
IMPLANTATION DES COUVERTS : QUAND ET COMMENT ?
L’implantation doit être
soignée quelle que soit la
parcelle. Trois grands types
d’implantation sont possibles :
– l’implantation après la
récolte paraît la plus
sécurisante parce qu’on peut
l’adapter à ses sols. Il est
possible dans ce cas de choisir
l’implantation (travail du sol ou
semis en direct) en fonction du
couvert choisi, de l’état de la
paille et des résidus présents
sur le sol.
– le semis après la récolte
peut aussi être décalé en
fonction de la propreté et de la
quantité de mauvaises herbes.
Si le semis décalé peut avoir
l’inconvénient de réduire la
production de biomasse, il
permet de réaliser un ou
plusieurs faux semis pour
limiter l’enherbement.
– en même temps que la
récolte, sous la coupe de la
moissonneuse (ou juste avant
la récolte), ce procédé est en
général réservé aux petites
graines comme le trèfle ou le
sarrasin. Elles lèvent
facilement à la surface du sol
sans être enfouies et à
condition de recevoir quelques
millimètres de pluie. La graine
se trouve entre le sol et la
paille, c’est une technique
simple et peu coûteuse, mais
qui peut s’avérer aléatoire en
l’absence de pluie. En 2010 à
St-Paterne, on note 30 % de
levée en moins par rapport au
semis direct après moisson.
QUELLE ESPÈCE ?
Historiquement, la moutarde, l’avoine ont souvent occupé une place privilégiée dans les semis de couverts. Explication : l’avoine est un des couverts les moins chers, facile à produire et peu exigeant, la moutarde quant à elle permet de produire en général un bon tonnage sans grandes difficultés, quelle que soit la date de semis. Elle laisse en outre peu de place aux mauvaises herbes, mais a l’inconvénient de bloquer des éléments pour les cultures suivantes.
D’un point de vue pratique, il paraît nécessaire de choisir une espèce peu (ou pas) cultivée sur les parcelles concernées. C’est un argument qui milite en faveur d’espèces comme la phacélie.
Les mélanges de couverts
apparus depuis quelques
années, s’avèrent plus
intéressants agronomiquement
que les mélanges mono-espèces.
Ces cocktails
(souvent avec une
légumineuse) ne manquent
pas d’argument s pour
optimiser leur efficacité :
– le mélange d’espèces est
un atout vis-à-vis des aléas
climatiques (levée plus facile
pour certaines plantes), des
ravageurs (limaces, pucerons)
ou des résidus d’herbicides. En
effet, dans le cas de mélanges,
il y a toujours une espèce qui
va lever quelle que soit
l’année.
– chaque système
racinaire explore différemment
les horizons du sol et
deviennent complémentaires
et permettent de produire un
maximum de biomasse.
– le mélange peut être
une solution pour gérer le
salissement, une plante
comme la cameline qui
s’implante très vite laisse peu
de place aux éventuelles
adventices.
COMMENT DÉTRUIRE LES COUVERTS ?
Dans beaucoup de cas, il semble que la destruction en début d’hiver soit le meilleur moyen pour éviter les scénarios « délicats » pour l’implantation de la culture suivante. En effet une destruction de printemps rend parfois difficile la reprise des sols, peut favoriser le développement des limaces ou provoquer des « faims d’azote » sur la culture de printemps.
Par ailleurs à l’entrée de l’hiver, sous nos climats, la quantité de biomasse produite n’augmente plus. Le couvert détruit garde ses propriétés de protection pour les sols les plus fragiles, limite l’érosion et le lessivage de l’azote. Le glyphosate est le moyen le plus utilisé, son spectre d’activité permet de contrôler la majorité des intercultures ainsi que les repousses ou les adventices.
Cependant d’autres solutions existent. Parmi elles, le broyage n’a pas d’incidence sur l’IFT, mais oblige à utiliser le tracteur avec des passages rapprochés et génère des tassements à des périodes où la portance n’est pas toujours bonne.
Le roulage est un mode de destruction qui se développe. Il donne des résultats intéressants sur sol gelé, mais suppose d’être très opportuniste en intervenant le jour même du gel.
L’écrasement par le rouleau améliore la sensibilité au gel en éclatant les tiges. La combinaison roulage + destruction chimique permet aussi de diminuer la dose de glyphosate.
L’utilisation de plantes gélives est aussi une piste intéressante : le moha, le millet sont des graminées estivales qui peuvent être intégrées dans les mélanges. Ces plantes doivent être semées tôt car elles sont sensibles au photopériodisme (réduction de la production en jours courts), mais elles présentent l’avantage d’être détruites au premier gel. En mélange avec du trèfle d’Alexandrie, elles peuvent fournir un fourrage intéressant.
DES COUVERTS POUR RÉDUIRE LE SALISSEMENT ?
Par la place qu’ils occupent au
niveau du sol et des effets
alléllopathiques dans certains
cas, les couverts peuvent
s’inscrire dans une démarche
de réduction du salissement.
Pour cela, ils doivent être
semés dès la moisson voire
avant. Pour profiter de cette
couverture du sol et ne pas
remettre en germination des
adventices, l’idéal vise à
travailler le sol le moins
possible pour implanter la
culture suivante. C’est la
démarche entreprise cette
année sur la plate-forme de St
– Paterne-Racan.
Un colza a été implanté dans un couvert semé fin juillet avec un semoir combiné à un strip-till qui ne travaille qu’une bande au niveau de la raie de semis. Le couvert à base de plantes gélives (sarrasin, pois et lin de printemps), bien implanté au moment du semis de colza, a ensuite disparu durant l’hiver. Il a permis de réduire le salissement de 60 % par rapport à un semis sur chaume nu. Une implantation de couvert en même temps que le colza n’est pas apparue aussi efficace.
Toutefois le semis tardif du colza (9 septembre) a rendu la concurrence plus délicate avec un couvert prêt à se développer au retour des pluies. Les risques de limaces et de mulots sont accrus. Le peuplement et la biomasse en sort ie d’hiver ne sont cependant pas différents du témoin sur chaume nu. Par contre, la biomasse et l’azote absorbé par le colza à G3 ont été réduits d’un quart.
Dans un autre dispositif, un semis d’orge d’hiver a été réalisé derrière un blé. Deux types de couvert avaient été implantés en interculture : un mélange multi-espèces (moutarde brune, tournesol, lin de printemps, sarrasin, pois de printemps, moha, féverole) et un mélange ternaire (cameline, sarrasin, féverole). A la mi-octobre, ils avaient produit entre 2.5 et 4 tms/ha.
Cinq modes de destruction du couvert ont été pratiqués : broyage, covercrop, glyphosate avant semis à 1 ou 2 litres et gel. L’orge est ensuite implantée en direct sauf derrière cover-crop et broyage où un combiné combiplow +herse rotative est utilisé.
Les effets constatés sur le
salissement dans la partie non
désherbée :
– On trouve plus de
graminées, en particulier du
ray-grass lorsque le sol a
été travaillé mais moins de
brome sauf dans la partie
cameline après broyage ;
Le mélange multi-espèces
a été plus efficace
que la cameline associée :
3 fois moins de repousses,
5 fois moins de brome ;
– 2 litres de glyphosate
sont plus efficaces qu’un
litre sur des couverts
développés ;
– globalement le couvert
multi-espèces détruit avec
2 litres de glyphosate
apparaît la modalité la plus
propre.
Cependant les risques liés aux mulots avec les couverts sont plus importants alors que la destruction par broyage évite tout dégât en supprimant leur abri. Les limaces bien qu’en nombre plus élevé dans le semis direct n’ont pas entraîné de dégâts.
Ces effets doivent être maintenant appréciés à plus long terme.