Corse : le semis direct pour limiter l’érosion des sols et restaurer les pâtures

Catherine Milou, TCS n°60 - novembre/décembre 2010

Sols superficiels et terrains pentus, il n’en faut guère plus pour rencontrer des problèmes conséquents d’érosion, accentués encore par l’emploi du labour. S’y greffent en plus une productivité fourragère souvent chaotique, au gré d’un climat caractérisé par une sécheresse estivale prolongée, accompagnée des risques d’incendies inhérents aux zones de maquis non exploitées.

Voilà des inconvénients majeurs pour des systèmes exclusivement basés sur la pâture ! Face à ces problématiques, l’Office de l’environnement de la Corse a expérimenté et vulgarisé le semis direct, une technique qui fait de plus en plus d’émules chez les éleveurs de cette région.

La Corse est une île toute en reliefs, avec des terres qui s’échelonnent du niveau de la mer à plus de 2 700 mètres d’altitude. Les sols de coteaux sont séchants, peu profonds, régulièrement caillouteux, et la sécheresse sévit âprement durant tout l’été. « La Corse est une montagne dans la mer, soit beaucoup de zones pentues et un substrat fragile », résume Jean-Baptiste Casanova, chef du département « protection et valorisation des paysages agro-sylvo-pastoraux » à l’Office de l’environnement de la Corse (OEC). « Le pâturage représente l’essentiel de l’alimentation des cheptels, avec des prairies permanentes, temporaires, et des parcours. Le labour est en définitive peu adapté à ces sols car il occasionne des remontées de pierres, de l’érosion… avec au final une baisse de la biodiversité. » Face à ces constats inquiétants, l’OEC s’est intéressé de près au semis direct, avec plusieurs autres objectifs à la clé. « Nous souhaitions aussi rendre possible l’implantation de prairies sur des zones récemment gagnées sur le maquis, et dans le cadre de la prévention des incendies, améliorer conjointement l’intégration paysagère et l’intérêt pastoral de certains ouvrages d’appui à la lutte. Une appropriation de ce projet de gestion par les éleveurs eux-mêmes nécessitait alors de vulgariser la technique du semis direct et de mettre à leur disposition du matériel adapté. » L’OEC opte pour l’achat de deux semoirs Aitchison, un semoir à soc choisi pour sa légèreté et sa maniabilité en zone montagneuse, ainsi que son prix attractif. « Il s’agit d’un semoir simple et qui passe partout, renchérit Denis Damiani, agent pastoraliste à l’OEC. Le semoir peut facilement transiter d’une microrégion à l’autre sur une simple remorque et être soulevé à l’aide d’une fourche de tracteur. » Il se comporte en outre très bien en conditions sèches (bonne rentrée). Pour encourager le développement du semis direct, l’OEC met à disposition un semoir par département, assure le suivi de sites pilotes (implantation, biomasse produite, évolution de la flore…), et préconise l’achat collectif de ce type de semoirs. « Le changement de pratiques et l’investissement que cela occasionne chez des éleveurs souvent déjà équipés de cover crop, herses, charrues, est un des freins à la généralisation de cette technique, déplore J.-B. Casanova. Mais nous mettons en avant les nombreux avantages permis par le semis direct : gain de temps, technique adaptée aux pentes et aux sols superficiels, possibilité de réaliser des regarnis de prairies, et surtout, diminution notable des coûts d’implantation et des problèmes liés à l’érosion ou au tassement des sols. » L’Office de l’environnement a testé avec succès le semis direct depuis plusieurs années, et insiste sur les bons résultats obtenus, même sans l’emploi d’herbicide préalable. Des mesures agri-environnementales spécifiques à la Corse sont même mises en place depuis 2008 dans cette région, et certaines d’entre elles intègrent le semis direct dans les itinéraires techniques recommandés.

Trouver des variétés adaptées à la pâture et à la sécheresse En amont de leurs actions de vulgarisation du semis direct, les agents pastoralistes s’étaient déjà impliqués pour trouver des variétés fourragères adaptées à la Corse. « Le premier objectif était d’avoir une meilleure production d’herbe en hiver pour la pâture, explique D. Damiani. Le deuxième était de pouvoir disposer d’espèces plus pérennes, capables de résister à une période de sécheresse qui peut s’étendre de mai à septembre.

C’est un prérequis essentiel car tous les éleveurs ne disposent pas d’irrigation. Nous nous sommes donc tournés vers des variétés méditerranéennes, produites en Australie mais distribuées par l’Italie. Nous avons ensuite testé des associations et des mélanges multi- espèces davantage capables de se développer et d’assurer une production de qualité en milieux difficiles et avec peu d’intrants. » « Nous avons ainsi beaucoup expérimenté les ray-grass italiens (RGI) et les dactyles pour les graminées, les trèfles souterrain et incarnat, et la luzerne pour les légumineuses  », ajoute J.-B. Casanova.

Les associations RGI Elunaria + trèfle incarnat Contéa ou RGI Téanna + trèfle souterrain Antas, dactyle Currie + trèfle souterrain Clare ou dactyle Medly + luzerne Lodi ont ainsi pu être validées. « Le RGI ne dure qu’un an, mais il peut être réintroduit chaque année par semis direct, explique J.-B. Casanova. Quant au trèfle souterrain, il s’autoressème naturellement sur au moins trois campagnes s’il est bien conduit. »


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