Lundi 5 septembre 2022
Michel Lambotte

Électromécanicien à la retraite, Michel LAMBOTTE se voue à comprendre les rouages de la thermodynamique. Il écrit régulièrement sur le climat et son évolution. Fils d’agriculteur, il reste lié à l’agriculture et participe notamment à un jardin collectif où il tente de faire adopter les principes de l’AC.

ACS versus photovoltaïque

Le projet photovoltaïque

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Parcelle sur laquelle un projet d’implantation de panneaux photovoltaïques est en cours.

Près de chez moi, dans une ancienne zone militaire, un projet d’installation de cinq hectares de panneaux photovoltaïques est en train de se concrétiser sur une prairie aujourd’hui occupée par un agriculteur laitier.
Voici le projet :
https://www.notre-planete.info/actualites/2438-site_militaire_centrale_solaire
Cette tribune tente de développer un argumentaire qui démontre l’absurdité d’un tel projet face à la nécessité de développer l’agriculture de conservation des sols et voire même plus loin, l’agroforesterie.
Arrêtons d’araser la planète, aidons la à transpirer en reconstituant sa peau.

Quelques rappels

Au sein de notre biosphère, l’élément qui régit la plus importante quantité d’énergie est sans conteste l’évapotranspiration : plus de 80 % de l’énergie solaire est transformée en évapotranspiration.
L’énergie solaire se transforme en énergie latente à travers laquelle du végétal et de l’évapotranspiration est produit. Sans le végétal, l’énergie solaire se transformera en énergie sensible qui réchauffera l’atmosphère.
Comprendre l'importance de l'évapotranspirationL’énergie fossile consommée par l’homme est une toute petite fraction de l’énergie solaire transformée en chaleur latente par évapotranspiration qui est représentée par le cube bleu dans l’illustration ci-jointe.
L’évapotranspiration est souvent considérée comme de l’eau perdue pour l’agriculture. En réalité il n’en est rien, c’est elle qui ramène l’eau de l’océan et qui rafraîchi le climat. C’est ce qu’on appelle la pompe biotique.
J’ai écris sur le sujet dans mes précédents articles.

https://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.1060.7758&rep=rep1&type=pdf

Rendement de l’énergie photovoltaïque

La limite théorique du rendement d’un panneau photovoltaïque est de 31 %. Avec des panneaux solaires au silicium amorphe, le rendement est généralement compris entre 6 et 9 %, ce qui est assez faible. Les panneaux polycristallins ont un rendement situé entre 13 % et 18 %. C’est le type de panneau le plus couramment utilisé. Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est engie my power.
https://mypower.engie.fr/energie-solaire/conseils/rendement-panneau-solaire.html#:~:text=La%20limite%20thC3%A9orique%20du%20rendement,panneau%20le%20plus%20couramment%20utilis%C3%A9.
On peut augmenter le rendement par brouillard
https://www.bol.com/be/nl/p/augmentation-du-rendement-d-une-centrale-solaire-a-l-aide-d-un-systeme-de-refroidissement-par-brouillard/9300000057313049/ ?
Referrer=ADVNLPPcef19f00cdbf92970065bba51d000051917&utm_source=51917&utm_medium=Affiliates&utm_campaign=CPS&utm_content=txl
On peut résumer en étant généreux que 20 % de l’énergie solaire est transformée en électricité, le reste est transformé en quoi ? En énergie radiative qui réchauffe l’atmosphère.
Le remplacement des énergies fossiles par de l’énergie solaire photovoltaïque ou éolienne pour éviter les émissions de gaz à effet de serre est la posture qui intéresse ceux qui pensent que ce sont nos émissions de GES qui sont les responsables des extrêmes climatiques.
Par cette posture, ils négligent totalement le fait que la végétation est le régulateur du climat et que la principale dissipation d’énergie solaire se réalise par l’évapotranspiration.

Efficacité : photovoltaïque versus ACS

Le décors étant planté, en quoi l’ACS (Agriculture de Conservation des Sols) peut-elle être plus performante sur le plan environnemental que des panneaux photovoltaïques sur des prairies, mais surtout sur des parcelles agricoles en agriculture conventionnelle avec labour ?

Semis direct de haricots sur retour de soya, suivi d'un semis de seigle.
Semis direct de haricots sur retour de soya, suivi d’un semis de seigle.
PV sur terre agricole, les 20 % d'énergie solaire captés peuvent-ils dépasser tous les avantages de l'ACS ?
PV sur terre agricole, les 20 % d’énergie solaire captés peuvent-ils dépasser tous les avantages de l’ACS ?

Voici les chiffres de l’efficacité que l’agriculteur québécois Jocelyn Michon en agriculture de conservation depuis 25 ans sur 240 ha m’a communiqué.
Calculs de l’efficacité à partir de l’augmentation du taux de matières organiques et des économies en carburant par rapport à l’agriculture conventionnelle.
1 / Séquestration de1250 kg de CO2/ha/an par l’élévation du taux de matières organiques.
2/ Réduction de 250 kg de CO2 par ha/an par économie de carburant.
3/ Pour donner une idée, l’économie en carburant réalisée par l’entreprise était l’équivalent de la consommation de 14 petites voitures diesel qui font 20000 km/an chacune.
4/ La production de maïs de 394 kg de maïs produit par litre de carburant consommé alors que la moyenne est de 129kg.
5/ 70% plus de maïs par unité d’azote appliqué, tout en maintenant des rendements de 12% plus élevés que la moyenne du secteur.
6/ Absence de fongicide et d’insecticide sur le maïs et soya en croissance.
7/ Parc de machinerie étant plus petit, économie de $600000.
8/ Un passage d’herbicide sur ces deux cultures en période de croissance.
Au travers de ces chiffres, on voit que l’ACS participe à la diminution des GES.
Il est très difficile de présenter les chiffres de l’efficacité du photovoltaïque ne les ayant pas en ma possession. Au-delà du rendement de 20 %, il faut aussi tenir compte de l’empreinte carbone des matériaux utilisés, de la fabrication, du montage et de l’entretien.
Il serait aussi intéressant de réaliser des mesures de température au dessus des panneaux solaires photovoltaïques et comparer par rapport au champ couvert de plantes en croissance, notamment de maïs tant décrié.
L’installation de panneaux photovoltaïques participe également à la perte de biodiversité (notamment par la perte d’habitat) alors que des progrès dans l’ACS, que des agriculteurs ne manqueront pas de réaliser (surtout si on les aide), apportera plus de biodiversité à l’agriculture et par la même, à la société.

Conclusions

Ce qui est absurde est le fait que ces panneaux installés sur des terres agricoles participent à l’élévation de température de l’atmosphère par radiations sensibles alors qu’on sait que les plantes en croissance rafraîchissent l’atmosphère.
Les 20 % de production d’énergie électrique devraient réduire le réchauffement climatique, et par rapport au développement de l’ACS, c’est l’inverse qui se produit.
Il n’est pas question de négliger la diminution nécessaire des émissions de gaz à effet de serre, mais il faut bien admettre que le développement de l’ACS est beaucoup plus avantageux sur des terres agricoles que l’installation de PV.
Par ailleurs, il devient de plus en plus clair que l’activité de végétalisation entraînera la création de qualités humaines susceptibles de générer la diminution des GES, l’inverse n’étant pas vrai. Les résultats de l’agriculteur Jocelyn Michon le prouvent.
La place des PV étant bien entendu sur des zones déjà urbanisées, mais dans ces zones, il est de plus en plus question d’y planter des arbres.
Pour ma part, j’ai l’intuition que, vu la sécheresse récurrente en Europe, dans cinq ans, on parlera moins des GES mais plus de la manière dont on va pouvoir revégétaliser le mieux possible, aussi bien les zones urbaines que les zones agricoles.