Matthieu Archambeaud

  • Le pois ayant disparu laisse le champ libre aux adventices
  • Plateforme d'essai de couverts
3
octobre
2013

Une visite d’essai de couverts végétaux après un été sec

L’été a été très sec dans l’Ouest. L’équipe de Sky Agriculture a mis en place une plateforme d’essai sur leur ferme expérimentale de la Connillais, avec pas moins de 40 espèces de couverts qui n’ont pas tiré leur épingle du jeu de la même manière.

Semis : 25 juillet juste après la moisson (25 mm quelques jours avant le semis), 6 mm en août (en trois fois) et 15 mm le 15 septembre (veille de la prise des photos).

Plateforme d'essai de couverts Sur cette vue d’ensemble on peut observer que la moutarde blanche et le sarrasin sont en fleur et qu’ils ont donc déjà terminé leurs cycles : le sol est propre en dessous et ils ont fait de la biomasse. Mais cela cela signifie aussi qu’ils risquent de monter à graine avant l’implantation du blé (6 semaines après la prise de vue), que leur biomasse est déjà ligneuse et qu’ils ne pourront pas valoriser les précipitations et la minéralisation de l’automne. En résumé, des espèces adaptées à l’été mais qu’il faut associer ou semer plus tard (pour la moutarde blanche en tout cas).


Pois fourrager d'hiver utilisé comme CIPAN Le pois fourrager d’hiver, fidèle à sa réputation, a donné de très bons résultats en terme de croissance, de biomasse et de contrôle du salissement avec seulement 10 mm d’eau pendant un mois. Le cycle n’est pas encore terminé et la restitution en azote devrait être très correcte. L’ajout d’un tuteur n’aurait rien gâché bien que le pois se tienne tout seul comme un grand.


Racine de gesse et ses nodositésLa gesse, bien que n’ayant produit qu’une biomasse modeste a cependant réalisé la meilleure exploration racinaire de la plateforme avec des nodosités qui sont descendues jusqu’à 20 cm de profondeur.


Variétés de radis " chinois " Sur cette photo sont alignés les différents radis asiatiques collectés sur la plateforme : ils sont issus de divers mélanges élaborés par divers semenciers. On constate que d’une variété à l’autre les résultats sont très divers entre le radis de droite qui a fait du bon boulot, son voisin de gauche qui n’a rien donné, ou encore celui de l’extrême gauche qui est déjà monté à graines. Comme quoi c’est bien l’aspect variétal qui nous intéresse et pas seulement l’espèce.


9
juillet
2013

Couverts d’interculture en été : 5 règles (...pour l’instant)

http://www.objetdujour.com/index.php/2009/03/20/591-couverts-a-salade

Petits rappels avant les moissons au sujet des couverts d’interculture :

- Semez le plus tôt possible : juste derrière la batteuse pour les couverts estivaux ;
- Soignez le semis : on sème le couvert comme on sème une culture, c’est à dire pas à la volée et sans oublier le coup de rouleau si l’outil de semis ne rappuie pas assez ;
- Mélanger 4 espèces au minimum pour éviter les mauvaises surprises, notamment qu’une espèce ne domine les autres ;
- Mettre au minimum 50% de légumineuses (de la dose de semis) ;
- Quand le couvert a fleuri il a terminé son travail : il passe d’une phase végétative active (structuration, absorption de nutriments, synthèse de biomasse, nutrition de l’activité biologique, etc.) à une phase de maturation durant laquelle il va se charger en carbone stable et démarrer la montée à graines.

Enfin, n’oubliez pas que si vous voulez semer un couvert relais pour l’hiver avec votre couvert d’été, il faut mettre 100% de la dose des espèces d’été et 100% de la dose des espèces hivernales.

Je vous vous trouverai sûrement de nouvelles règles d’ici l’année prochaine (c’est ça qui est bien avec les règles, il suffit d’en rajouter ...)


17
juin
2013

Rouler ou broyer le couvert lors du semis pour imiter la horde ?

L’agriculture de conservation est l’une des formes que prend l’agroécologie : elle tente de copier le fonctionnement de l’écosystème naturel le plus proche du champ cultivé qu’est la prairie. Pour cela elle s’appuie sur trois piliers qui ont été arbitrairement définis par un comité de la FAO : ne pas travailler le sol, le couvrir de manière permanente et avoir une rotation adaptée. On pourrait traduire ces principes aujourd’hui par : ne pas perturber le sol en profondeur, le couvrir au maximum et conserver ou introduire une diversité d’espèces végétales maximales (rotation et associations). En essayant d’appliquer ces principes, nous faisant de l’écologie végétale appliquée.

Alan Savory et son holistic management a tenté de décrypter le mécanisme de coévolution de la prairie et des hordes de ruminants qui les pâturent : zèbres et buffles de la savane africaine, bisons d’Amérique, etc.

Pour résumer :
- Les animaux pâturent les prairies en hordes compactes qui sont obligées de brouter en avançant de manière permanente pour éviter de manger leurs propres excréments ;
- De cette manière, les refus de pâtures et les déjections sont incorporés aux premiers cm de sol par les pattes des animaux et les microorganismes peuvent alors réintégrer cette matière organique et la prairie assurer la prochaine pousse ;
- Le sol n’est pas dégradé car il a beaucoup de temps de récupération avant la prochaine razzia fourragère.

En reproduisant dans les fermes et les écosystèmes naturels un mode de pâturage imitant la nature, Savory a montré qu’il était possible non seulement de régénérer des espaces dégradés mais aussi d’augmenter la production (cf. Gabe Brown).

A l’inverse, laisser des résidus sur le sol sans contact avec la vie microbienne comme c’est le cas dans un système de pâturage extensif ou dans des chaumes de céréales laissés en place, provoque une dégradation de la matière organique par oxydation qui conduit à terme à une dégradation du sol par manque d’activité.

Question  : Peut-on profiter de ce pâturage intensif (Mob Grazing) lorsqu’on est céréalier ? Et si le rolofaca ou le broyeur jouaient le rôle du bison ?

Thierry Têtu et son semis direct derrière broyeur : http://www.semisdirect.com


20
décembre
2012

Brefs calculs au sujet du BRF

BRF apporté en surface dans une culture

En 2006, j’avais écris un article dans TCS sur les BRF, technique alors toute nouvelle : Le « bois raméal fragmenté », un outil pour doper les sols en matières organiques. Six ans après, il est utile de faire un petit retour sur cette stratégie qui provoque beaucoup d’enthousiasme et d’espoir.

Le BRF véritable, issu du broyage des branches et houppiers de moins de 7 cm de diamètre à un C/N de 50 (contre 60 pour les pailles de maïs et 80-100 pour celles du blé) : il ne faut pas le confondre avec le bois plaquette ou les écorces qui ont un C/N de 150 à 600 et ont de l’intérêt comme combustible et aucune utilité pour les sols agricoles et viticoles.

Les travaux de Benoît Noël en Belgique avaient montré que 100 m3 de BRF (une couche de 1 cm d’épaisseur sur le sol) produisait 7,5 t/ha d’humus. Je vous propose un petit calcul pour savoir quelle quantité d’azote est nécessaire pour que le sol digère cette matière et la ramène à un C/N de 10.

L’épandage d’un produit avec un C/N de 50 demande le prélèvement dans le sol de 4 " azotes " supplémentaires pour intégrer " les 50 carbones " au sol (1 + 4 N pour 50 C). L’épandage de 100 m3 de BRF correspond à un apport de 25 t/ha de bois sec (1), soit un épandage de 8 500 kg/ha de carbone et de 170 kg/ha d’azote. Pour digérer ce bois il faudra donc 170 x 4 = 680 kg/ha d’azote, soit 2 t/ha de solution azotée à 33% : avis aux amateurs ! On comprend pourquoi Benoît Noël recommandait des apports de BRF dans des luzernes qui peuvent produire de 800 à 1000 kg/ha d’azote en deux ans. Et que penser des recommandations d’épandages en vignoble à 400 m3/ha (2 700 kg/ha d’azote à rapporter) ?

Pour résumer :
Sans nier les réels intérêts du BRF pour les sols notamment en maraîchage (rétention d’eau et dopage de l’activité fongique, qui peuvent toutefois être réalisées plus simplement avec des mulchs de couverts annuels) il est nécessaire de rappeler que :
- Attention en agriculture ou viticulture biologique car l’azote y est coûteux ;
- Attention en agriculture de conservation car l’azote a déjà tendance à être réorganisé par le sol ;
- Attention d’apporter du " vrai BRF " sous peine de doubler ou tripler les besoins en azote ;

Et pour compléter, voici une étude technico-économique sur le sujet : Évaluation de la production de Bois Raméal Fragmenté (B.R.F.) à partir d’une coupe de peupliers issue d’une parcelle en agroforesterie


8
octobre
2012

C/N, le faux-ami

La caractérisation du rapport C/N des matières organiques ramenées au sol (engrais organiques, composts, couvert végétaux et pailles restitués au sol…) est un précieux indicateur de la dynamique d’assimilation de la MO au sol et donc de la restitution aux cultures des éléments contenus.

Le C/N du sol est proche de 10, sachant qu’au dessus de 12, le carbone est en excès (sols acides, humides et/ou climat froid). Un matériau organique avec un C/N proche de celui du sol ou peu éloigné (10 à 20) libère rapidement ses éléments et se comporte comme un engrais (couvert végétal jeune ou avec légumineuses, fumier, lisier, fientes, écumes, vinasses…). A l’inverse, un apport organique avec un C/N supérieur à 30-40 mettra davantage de temps à se dégrader, voire consommera de « l’azote » pour ramener le C/N à celui du sol (couvert lignifié, pailles, compost mal équilibré, BRF, fumier pailleux…).

Attention toutefois de garder à l’esprit que le rapport C/N reste un indicateur : pour une végétation, un C/N bas traduit davantage un stade juvénile qu’une quantité d’azote disponible. A ce stade la plante dispose de sucres encore peu complexes (plutôt du glucose que de la cellulose ou de la lignine) qui peuvent servir d’aliment à l’activité biologique. Or, une activité biologique rhizosphérique « dopée au sucre » permet de libérer plus rapidement les éléments contenus dans la matière organique et de nourrir plus activement la plante. Ainsi, un sol bloqué par un C/N trop fort ne le sera pas forcément par manque d’azote mais aussi par manque de sucre et donc d’énergie.


4
juillet
2012

Pour désherber il faut commencer par travailler

Dans la série des dictons agronomiques, je me permets de reprendre à ma sauce l’excellente formule de Philippe : Pour semer 2 fois, il faut commencer tôt.

Cette série de photos a été prise chez Philippe Lion, un des pionniers du semis direct en Touraine. Pour les implantations de tournesol, toujours délicates, il utilise un vieux semoir bricolé devant lequel ont été montés des éléments de herse alternative travaillant uniquement sur le rang. Cette outil réalise ce que l’on appelle du pré-traçage, comparable à un strip-till de surface. L’objectif est de dégager et de réchauffer le rang pour permettre un démarrage rapide de la culture.

Comme pour beaucoup de cultures de printemps cette année, les débuts ont été difficiles : froid et humidité ont pénalisé la vigueur de départ, ce qui a permis aux pigeons et corbeaux de se restaurer plus longtemps.

Le tournesol a été semé en bonnes conditions le 14 avril et a été désherbé à avec 1,65 L/ha de Racer et 1,65 L/ha de Novall. Devant les dégâts, la culture a été ressemée le 14 mai.

En date du 6 juin, on pouvait observer de fortes levées d’adventices mais seulement sur les bandes ayant été retravaillées avec les dents animées du semoir et aucune levée entre les rangs alors que le sol est resté nu.

Dans le rang central, la herse n’a pas touché le sol et il n’y a aucune levée.

Ces levées localisées à la zone travaillée sont liées à deux causes concomitantes :
- Le travail a détruit le film résiduaire laissé par la pulvérisation des herbicides et laisse donc " la porte ouverte " aux germinations ;
- Le travail a préparé un lit de semence et une minéralisation favorables aux adventices, levant ainsi leur dormance.

Cela confirme une fois de plus que plus on travaille, plus on minéralise et plus on salit. Il s’agit d’ailleurs là d’une malédiction agricole des plus répandue : si je travaille mon sol sur toute sa surface je devrais désherber toute la surface (chimiquement ou mécaniquement, ça marche aussi bien en conventionnel qu’en bio). Dans le même ordre d’idée : si je fertilise en plein, je devrais désherber en plein. Il est temps de passer à l’agriculture localisée.

La culture au 1er juillet sans rattrapage (photo : Philippe Lion).