Matthieu Archambeaud

  • Le pois ayant disparu laisse le champ libre aux adventices
  • Plateforme d'essai de couverts
4
mai
2012

Abandonner la prairie ?

1. Revenir à la prairie après quelques années de culture est souvent présenté comme la panacée pour restaurer la fertilité du sol et réduire la pression adventice. C’est d’ailleurs la quasi-généralité dans les systèmes agrobiologiques céréaliers qui utilisent la prairie de légumineuses, associées ou non aux graminées comme tête de rotation.

Or, ce n’est pas la prairie qui a le pouvoir magique de restaurer la structure et la fertilité du sol ou encore de nettoyer la parcelle : c’est le fait que le sol reste couvert en permanence pendant quelques années (pas d’érosion, structuration active) et qu’il ne soit pas travaillé (haut niveau d’activité biologique, pas de déstockage de la matière organique à l’automne, pas de stratification horizontale). En résumé ce n’est pas la prairie qui fait du bien au sol c’est la couverture permanente du sol sans aucune intervention mécanique ; on pourrait faire aussi bien en semis sous couvert si on parvenait à maîtriser parfaitement les implantations et les successions. Quant au nettoyage, c’est le " vide sanitaire " créé par les deux ou trois ans de prairie qui fait le travail (ce que l’on cherche à faire avec les rotations de type 2/2 en AC.

2. L’implantation d’espèces pérennes (la prairie) permet d’installer des plantes pour quelques années, sans avoir à y revenir. Cependant, il s’ensuit quelques inconvénients :
- Les plantes pérennes sont peu productives en première année, ce qui induit un déficit de production de matière organique et un risque de salissement (on peut y remédier en semant la prairie dans une céréale au printemps ou avec une culture de printemps comme un tournesol ou un sarrasin) ;
- On se débarrasse moins facilement des plantes pérennes sans chimie (AC) ou sans travail du sol (AB), contrairement aux plantes annuelles qui sont facilement détruites si elles sont récoltées/pâturées/broyées/fauchées/roulées au bon stade ;
- La diversité est le gage de la qualité, de l’équilibre et de la productivité ; or, il est assez délicat d’installer des mélanges prairiaux à dix espèces et plus, alors que c’est relativement simple pour des mélanges annuels.

Le remplacement des pérennes par des annuels en élevage et en céréaliculteurs est la voie que prennent des pionniers comme Gabe Brown dans le Nord Dakota et quelques précurseurs en France. Pour réduire la chimie en AC et le travail du sol en AB, faut-il conserver la prairie ?


15
décembre
2011

Pailles noires et pailles blanches

Pailles ramassées dans une parcelle avec un couvert d’interculture : à gauche, pailles noircies, éventuel refuge à maladies, et à droite pailles en décomposition recouvertes de mycélium blanc.

La digestion rapide des pailles par l’activité biologique du sol est un sujet crucial en SD et TCS puisqu’elles sont souvent une gêne pour les semoirs. De plus, la lignine, dont elles sont essentiellement composées, ne peut être attaquée que par les champignons qui sont les premiers acteurs de la transformation des pailles en matière organique.
En dehors du problème que pose l’emploi de fongicides sur les cultures, la flore fongique impliquée et l’équilibre entre le carbone et l’azote sont les facteurs essentiels :
- La présence de "pourriture" blanche sur les pailles est un signe de bonne dégradation de celles-ci, alors que le noircissement excessif des pailles indique plutôt qu’elles servent de refuge à des maladies fongiques ;
- La proximité des pailles blanches dans le voisinage des racines de légumineuses, de crucifères vertes ou de phacélie indique également le besoin en sucres simples et en azote des champignons pour dégrader correctement les pailles (dont le C/N est de 100, contre 10 pour celui du sol : pour dégrader 100 C de paille, il faut donc trouver 9 N).

bien entendu on trouve les deux types de pailles dans les parcelles, l’objectif étant de développer au maximum les champignons favorables : décomposition rapide des pailles sans travail du sol, matière organique de qualité, compétition vis-à-vis des champignons pathogènes, ...


16
juin
2011

Triticale semé le 15 août : avis aux amateurs

Cette photo a été prise le 24 février 2011 sur la ferme expérimentale de l’INRA à Mirecourt (Vosges). Cette ferme est menée en polyculture élevage en agriculture biologique et fera l’objet d’un article dans un prochain numéro de TCS. Le triticale a été ici semé en même temps qu’un couvert biomax (qui a gelé durant l’hiver), le 15 août 2010 ; sur la bande voisine, le triticale a été semé dans le même couvert mais en octobre en travail superficiel.

De retour le 8 juin dernier, je prends la même photo (rotation de 180°) dans la partie de sol la plus pauvre de la parcelle : à gauche (semis du mois d’août), du rendement et un sol relativement propre ; à droite (semis classique en TCS) pas grand-chose si ce n’est des adventices.

Qui tente le coup ?

Résultat : la bande semée en août a donné 15 q/ha contre 6 q/ha sur celle semée en octobre (la parcelle fait partie d’un essai strictement en SD et bio, ce qui explique le résultat, sans compter la sécheresse ; sur le reste de la station le rendement moyen en céréale a été de 32 q/ha).

La suite...


4
mai
2011

En avril, ne te découvre pas d’un fil ... ou non

Ce couvert de féverole avant maïs a été semé par les Hamot (SDistes installés à l’ouest de Toulouse) à l’automne dernier sur chaumes de blé. Malgré une végétation peu impressionnante à la fin mars, le système racinaire a fait du très bon travail, sans compter la quantité d’azote fixée.


Avant le semis du couvert, deux passages de bêches roulantes ont été réalisés pour faciliter la dégradation des pailles : sur la photo ci-dessous, la partie gauche n’a pas été travaillée, si bien que les pailles sont encore présentes ; sur la partie droite, les pailles ont déjà disparues, laissant le sol nu.


Sous la partie laissée nue, s’est formée une croûte desséchée par le vent d’autan et qui pourrait poser un problème de pénétration lors du semis du maïs à venir, alors que sous la paille, le sol est resté bien humide.
Moralité : si j’ai un sol qui sèche vite au printemps, j’ai intérêt à laisser des résidus (pailles du précédent ou graminées dans le couvert), mais si j’ai un sol qui a du mal à se réchauffer, mieux vaut qu’il reste aéré (résidus décomposé ou couvert qui reste debout une fois mort).


15
décembre
2010

Le bon couvert et le mauvais couvert

Tout le monde connait le concept du bon chasseur et du mauvais chasseur.
Il semble que l’on puisse l’appliquer aux couverts végétaux.

Sur cette plateforme d’essai de la chambre d’agriculture de la Haute-Saône, ces deux couverts semblent à première vue similaires : même hauteur, même biomasse, même avantages... (le couvert de gauche a d’ailleurs l’air plus vaillant). Si on se rapproche on observe qu’ils sont cependant radicalement différents.


Le couvert de gauche est composé de moutarde et de phacélie, plantes rapides, efficaces sur l’azote et capables de faire de la biomasse et de la structuration de sol. Cependant, si on laisse ce type de couvert se lignifier, il sera très riche en carbone et demandera par conséquent de l’azote pour se décomposer et être intégré à la matière organique du sol.

À titre d’exemple, une étude de l’INRA de Colmar avait montré qu’une moutarde ayant piégé 80 kg/ha d’azote une année, n’en redonnait que 35 kg/ha aux cultures au bout des 7 années suivantes, les 45 kg/ha restants étant incorporés à la matière organique créée. D’autre part, ces deux espèces ayant un port dressé et droit, elles laissent la lumière arriver au sol et par conséquent laissent les repousses et autres gracieusetés se développer. Moralité : faim d’azote en TCS et SD et un piètre contrôle du salissement.


Le couvert de droite, plus complexe, est composé de tournesol, phacélie, vesce et pois. Il intègre des légumineuses et par conséquent permet une fixation d’azote atmosphérique et un rééquilibrage des espèces telles que le tournesol ou la phacélie.

En fournissant de l’azote au système, le pois et la vesce permettent également de pousser le couvert plus loin et d’éviter des montées à graines trop rapides. Enfin, le port rampant de ces espèces leur permet de s’accrocher dans les tuteurs tournesol et phacélie et occulte complétement la lumière : pas de salissement dessous. Moralité : azote disponible, sans doute davantage de biomasse et effet nettoyant.

Bien entendu il n’existe pas de mauvais couvert (hormis celui que l’on ne maîtrise pas) et tout l’enjeu consiste à piloter le C/N des plantes qui se succède sur le sol pour fixer du carbone et produire de l’azote : ni trop de l’un ni trop de l’autre... Une vesce dans la moutarde-phacélie aurait sans doute suffit.

PS : Il n’est pas impossible que la partie droite du couvert de gauche sur la première photo (est-ce clair ?) ait profité de l’effet légumineuse de son voisin de droite : les plantes sont plus développées et encore vertes.


23
août
2010

Maïs : reprendre la question dans le bon sens

Une journée de profils dans le sud-ouest, réalisés sous du maïs irrigué ! m’a permis de mettre en images quelques idées à propos du sol, de l’eau et des plantes.

Malgré une bonne porosité verticale (vers de terre, racines, ...) ce profil est coupé par deux fonds de labours superposés.

Le réseau poral naturel des sols est organisé de telle manière qu’il puisse absorber et répartir rapidement l’eau arrivant à la surface et inversement de la restituer aux plantes qui en ont besoin.

Dès l’instant où le profil de sol est coupé horizontalement par un ou plusieurs fonds de travail (d’autant plus préoccupants que le travail est répété, agressif et/ou réalisé en mauvaises conditions), le stockage de l’eau et sa restitution ne peuvent se faire correctement.


Cette coupure peut également conduire à un enracinement très superficiel du maïs, sur l’épaisseur labourée par exemple. Une fois consommée la réserve utile superficielle il devient nécessaire d’irriguer puisque :
- Il n’y a pas de racines en dessous ;
- Il n’y a pas eu de stockage optimal de l’eau en dessous ;
- Il ne peut y avoir de remonter capillaires efficaces du dessous.


Des sondes tensio-électriques positionnées à 30 cm et 60 cm indiquent le potentiel de rétention en eau du sol.
La sonde fichée à 30 cm affiche un potentiel de 100, soit un besoin d’irrigation immédiat, celle à 60 cm montre une réserve utile suffisante : pas de chance, il n’y a pas de racines à 60 cm.

Le sol étant sec, l’irrigation peut être déclenchée arbitrairement ou à l’aide de sondes tensio-électriques qui indiquent la succion qu’il est nécessaire de fournir pour extraire l’eau du sol (en centibar) : plus le chiffre est élevé et plus le sol est sec.


Dans des sols fragiles (limons) et pauvres en matière organique, la surface se ferme rapidement même avec une micro-irrigation : l’eau est moins bien valorisée car elle peut ruisseler ou s’évaporer.

Pour éviter de créer de la battance et optimiser l’apport d’eau on peut opter pour la micro-irrigation. Cependant, si la surface n’est pas protégée par un mulch et de la matière organique, celle-ci se ferme rapidement, l’eau ruisselle et érode la parcelle.


A l’inverse, un maïs bien enraciné remonte de la sève brute (de l’eau) depuis les horizons profonds et la redistribue dans l’étage de surface afin de maintenir l’activité biologique de sa rhizosphère qui lui permet d’améliorer sa nutrition minérale et sa protection.

Moralité : correctement implanté le maïs est non seulement un excellent structurateur de sol mais également un véritable pivot d’irrigation.
Par contre, si on gêne son enracinement il devient à l’inverse un grand consommateur d’eau, d’engrais, de phytos ...