« Cultivons le soleil pour récolter la pluie »

Avec le risque d’étés plus chauds et une pluviométrie de plus en plus erratique, la gestion attentive de l’eau semble une piste à privilégier. Limiter la consommation, la partager, l’économiser sont les seules orientations qui sont rabâchées à longueur de reportages et de documentaires. Ainsi l’eau est devenue une source de conflits et même de confrontations chez nous comme ailleurs ! Très logiquement, l’agriculture est pointée du doigt car elle « consomme » énormément d’eau avec l’irrigation bien entendu, avec ses cultures très exigeantes qui poussent l’été comme le maïs mais aussi avec ses élevages. Pensez-vous ! Avec une consommation de 14 000 l d’eau par kg de viande, les vaches, en plus des gaz à effet de serre qu’elles émettent, sont une vraie catastrophe pour la planète ! Au-delà de ces analyses et présentations trop souvent à charge, qu’en est-il réellement ?

Une infinité de cycles de l’eau

Premièrement, l’eau n’est jamais consommée au sens « destruction », elle est simplement déviée et continue de circuler tout en changeant d’état (liquide, solide et gaz). De plus, il n’y a pas vraiment un cycle de l’eau avec les nuages qui se forment au-dessus des océans qui apportent les pluies, qui repartent par les rivières mais une infinité. Imaginez la vie de cette petite goutte d’eau qui vient d’être transpirée par une feuille de blé, elle va retomber plus loin dans un champ et s’infiltrer dans le sol où elle va circuler jusqu’à une source pour retourner à la mer par la rivière. Entre temps, elle risque d’être pompée pour alimenter une ville en eau potable, circuler entre douche et chasse d’eau avant de revenir dans la rivière d’origine après une sommaire « épuration ». En chemin, elle peut encore s’évaporer de nouveau et là atterrir plus haut, sur un glacier où elle va attendre pendant plusieurs dizaines voire centaines d’années avant d’être remise dans le circuit. Ainsi, il y a bien utilisation mais ce sont donc plus les recyclages et les transferts que nous devons considérer.

L’évaporation refroidit

Ensuite, toutes les plantes et les cultures transpirent lorsqu’elles se développent, ce qui est présenté comme une consommation et perte d’eau précieuse. Cependant, ce dégagement de vapeur permet, tout en faisant remonter les éléments minéraux jusqu’aux feuilles pour la photosynthèse, de refroidir la végétation comme l’environnement proche (un gramme d’eau qui s’évapore prend une calorie : les changements d’état absorbent ou libèrent d’importantes quantités d’énergie nettement plus importantes que les processus d’échauffement ou de refroidissement). En complément, cette vapeur d’eau augmente l’hygrométrie de l’air et lui transfère plus d’inertie à se réchauffer mais aussi à se refroidir. Comme tout le monde le sait ou l’imagine, c’est dans les déserts que les amplitudes thermiques sont les plus importantes pour la simple raison que l’air y est beaucoup plus sec. Pour donner un ordre d’idée, une forêt de feuillus peut transpirer jusqu’à 500 mm par an et principalement en été. On comprend donc ainsi l’impact reconnu de ce type de végétation dans la régulation du climat. Avec l’ACS, nos systèmes agricoles bien calés, n’en sont pas loin et dépassent même parfois les situations naturelles.

Plus haut dans l’atmosphère, cette vapeur d’eau exerce enfin un effet de serre et nous protège des infrarouges et du soleil. C’est un puissant climatiseur et grâce à son impact, qui est estimé à environ 60 %, la température sur terre est maintenue en moyenne à + 15°C au lieu de -18°C. C’est d’ailleurs à cause de cette couche protectrice que le ciel à une apparence bleu comme la terre vue de l’espace : d’où l’appellation de planète bleue.

Verdir les paysages et les champs

Ainsi et même si cela peut sembler contre-intuitif, ce n’est surtout pas la suppression de la végétation d’été, le développement de plantes et de cultures économes en eau qui nous permettront d’amortir les effets du climat mais bien le contraire. En d’autres termes, planter des cactus, ce serait abdiquer et ouvrir la porte à la désertification en réduisant fortement la couverture des sols qui vont plus s’échauffer tout en se privant d’une précieuse vapeur d’eau issue de la transpiration végétale, notre meilleure forme de brumisateur naturel. Au contraire, il faut verdir les paysages et les champs, surtout en été, végétaliser pour envoyer un maximum de vapeur d’eau dans l’air. Si cette action permet déjà de réguler la température de la végétation, elle va contribuer à augmenter l’inertie thermique de l’air ambiant le rendant plus résistant aux agressions climatiques extérieures. Il est donc ainsi possible de se poser la question suivante : est-ce qu’il n’y a pas plus de végétation parce que c’est le désert ou ne serait-ce-t-il pas parce qu’il n’y a plus de végétation que c’est devenu le désert ?

Afin de permettre cette végétation plus estivale, il faut tout d’abord ralentir l’eau et la stocker dans les sols. On voit bien ici les grands avantages des forêts, de l’agriculture en général mais aussi de l’ACS en particulier qui participent fortement à l’amélioration de l’infiltration mais aussi du stockage de l’eau inversement aux zones urbanisées qui s’empressent de rejeter leurs eaux embarrassantes en aval. Par ce biais, et en plus de créer des points extrêmement chauds amplifiant le réchauffement climatique local qui contribue aux perturbations climatiques globales, elles participent à évacuer trop vite le meilleur amortisseur thermique que nous avons : l’eau ! Vu sous ce double angle, on commence à bien imaginer l’effet de l’extension des zones urbaines sur le réchauffement climatique : une surface du territoire artificialisée qui a plus que doublé sur les trente dernières années.

De grands cycles relayés par de petits

Ce ralentissement du retour de l’eau vers la mer grâce à une végétation dynamique et des sols performants apporte un meilleur rechargement des nappes, une régulation des rivières et encore du rafraîchissement local avec la circulation de l’eau l’été sans compter l’impact paysage et biodiversité. De son côté, la vapeur d’eau émise par la végétation n’est pas perdue car elle contribue à augmenter l’incidence des pluies. Eh oui ! 60 à 70 % de l’eau des pluies d’été ne proviennent pas de la mer mais d’une évaporation/transpiration végétale en amont. En fait, les grands cycles de l’eau entre mer et terre existent bien mais ils sont relayés par des petits cycles sur les continents qui recyclent l’eau en la faisant progresser vers l’intérieur des terres. C’est donc bien la vapeur d’eau qui va faire pleuvoir et cette remarque majeure en termes de climatologie explique en partie les différences de pluviométries assez récurrentes entre secteurs proches à cause d’une forêt et/ou d’une rivière et l’observation des anciens qui disaient qu’où passe le premier orage de la saison, les autres suivent. C’est également pour cette raison de la transformation lente de certaines régions d’élevage où les prairies étaient dominantes, avec souvent une organisation bocagère, en zones céréalières avec beaucoup de champs nus l’été. Ce changement entraîne inéluctablement un asséchement du climat et une plus forte sensibilisation aux vagues de chaleur. L’absence de couverture végétale dérègle les petits cycles, puis les grands cycles de l’eau ce qui contribue à accentuer les phénomènes de sécheresse mais aussi et paradoxalement, d’inondation.

Des couverts végétaux imposants peuvent remplir cette fonction

Ainsi, chez nous comme ailleurs, au-delà de la sobriété et de la réduction de gaz à effet de serre, la végétalisation est la solution la plus rapide, la plus efficace et la plus durable. Sans pour autant planter des arbres partout qui, plus est, vont mettre un certain temps avant d’être fonctionnels, des cultures d’été et/ou des couverts végétaux imposants peuvent très bien remplir cette fonction dans les champs cultivés. Comme nous l’avons démontré à maintes reprises, ils vont commencer par apporter une protection du sol et aussi limiter son élévation en température l’été. Ce premier niveau de régulation est facilement de 10°C mais peut atteindre une vingtaine de degrés dans les situations extrêmes. C’est ainsi, et en complément, une réduction des points chauds qui rayonnent la nuit et maintiennent des températures élevées tout en faisant fuir les nuages. Ensuite, ces sols protégés vont permettre de mieux accueillir les pluies en les piégeant dans la végétation et des sols plus infiltrants. Le ralentissement de la circulation de cette eau précieuse, va permettre en retour de très largement augmenter leur efficience et donc le niveau de production de biomasse par millimètre de pluie. Enfin, l’activité photosynthétique facilitée va capturer plus de carbone atmosphérique en rejetant de l’oxygène et de la vapeur d’eau afin de climatiser l’environnement local, initier plus de pluie avec une meilleure régularité en amont et en prime contribuer à réduire le CO2 de l’air de manière significative. La matière sèche végétale est en moyenne constituée de plus 40-45 % de carbone qui sont en plus des liens énergétiques pour entretenir et faire prospérer la vie. La cohérence globale est trop forte et il est urgent de chercher à intensifier la végétalisation surtout en été !

L’agriculture de préservation du climat

Au regard de ces informations, pour lutter contre le réchauffement climatique, les risques de canicule à répétition et de sécheresses, plutôt que d’abdiquer en supprimant toute végétation consommatrice l’été, il faut plutôt végétaliser tout en recherchant une production de biomasse maximale pour le sol mais aussi pour le climat. Vu sous cet angle et au niveau du partage de la ressource, ce sont plus les villes qui doivent économiser afin d’en laisser suffisamment à l’agriculture pour à la fois produire, stocker du carbone et climatiser !
En fait, nous devons avoir la forêt de feuillus qui pousse l’été comme modèle et non de conifères qui transpire au moins moitié moins à cette saison. Dans les zones agricoles, c’est du maïs, du sorgho, du tournesol, du soja et de la betterave, ce sont des couverts végétaux imposants après céréales d’hiver ou des couverts permanents dans les secteurs aux sols plus superficiels. C’est aussi du colza avec plantes compagnes qui héberge un trèfle pour verdir l’inter-culture suivante, c’est enfin plus de luzerne et autres légumineuses en relais des prairies « paillassons » en secteurs plus élevage. C’est enfin beaucoup plus de couverts et d’enherbements dans les vignes, les vergers et autres cultures pérennes.
Restons réalistes, ce n’est pas un couvert dans un champ, une culture d’été ou quelques arbres isolés qui vont changer localement le climat. Cependant, si les surfaces s’étendent et que les pratiques s’intensifient ce qui est envisageable de mettre en œuvre rapidement avec l’ACS, il est certainement possible d’influencer, localement, le climat ou au moins développer une plus forte résistance face aux tendances climatiques plus globales.

Voici ici un élément supplémentaire et pas des moindres qui vient renforcer, encore une fois, la cohérence de l’ACS qui devient au regard de ces informations, l’agriculture de préservation du climat !
Continuons et même mettons encore plus d’énergie à cultiver le soleil pour récolter la pluie !


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