Coin des lecteurs du TCS n°61

Frédéric Thomas, Victor Leforestier, TCS n°61 - janvier/février 2011

LA PUISSANCE COÛTE CHER

Le transport fait partie des activités les plus consommatrices de carburant dans les fermes. Le rayon d’action des tracteurs s’est progressivement agrandi autour des sites d’exploitations, et la consommation de carburant due au transport routier est devenue importante. Fumier, grain, paille, le transport des matières représente 39 % du temps de déplacements et jusqu’à 2 500 km par an.

Le réseau Cuma Ouest a mesuré la consommation de deux attelages différents. Chaque tracteur tirait une remorque de 21 t de grain à 27 km/h. Dans cet essai, les tracteurs étaient lestés d’une masse de 900 kg, voici leurs consommations :

Avec lestage Sans lestage
126 ch 50 l/100 km 47 l/100 km
149 ch 50 l/100 km 48 l/100 km
Écart + 5,3 % (+ 0,67 l/h)

On voit ici que la puissance et le lestage « de confort » coûtent cher. Pour le même travail, 23 ch de plus c’est 1 l par heure de consommation en plus.

En comparaison, un semi-remorque consommera autour de 35 l/100 km, alors qu’un camion équipé « Ampliroll » consommera autour de 70 l/100 km.

Le transport par camion nécessite de faire appel à un service extérieur, mais il doit être évalué dans une approche globale de logistique de chantier. Certains négoces proposent par exemple un service de ramassage avec des caissons, libérant ainsi une personne qui devient disponible pour les déchaumages ou le semis de couverts.

Les attelages agricoles ne sont pas spécifiquement destinés au transport routier, et bien souvent les équipements entre route et champs sont opposés. Cantonner les tracteurs aux champs permet de les équiper pour respecter au mieux les sols : lestage, pneumatiques, pressions de gonflages. Pour une agriculture plus respectueuse de ses sols et plus efficiente en énergie, il peut être intéressant de réfléchir à de nouvelles formes de transport et de chaînes logistiques : porte-caisson, transbordeurs, télégonflage…

RÉFLEXION ET OPPORTUNITÉ D’UNE SECONDE CULTURE

Aux États-Unis, l’augmentation du prix des céréales et notamment du blé donne de nouvelles idées aux no-tillers (SDistes) locaux. Alors que beaucoup préféraient produire du soja plus rentable que des céréales d’hiver, ils ont implanté du blé cet automne, à la place de seigles ou de ray-grass, communément utilisés comme couvert végétal. L’objectif est de récolter celui-ci et de semer directement un soja en seconde culture. Bien que cette orientation comporte plus de risques, d’investissement et de travail, avec une réduction moyenne du rendement du soja de 20 % (3,5 t/ha contre 4,4 t/ha normalement), elle permet de dégager un revenu net supérieur grâce à une récolte globale plus importante qui dilue une partie des charges fixes et liées au foncier.

Greg Halich, un spécialiste gestion de l’université du Kentucky, a calculé que le résultat net annuel, selon les prix actuels des céréales et des intrants, peut atteindre 410 euros/ha avec la double culture, contre seulement 140 euros/ha avec une culture de soja unique. Ce qui représente 270 euros/ha de différence. Vu sous un autre angle, il estime que le rendement du soja en seconde culture peut perdre jusqu’à 2 t de rendement supplémentaire soit descendre à 1,5 t/ha avant que la stratégie ne soit plus vraiment rentable. G. Halich a également regardé l’impact économique de cette orientation dans un secteur où la monoculture de maïs est le standard avec des rendements moyens de 11 t/ha. Là encore, le scénario blé-soja sort plus profitable de 73 euros/ ha sans compter les avantages agronomiques liés à l’ouverture de la rotation.

En complément, un agronome de l’université d’Ohio, Jim Beurlein, signale que les dix à douze semaines de période de croissance potentielle qui subsistent après un blé sont suffisantes pour un second soja, mais que tout retard dans l’implantation pèsera sur le rendement. Il estime cette pénalité à 1 q/jour de décalage de semis. Ainsi, il recommande de semer en direct le soja le jour de la récolte du blé voire éventuellement de récolter le blé à 18-20 % d’humidité afin de gagner trois à cinq jours supplémentaires qui peuvent être cruciaux.

Enfin, puisque les sojas semés plus tardivement commencent à fleurir environ trente jours après la levée, il suggère de légèrement augmenter la densité de semis afin de couvrir plus rapidement la parcelle pour mieux contrôler le salissement et limiter l’évaporation.

Même si ces orientations suivies massivement peuvent inverser l’offre et les tendances des marchés, ces réflexions et approches économiques réalisées outre-Atlantique sont tout aussi valables et pertinentes pour les TCSistes et SDistes en France. En 2011, plutôt que d’implanter un couvert, pourquoi ne pas implanter une seconde culture de soja, tournesol, millet, sarrasin ou autre dérobée afin de tirer parti de la hausse des cours et de valoriser encore mieux la simplification du travail du sol et un savoirfaire en matière d’implantation d’été. Enfin cette approche peut être une opportunité d’éventuellement ouvrir avec beaucoup moins de risques, certaines rotations trop exiguës ou pratiques de monoculture.

QUELLE ASSOCIATION POUR LA CULTURE DE POIS ?

Alors que l’association du colza avec d’autres plantes de service (entre autres des légumineuses) est maintenant une pratique validée avec des résultats plus qu’intéressants en matière d’économies, de désherbage, d’engrais voire d’insecticides, et à la clé, souvent, des gains de productivité, beaucoup d’autres cultures n’ont pas encore trouvé leur cortège de bonnes plantes accompagnatrices. Le pois, par exemple : si l’on sait l’associer depuis longtemps avec des graminées comme fourrage ou comme double récolte, on a du mal à trouver un bon couvert comme précédent. Pourquoi ne pas envisager d’autres associations, comme colza de printemps ou moutarde-pois : des combinaisons où la culture trouverait un tuteur de choix avec une grande facilité de battage et de triage après récolte ? Culture qui ne couvre pas assez vite le terrain, il serait aussi judicieux de l’associer avec une avoine ou un seigle qui serait éliminé plus tard une fois la culture bien installée, avec un antigraminées. Outre le fait de piéger l’azote disponible dans le profil et de limiter le démarrage et le développement du salissement avant que le pois ne couvre le sol, cette solution est peut-être le moyen de limiter le risque limaces, surtout avec le seigle qui est généralement préféré comme source d’alimentation par les « baveuses ». Enfin, cette approche est certainement encore plus intéressante pour les implantations d’automne, les rendant encore plus économiques, notamment derrière maïs grain, en apportant une meilleure couverture et une meilleure gestion du salissement pendant l’hiver, tout en supprimant l’implantation et la destruction d’un couvert souvent minable au printemps.


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