Laurent SERTEYN

  • Effet du travail du sol sur les ravageurs et les auxiliaires
  • Fig 1. Bande de couvert non détruite au sein de la parcelle : refuge pour les auxiliaires
  • Abondance et richesse spécifique en abeilles et syrphes
  • Figure 2
3
janvier
2022

Des bandes de couvert non détruites comme refuges pour les auxiliaires

L’association culturale pour augmenter la diversité végétale et promouvoir la présence d’insectes auxiliaires au sein de la parcelle peut souvent s’avérer contraignante : difficulté de mise en œuvre, compétition avec la culture principale, coût élevé...

Fig 1. Bande de couvert non détruite au sein de la parcelle : refuge pour les auxiliaires
Fig 1. Bande de couvert non détruite au sein de la parcelle : refuge pour les auxiliaires

En France, dans la région Rhône-Alpes, des chercheurs ont alors imaginé de préserver une bande de couvert d’interculture au centre de parcelles de maïs et connectée à la bordure enherbée. Le couvert était constitué d’un mélange d’espèces gélives (phacélie et moutarde) et non gélives (seigle et trèfle incarnat). Ces dernières couvriront donc efficacement le sol au printemps (Fig. 1). Pendant la saison, la diversité et l’activité d’Arthropodes du sol ont été évaluées, dans les aménagements et dans la parcelle à différentes distances de la bande.
Des milliers de carabes, araignées, staphylins et opilions ont été recensés dans une douzaine de parcelles ainsi aménagées ! La bande de couvert s’est avérée héberger bien d’avantage de ces Arthropodes que le reste de la parcelle, témoignant de son rôle de réservoir d’auxiliaires. Si, dans la parcelle, il n’y a pas eu plus de ces auxiliaires dans les pièges à proximité de la bande par rapport aux pièges plus éloignés, un effet positif de la proximité de la bande sur l’activité de prédation a bien été observé (Fig. 2).

Fig 2. Activité de prédation en fonction de la distance par rapport à la bande de couvert, pour différents moments de la saison (noir : avant destruction, bleu : semis, vert : 4 feuilles, orange : 8 feuilles, gris : après récolte).
Fig 2. Activité de prédation en fonction de la distance par rapport à la bande de couvert, pour différents moments de la saison (noir : avant destruction, bleu : semis, vert : 4 feuilles, orange : 8 feuilles, gris : après récolte).

Ce qu’il faut retenir :
Les auxiliaires ont besoin de refuges au sein des parcelles pour remplir leur rôle de régulation des ravageurs (comme les limaces).
• Une bande de couvert non détruite peut se transformer en une bande fleurie à moindre coût et peu contraignante  ! Cette pratique peut s’adapter à de nombreux types de couverts hivernaux et de cultures de printemps.
• Pour une lutte biologique par conservation optimale, il est essentiel de combiner les pratiques et aménagements : bordures fleuries, bande de couvert non détruite, association culturale en plein champs…
Pour plus d’informations (article en anglais sur demande) : Triquet C., Roume A., Tolon V., Wezel A. & Ferrer A (2022) Undestroyed winter cover crop strip in maize fields supports ground-dwelling arthropods and predation. Agriculture, Ecosystems and Environment 326 : 107783. https://doi.org/10.1016/j.agee.2021.107783


3
juin
2021

Diversifier les couverts pour augmenter le stockage de carbone et la biomasse microbienne dans le sol

Une augmentation de la diversité des couverts rime-t-elle avec une augmentation de carbone dans le sol ? Quel serait alors l’impact sur les communautés microbiennes du sol ?
Des chercheurs allemands ont sélectionné 4 types de couverture de sol, variant selon leur diversité : aucun couvert ; 1 espèce (moutarde blanche) ; 4 espèces (moutarde blanche, phacélie, avoine brésilienne, trèfle d’Alexandrie) ; 12 espèces (radis chinois, cameline, phacélie, niger, tournesol, lin, sorgho, pois, trèfle incarnat, trèfle hybride, trèfle de Perse, vesce de Hongrie).
Ces différentes modalités de couvert ont été installées en petites parcelles d’1 are chacune, dans la région de Hanovre, entre blé d’hiver (dont les pailles ont été enfouies à l’aide d’une herse) et maïs.
Ils ont observé que, à biomasse aérienne similaire, la captation nette de carbone depuis l’atmosphère est multipliée par 2 dans le mélange 4 espèces et par 4 dans le mélange 12 espèces, par rapport à un couvert constitué de moutarde seule (Fig. 1).
L’augmentation d’apport de carbone que cela engendre au niveau de la rhizosphère impacte alors les microorganismes : la biomasse microbienne totale augmente, surtout pour les champignons (Fig. 2).

Figure 1
Figure 1
Flux de CO2 entre l’écosystème (plantes-sol-microorganismes) et l’atmosphère. Des valeurs négatives témoignent d’un prélèvement net par l’écosystème.
Figure 2
Figure 2
Abondance relative de champignons selon la diversité du couvert et la profondeur de sol.

Ce qu’il faut retenir :
- Diversification des couverts rime bien avec augmentation du carbone dans le sol, notamment en raison d’une augmentation de la biomasse racinaire.
- Ce carbone favorise le développement et la diversité des microorganismes du sol.
L’activité de ces microbes va permettre de stabiliser le carbone dans le sol, et donc de contribuer à sa séquestration.

Pour plus d’informations (article en anglais sur demande) : Gentsch N, Boy J, Batalla JDK, Heuermann D, von Wirén N, Schweneker D, Feuerstein U, Groß J, Bauer B, Reinhold-Hurek B, Hurek T, Céspedes FC & Guggenberger G (2020) Catch crop diversity increases rhizosphere carbon input and soil microbial biomass. Biology and Fertility of Soils 56 : 943-957. https://doi.org/10.1007/s00374-020-01475-8


30
mars
2021

Diversifier les parcelles pour offrir aux pollinisateurs le gîte et le couvert

Une étude comme on en voit peu ! Deux années d’échantillonnage poussé des pollinisateurs (syrphes et abeilles sauvages), une ferme de 40 ha au début de sa transition agroécologique en Condroz namurois, quatre types de parcelles (grande culture/maraîchage, prairie de fauche, verger hautes tiges pâturé, zone naturelle humide).
Abondance et richesse spécifique en abeilles et syrphes Qu’est-ce que ça donne ?... 2892 spécimens d’abeilles répartis dans 81 espèces, 660 spécimens de syrphes répartis dans 26 espèces et une étonnante variabilité entre parcelles pourtant proches les unes des autres !
Le verger, en raison de la pâture par les moutons et quelques talus présentant du sol nu, était idéal pour la nidification de nombreuses espèces d’abeilles (principalement terricoles). La fauche tardive de la prairie à proximité offre une abondance de ressources nutritives pour ce petit monde. La zone humide laissée à la nature en fond de vallée est propice à l’accueil de nombreuses espèces de syrphes, dont une partie va pondre à proximité des pucerons de la zone cultivée.
Ce qu’il faut retenir :
• La diversification des parcelles permet d’offrir aux insectes pollinisateurs à la fois des sites de nidification variés et des ressources nutritives abondantes.
• Même à petite échelle, des aménagements simples permettent d’atteindre une grande richesse d’espèces pollinisatrices : prairie en fauche tardive et/ou bandes fleuries, haies d’essences mellifères, zones naturelles à intérêt écologique…

Pour plus d’informations : Noël G, Bonnet J, Everaerts S, Danel A, Calderan A, de Liedekerke A, de Montpellier d’Annevoie C, Francis F, Serteyn L. 2021. Distribution of wild bee (Hymenoptera : Anthophila) and hoverfly (Diptera : Syrphidae) communities within farms undergoing ecological transition. Biodiversity Data Journal https://bdj.pensoft.net/article/60665/


26
janvier
2021

Généraliser la relation entre travail du sol et abondance en ravageurs et leurs prédateurs

Les études scientifiques sont réalisées dans des contextes pédoclimatiques distincts, sur différentes cultures, avec des précédents culturaux variables… Comment tenter alors de tirer des généralisations ? Une méthode, employée par Rowen et ses collègues, consiste à analyser de manière exhaustive la littérature scientifique, en compilant tous les résultats issus de contextes différents autour d’une question commune.
Effet du travail du sol sur les ravageurs et les auxiliairesCette équipe américaine a donc recueilli plusieurs dizaines d’articles pour répondre à la question : quel est l’impact de différentes intensités de travail du sol (aucune, moyenne ou forte perturbation) sur l’abondance en ravageurs (insectes et limaces) et leurs prédateurs ?
Les résultats sont surprenants ! Contrairement à leur hypothèse de départ, le labour ne permettrait pas de diminuer la quantité de ravageurs associés au sol par rapport au non-labour, tandis que les ravageurs foliaires sont moins nombreux dans les systèmes réduisant le travail du sol. En outre, l’absence totale de perturbation du sol favorise en effet les prédateurs associés au sol.
Ce qu’il faut retenir :
• De fortes perturbations de l’écosystème permettent aux ravageurs de prospérer, tandis que la réduction du travail du sol installe une stabilité et une complexité défavorables aux ravageurs.
• L’absence de travail du sol favorise la présence de prédateurs associés au sol, qui peuvent alors contrôler les ravageurs du sol aussi efficacement qu’un labour !

Pour plus d’informations (article en anglais disponible sur demande) : Rowen EK, Regan KH, Barbecheck ME, Tooker JF. 2020. Is tillage beneficial or detrimental for insect and slug management ? A metaanalysis. Agriculture, Ecosystems and Environment 294 : 106849