Avec l’approche de la grande messe de ce monde qui se penchera sur l’avenir de la planète en décembre prochain à Paris, on ressent une grande effervescence autour du carbone et de l’agriculture. Chacun publie ses chiffres, ses bilans et tente de démontrer qu’il contribue, à son niveau, à limiter les émissions et donc réduire les risques de changement climatique. Sans être opposé à de telles rencontres qui sont certainement utiles, il faut cependant saluer la débauche de temps et d’énergie pour des avancées qui seront certainement et encore une fois trop modestes par rapport à la gravité et l’urgence de la situation.
Pour ce qui est de l’état des lieux, c’est certainement Bruno Parmentier qui, avec son article « Agriculture, alimentation et réchauffement climatiques » résume assez bien la situation. L’agriculture est bien triplement concernée en tant que :
– Victime : c’est une des activités humaines qui va le plus souffrir des effets du réchauffement, lequel compromettra gravement son développement en France mais aussi et surtout dans de nombreuses régions fragiles du monde.
– Cause : elle est un des acteurs majeurs de ce réchauffement car elle émet à elle seule entre 20 et 25 % des gaz à effet de serre d’origine humaine.
– Solution : elle cultive l’un des seuls outils disponibles pour contribuer à résoudre le problème : la photosynthèse. C’est le moyen le plus efficace, écologique et rapide de fixer du gaz carbonique dans les arbres, la végétation et le sol. C’est aussi une chance qui peut permettre de présenter l’agriculture, si facilement décriée, comme une activité positive au niveau de l’environnement.
Même s’il est hasardeux d’annoncer des chiffres globaux d’émissions et/ou de séquestration de carbone pour l’ensemble de la planète, vu l’immensité des superficies et des systèmes, cet état des lieux apporte cependant une idée assez claire de la situation et ouvre sur les pistes envisageables.
Il est cependant dommage de se retrouver en 2015 pour tenter de trouver des solutions au réchauffement climatique alors que ça fait plus de 20 ans que les premières sonnettes d’alarme ont été tirées. Dommage qu’il faille attendre autant de temps pour que les responsables politiques mais aussi la majorité de nos concitoyens voient clair et commencent à changer pour de vrai et se posent même encore des questions sur des solutions simples et évidentes. A ce titre, je souhaiterai renvoyer tous ceux qui doutent encore de la capacité de l’agriculture à apporter des solutions vers un CD-Rrom que nous avons publié en 2004 avec Matthieu Archambeaud. Nous avions osé l’appeler « Agriculture du Carbone » http://agroboutique.com/fr/agroecologie-catalogue/44-agriculture-du-carbone.htmlIl n’a pas pris une ride en plus de 10 ans avec des information qui ont plus de 20 ans. Toujours pour éviter les excuses du style « oui mais on ne savait pas", je vous propose également de relire mon édito du TCS 23 de 2003 intitulé « L’agriculture du carbone : un projet innovant à porter ensemble ».
A l’époque, comme encore aujourd’hui, nous n’étions pas des visionnaires mais des acteurs bien ancrés sur le terrain, armés de bon sens et essayant de développer une approche cohérente. Bien sûr qu’il y a 15 ans, ces approches agronomiques n’étaient pas aussi évoluées qu’aujourd’hui ; bien sûr il existe encore des doutes et des moyens de faire encore mieux ; bien sûr changer n’est pas simple mais pourquoi encore attendre devant tant d’évidences ???
Enfin, il ne faudrait pas que cette COP 21 tourne à la « carbone partie » permettant à beaucoup de se dissimuler habilement derrière le CO2 et continuer d’impacter lourdement l’environnement et la planète. Il en est de même pour les solutions qui devront être proposées rapidement. La réduction des émissions ou la « séquestration » du carbone ne doit pas être la cible première mais la conséquence positive de mesures et d’orientations plus cohérentes et globales. C’est d’ailleurs pour cette raison que je me suis permis le point de vue et parallèle suivant dans le dernier TCS (84) « Nitrates et carbone même dérive ! »
C’est aussi pour cette raison que nous avons publié dans ce même TCS « l’eau, le sol, les plantes : une autre théorie du changement climatique » qui est issu d’une discrète étude de chercheurs slovaques publiée en 2007 (Water for the recovery of the climate). Pragmatique et plein de bon sens, elle renforce et appuie nos approches de couverture du sol et même d’agroforesterie et démontre que des solutions locales simples peuvent avoir des impacts rapides et facilement mesurables. Elle évite également de se laisser enfermer dans des théories trop simplistes et prouve l’ampleur de notre ignorance sur ces sujets.