Matthieu Archambeaud

  • Le pois ayant disparu laisse le champ libre aux adventices
  • Plateforme d'essai de couverts
4
novembre
2009

Rupture de capillarité

capillarite

Dans ce sol limoneux, en non labour depuis une dizaine d’années, les trente premiers centimètres du profil présentent une excellente structure grumeleuse, entretenue et développée par le couvert mis en place après la récolte. On observe cependant un contraste saisissant entre une zone de surface humide et tendre, posée sur une structure sèche et dure située sous l’ancien fond de labour.
Ce type de profil, creusé en période de reprise d’humidité, met en évidence la rupture de porosité créée par l’outil entre les deux parties. Seule la zone superficielle organiquement structurée a rapidement profité de l’eau ; à l’inverse du fond qui reste encore peu organisé sans pour autant être compacté. Il faudra encore quelques couverts estivaux avant de voir s’estomper progressivement la rupture.


20
octobre
2009

Le rapport calcium/magnésium

Nous en avions déjà assez à faire avec le travail du sol, les couverts végétaux et les rotations. Et voilà qu’apparaît un nouvel axe de travail : la fertilisation fine et les équilibres minéraux du sol. Ceux qui veulent creuser le sujet en profondeur peuvent consulter le dossier du TCS n°54 sur le sujet. Pour les autres, il semble intéressant d’insister tout particulièrement sur les travaux de Neil Kinsey, conseiller agricole américain, spécialiste de la fertilisation.

Ce dernier insiste notamment fortement sur le nécessaire équilibre entre le calcium et le magnésium, les deux cations nutritifs de la CEC portant deux charges positives. Cette double charge leur confère un rôle particulier dans la structuration du sol puisqu’ils sont tout les deux capables d’établir « des ponts électriques » entre les diverses particules du sol, qu’il s’agisse des argiles, des particules organiques...

Si on sait que le calcium a un effet structurant « aérateur » de la structure, on connait moins bien l’effet du magnésium qui a l’effet opposé et « resserre » la structure. D’après Kinsey, si en sols argileux le calcium évite l’étouffement, en sol sableux le magnésium aide au contraire à créer un peu de structure dans des profils parfois un peu soufflés.

La CEC idéale en sol moyen d’après Neil Kinsey

La somme du taux de saturation (de la CEC) de ces deux cations est idéalement de 80%, avec en gros (60% Ca + 20% Mg) en sol sableux et plutôt (70% Ca + 10% Mg) en conditions argileuses. Pour un sol moyen l’équilibre devant tourner autour de 68% de Ca et 12% de Mg.

Dans tous les cas il faut savoir qu’apporter un point de calcium avec un chaulage réduit d’un point la quantité de magnésium sur la CEC. Par conséquent :
- si on veut apporter du calcium sans baisser le magnésium, il sera de bon ton d’amender avec de la dolomie ;
- si on veut amener du magnésium seul on pensera à la kieserite (qui à l’avantage de contenir du soufre en sus) ;
- si on veut fournir du calcium sans modifier le pH, du gypse sera le bienvenu.


3
octobre
2009

Le troisième pilier de l’agriculture écologiquement intensive

Selon la FAO, l’agriculture de conservation repose sur les trois « piliers » que sont : le travail minimal du sol, la couverture permanente du sol et les rotations culturales adaptées.

En fait, ne pas perturber le sol, le maintenir couvert avec des plantes adaptées à la saison, au sol et au système de culture revient à tenter de créer des écosystèmes cultivés performants, c’est à dire dans lesquels des communautés d’êtres vivants utilisent efficacement un milieu et des ressources. Efficacement voulant dire une production maximale pour une consommation d’énergie et de ressources minimale, sans dégradation aucune (durabilité).

Cette stabilité et cette productivité ne sont possibles qu’à condition d’installer une diversité suffisante d’organismes vivants. C’est à cette condition que sera optimale l’utilisation des ressources (eau, minéraux), du climat (précipitations, chaleur, lumière) et que meilleure sera la résistance aux facteurs de déstabilisation (adventices, ravageurs, maladies, erreurs techniques...). Cette biodiversité est le pilier de toute agriculture écologiquement intensive.

C’est une diversité dans le temps : rotation des cultures, successions cultures-couverts ; c’est aussi une diversité dans l’espace : association d’espèces dans les couverts et dans les cultures, agroforesterie, cultures et couverts relais...

Ainsi le troisième pilier de l’agriculture de conservation n’est pas la rotation mais bien la combinaison par l’agriculteur des espèces végétales dans le temps et dans l’espace.


28
juillet
2009

Evaluer ses populations de carabes

Carabes Philippe Lion, agriculteur dans le 37, a participé au programme « carabes » du CRYTT-INNOPHYT de l’université de Tours. Depuis il mesure régulièrement les populations de carabes pour évaluer ses pratiques (phytos, travail du sol, rotation...).

La méthode « barber » est très simple, peu coûteuse en temps et en argent. Il suffit de placer en ligne 4 gobelets en plastique enterrés à ras du sol, séparés de 5 m les uns des autres. On les remplit à moitié d’un mélange eau et vinaigre blanc à parts égales, sans oublier de saler et poivrer le liquide. On récolte les pauvres bêtes une semaine après et on les pèse. Pour les puristes vous pouvez réaliser le modèle grand luxe ci-dessous avec toit et système de vidange automatique.

Chaque gobelet collectant les carabes présents sur 25 m² de surface, il suffit de multiplier par 100 la masse de carabes trouvée dans les 4 gobelets pour avoir la population à l’hectare.


2
juillet
2009

CEDC : Le cul entre deux chaises (petite philosophie du SD)

Les derniers travaux d’Arvalis sur blé (TCS n°52) et du CETIOM sur colza (TCS n°53) confirment ce que l’on suggère chez TCS depuis quelques années ; cette théorie pourrait s’appeler " en agriculture il ne faut pas rester le cul entre deux chaises. "

Gestion des adventices

La gestion du salissement en système labouré repose sur l’inactivation temporaire du stock de graines adventices en l’enfouissant en profondeur. Les graines ne sont plus en position de germer et la culture peut démarrer dans de bonnes conditions. Le système fonctionne bien tant que l’on ne ramène pas en surface le stock des années précédentes (d’où l’importance de rotations bien pensées en labour également). Le problème est bien entendu que l’on ne résout que des problèmes à court terme puisque l’on entretient un stock d’adventices potentiel dans son sol ; enfin, si la solution était réellement efficace, on n’utiliserait plus d’herbicides derrière labour depuis longtemps.

En semis direct, on cherche l’effet inverse : tout laisser en surface, favoriser la germination des adventices en dehors des périodes de culture et épuiser ainsi progressivement le stock de graines. A ce titre, l’impact de la rotation est décisif et il est nécessaire de faire alterner les types de cultures : hiver / été, céréales / dicotylédones... Comme l’a montré Dwayne Beck le système devient très efficace en TCS et SD à partir du moment où les périodes d’alternance sont au minimum de deux ans : par exemple la très puissante rotation pois de printemps / colza / blé / orge dans laquelle deux dicot’ sont suivies de deux céréales, deux cultures d’hiver par deux cultures de printemps.

Avec ce type de système et à condition de ne plus enfouir de semences en profondeur on parvient à une gestion du salissement vraiment efficace à long terme. Le graphique ci-dessous (Gilles Sauzet - CETIOM, 2009) montre qu’à condition de ne pas toucher le sol, on parvient à mieux maîtriser le salissement en semis très superficiel, qu’il s’agisse d’ailleurs d’un semis direct avec disques ou d’un semis simplifié avec herse ou bêches roulantes derrière DP12.

Pour revenir à notre théorie du " cul entre deux chaises " (CEDC), on s’aperçoit sur le terrain que beaucoup tentent de réaliser des compromis entre labour et TCS : on fait la moyenne des profondeurs d’intervention et on travaille à 10-15 cm *. On ne profite alors plus ni des avantages du labour et de son effet enfouissement, ni de ceux du SD et de son effet " surface ". Dans ces systèmes CEDC, avec des rotations exclusivement hiver de type colza-blé-orge, la pression adventices est en train de conduire à des impasses techniques, d’autant plus d’ailleurs que l’efficacité des matières actives semble compromise.

* : Il faut distinguer le travail de surface destiné à gérer le lit de semence, les pailles, les adventices et ravageurs, et le travail profond dont le but est de sécuriser la structure et la descente racinaire ou encore de réchauffer le sol en situations de printemps notamment : en résumé il faut dissocier travail profond et travail de surface au moins dans la tête si ce n’est dans les faits.

Gestion de la fertilité

En dehors de la question du salissement, il semble que l’on ait le même phénomène en ce qui concerne la disponibilité en azote. Soit on profite de l’effet labour pour " cacher la misère dans le fond de la raie ", soit on laisse tout en surface. Dans le premier cas la paille se décompose peu ou mal (et les conséquences en terme d’érosion et d’évolution de la matière organique sont négatives) mais au moins il n’y a pas de faim d’azote. Dans le deuxième cas, les pailles laissées en surface ne sont pas au contact du sol et leur minéralisation n’est donc pas déclenchée : on parvient au même effet tout en respectant l’organisation naturel du sol (le problème reste bien entendu de positionner correctement la semence sous la paille mais ceci est un autre sujet) ; les pailles qui forment une litière évolueront plus lentement, servant de barrière à l’évaporation, de protection contre la pluie et la chaleur, sans compter l’obstacle qu’elles représentent pour les adventices.

A l’inverse, la solution CEDC qui consiste à mulcher les pailles dans les 5 à 10 premiers cm de sol active la décomposition de celles-ci et, par conséquent, demande beaucoup d’azote pour digérer ce carbone quasiment pur (C/N de 100) : l’azote est détournée de la culture, d’autant plus que la préparation de sol est proche du semis.

En forme de conclusion : enfouir ou recouvrir il va falloir choisir. Même si la gestion des compromis sur le terrain reste bien plus compliquée que cette pauvre démonstration, il est important de garder en tête les mécanismes mis en jeu et de se fixer des objectifs.


15
mai
2009

L’agriculture de conservation démarre fort en Algérie

L’association FERT appuie à Sétif, l’association Trait d’union qui réunit des agriculteurs, des techniciens et des chercheurs autour du développement agricole et notamment le semis direct. Le 10 mai, Trait d’union a réuni plus de 100 personnes autour des « techniques culturales sans labour » pour leur 3ème journée d’étude sur l’agriculture de conservation : tous les intervenants ont insisté sur l’intérêt et la nécessité de s’orienter vers le semis direct dans ce secteur semi-aride de l’Algérie, tandis que les divers témoignages d’agriculteurs ont montré la réelle compétence et l’implication des pionniers de l’AC en Algérie. Il ressort de cette journée qu’une véritable dynamique « semis direct » est lancée en Algérie.


Sétif labourLe système conventionnel pratiqué localement est la jachère sèche : les parcelles (avec de fortes pentes dans la zone nord) sont labourées au printemps et passent l’été ainsi avant d’être emblavées en novembre, généralement avec une céréale. Après récolte en juillet, les sols sont laissés en jachère et pâturé par les moutons. Le système permet de recréer de la matière organique avant un nouveau labour minéralisateur au printemps suivant. Le problème est bien entendu l’érosion éolienne et hydrique impressionnante sous ce type de climat, mais également l’insuffisance de la production de ce système productif une année sur deux.

Sétif érosion


Sétif semoirLe semis direct semble particulièrement adapté à la zone, notamment en ce qui concerne le potentiel d’économie et de valorisation de l’eau disponible. Les membres de l’association Trait d’union ont déjà développé des solutions de semis direct, la culture continue (abandon de la jachère), des associations céréales / légumineuses ... les résultats sont très positifs comme le montrent les résultats obtenus sur la ferme de Ser Sour dans le sud de la zone (moins de relief mais moins de précipitations).


Sétif profilLe seul obstacle potentiel semble être le piétinement animal qui occasionne de sévères compactions de surface, notamment dans les zones argileuses. En effet, lors des labours de printemps les bergers rabattent leurs troupeaux sur les zones non travaillées ... dont les zones en semis direct ! Or les premiers cm de sols doivent être correctement structurés si l’on veut réussir en semis direct.

L’étape suivante consiste maintenant à trouver des couverts adaptés à la zone pour " démarrer la fertilité des sols ".