Frédéric Thomas

  • Maïs sous plastique en Bretagne
15
juillet
2022

Les parcelles en agriculture régénérative dégagent pratiquement le double de revenu des parcelles en conventionnel

Alors qu’il n’existe pas ou peu d’évaluation in situ, cette étude a permis de mesurer les impacts relatifs entre des parcelles de maïs « conventionnelles » et d’autres menées en « Agriculture Régénérative » sur la gestion des ravageurs, la préservation des sols, la productivité mais également les aspects économiques entre des couples d’exploitations des grandes plaines du Nord des USA (Minnesota, Dakota du Sud, Dakota du Nord et Nebraska).

Recettes et coûts - comparaison agriculture régénérative et conventionnelle - USA
Recettes et coûts - comparaison agriculture régénérative et conventionnelle - USA
La hauteur des blocs représente la moyenne du produit d’activité globale à l’hectare pour les 40 parcelles (pour chaque « modalité »)
Source : PeerJ- Life & Environment de Claire E. LaCanne (Natural Resource Management Department, South Dakota State University) et Jonathan G. Lundgren (Ecdysis Foundation, Estelline, South Dakota)

Le résultat économique a été évalué en tenant compte des coûts directs mais aussi des revenus de chaque parcelle, excluant les charges de structures et autres dépenses indirectes. Les parcelles en Agriculture Régénérative sont celles qui utilisent a minima 3 des 5 pratiques culturales positives présentées (1 : Non travail du sol, 2 : pas de désherbage chimique, 3 : aucune forme d’insecticide, 4 : des couverts multi-espèces et 5 : pâturage de ces derniers). Les systèmes régénératifs affichent tout de même 70 % de marge nette supplémentaire en comparaison des parcelles classiques. Concernant les coûts de production, si ce n’est pas vraiment le travail du sol qui fait la différence (beaucoup des agriculteurs sont en strip-till ou SD dans ce secteur), ni le niveau du désherbage, beaucoup d’économies apparaissent au niveau du poste engrais bien que les agriculteurs en ACS dépensent plus en semences de couverts végétaux. Une autre différence très logique se trouve au niveau de l’irrigation. En complément, les agriculteurs en systèmes régénératifs réduisent leur budget d’assurance comme leur système de production est plus résilient et économisent également sur les semences de maïs (moins d’OGM : une autre forme d’assurance). Enfin, le séchage des semences, le semis du maïs comme des couverts sont intégrés dans les calculs mais pas visibles sur le graphe car ils sont négligeables. Par contre, les profits complémentaires liés aux productions animales ne sont pas inclus.
Le résumé de cette étude que nous avons publiée dans la revue TCS N°105 de novembre/décembre 2019 montre bien la puissance économique et la résilience de l’ACS à partir du moment où elle est mise en œuvre avec une approche systémique.


6
mai
2022

LOMe - Légumineuses Oléagineux Méthanisation

C’est le projet sur lequel Eugène Triboi de l’INRA de Clermont-Ferrand (à la retraite depuis presque 20 ans) a travaillé pendant toute sa carrière : LOMe (Légumineuses, Oléagineux, Méthanisation).

Un essai de 26 ans

De 1968 à 1994, il a commencé par analyser la quantité d’azote que l’on pouvait recueillir dans le fourrage d’une luzerne pendant deux années de culture : 689 kg de N/ha (268 la première année et 421 la seconde). Ensuite, il a enchaîné par quatre cultures (blé/maïs/blé/orge) avant de revenir en luzerne. Lors de cette période céréalière, il a déterminé l’effet rémanent de la luzerne, c’est-à-dire l’azote supplémentaire que procurent deux années de luzerne via le sol sur les cultures suivantes. Après avoir suivi cinq cycles, il conclut sur un bénéfice supplémentaire de 202 kg N/ha (83/47/48/25) pour les quatre années de culture après les deux ans de luzerne.
Ainsi en additionnant l’azote de la biomasse et l’azote rémanent, E. Triboi démontre, avec ses recherches, un bénéfice azote de 891 kg N/ha pour seulement deux années de présence de la légumineuse : c’est tout de même un apport important compris entre 400 et 500 kg de N/ha/an !

Près d’une tonne d’azote pour deux années de luzerne

Apports en azote de deux ans d'un couvert de luzerne
Apports en azote de deux ans d’un couvert de luzerne

Non satisfait par ces premiers résultats encourageants, E. Triboi a ensuite réfléchi à un système de cultures autonome en azote qui fonctionnerait sur six ans avec deux ans de luzerne et quatre années de cultures. En cumulant les effets rémanents (200 kg de N/4 ans), l’azote contenu dans le fourrage de la luzerne (700 kg de N/4 ans), les 50 à 100 kg de N apportés par un couvert d’interculture et les 50 kg de N/ha apportés par une association ou une légumineuse graines en fin de cycle cultural, il obtient au total environ 1000 kg de N/ha. Cela représente environ 250 kg de N/ha/an pour les quatre années de production céréalière, un niveau de fourniture largement suffisant pour assurer la fertilisation de cultures productives, voire un stockage additionnel de carbone.
Enfin, hormis l’entrée d’azote, qui est loin d’être négligeable au tarif d’aujourd’hui, quelle est la rentabilité des deux années de luzerne et comment transfère-t-on habilement la fertilité ?

Ramener l’élevage

La première solution est de broyer et transférer la végétation mais c’est une manière coûteuse en travail, en énergie et pas vraiment efficace.
La seconde solution est d’alimenter des ruminants. Ils vont valoriser le fourrage et profiter de cette source de protéines de qualité. Comme ils rejettent en moyenne 80 % de l’azote ingéré, le fumier/lisier devient une source de fertilisant qui enrichit le statut azoté de l’exploitation, à condition que les engrais de ferme soient bien gérés sur des sols fonctionnels.

Finaliser par la méthanisation

Enfin, l’approche choisie et mise en avant par E. Triboi est la méthanisation. C’est le moyen de fournir de l’énergie verte pendant ces deux années de légumineuse pérenne tout en produisant un engrais naturel, complet, riche en azote, en potasse et en soufre qui peut être transféré aux bonnes périodes et en fonction des besoins, sur les cultures. Vu sous cet angle, l’agriculture pourrait redevenir « autonome » en énergie renouvelable et certainement productrice nette tout en fixant naturellement son azote et recyclant une bonne partie de sa fertilité. Lorsque l’on pense que ces mesures et propositions ont une bonne vingtaine d’années, il faut admettre le côté visionnaire d’E. Triboi.
Bien entendu, ce niveau de fourniture en azote et le recyclage de la fertilité comportent certainement quelques défis techniques qui doivent pouvoir être dépassés au vu des enjeux actuels. Il ne nous reste donc qu’à tester et mettre en œuvre LOMe !


31
mars
2021

Enfin mes premiers certificats carbone !

Après plus de 25 années de mise en avant de l’Agriculture de Conservation pour ses nombreux bénéfices mais aussi pour sa capacité à réinjecter du carbone dans les sols, je vais enfin pouvoir goûter au plaisir de toucher mes premiers certificats carbone.

Bilan GES à l'hectare - Ferme de F. Thomas Bilan GES et résultats économiques - Ferme de F. Thomas

Je suis très satisfait du bilan réalisé avec Soil Capital et le diagnostic fourni puisqu’il traduit assez bien comment je perçois mon exploitation dans son ensemble.
176 t de CO2 (1,27 t/ha), c’est un bon point de départ qui me semble facilement améliorable à la vue des résultats techniques très moyens de 2020. Le maïs, qui était très présent la campagne passée, sort logiquement bien avec presque 3 t/ha. L’orge d’hiver me surprend avec le meilleur score qui passe les 3 t /ha : dommage que la surface était réduite. Ce sera mieux cette année avec 22 ha ! Enfin je suis un peu déçu par le niveau des légumineuses graines ; il faut avouer que le rendement avec 2,2 t n’était pas folichon, même si c’est économiquement une bonne base pour les couverts ! Au regard de ces données, je pense aujourd’hui que l’exploitation peut atteindre assez facilement les 250 t et pourquoi pas les 300 t de CO2/an !
Au-delà de ce chiffrage très intéressant et éventuellement les quelques euros supplémentaires de bonus que ce carbone séquestré peut apporter, ces premiers certificats ont un impact beaucoup plus fort :
• ils vont enfin prouver la puissance de l’agriculture de conservation en matière de séquestration du carbone. Cependant les pratiques agricoles ne doivent pas être orientées pour cet objectif de manière isolée ; c’est seulement la cohérence agronomique des approches mises en œuvre, la recherche de l’efficience énergétique et économique et de la productivité qui doivent conduire à ce résultat. Comme pour les nitrates, la séquestration du carbone ne doit être que l’une des bonnes conséquences des pratiques culturales déployées au sein d’un territoire.

Pour plus d’info sur l’agriculture du carbone :

https://agriculture-de-conservation.com/L-agriculture-du-carbone-un-projet-innovant-a-porter-ensemble.html
• Cette « rémunération » va bien évidemment soulever beaucoup de controverses et ouvrir des débats passionnels. Cependant elle risque inévitablement de nous éloigner des politiques de moyens, qui n’ont pas vraiment prouvé leur efficacité, vers des politiques de résultats beaucoup plus pragmatiques.
• Le carbone nous conduit inévitablement aux matières organiques des sols mais aussi à l’activité biologique. Ce nouveau focus va orienter plus de recherches et de mesures qui nous apporteront des informations pertinentes pour encore mieux gérer cette « boîte noire » et optimiser la séquestration en accélérant la régénération de nos sols.
• Enfin, le dossier carbone, assez bien compris du grand public va aussi permettre de vraiment mettre en avant l’agriculture, seule activité capable de capter avec la photosynthèse de grandes quantités de CO2 de l’atmosphère, et entre autres, l’ACS comme une troisième voie « vertueuse ». 176 t de CO2 représentent tout de même environ l’équivalent de 1,2 millions de km avec une voiture moyenne (150 g de CO2/km soit environ 5l de GO/100km de consommation). Vu sous cet angle, la contribution de l’agriculture en matière de limitation des émissions de GES montre toute sa puissance d’autant plus que l’effort engendre d’autres bénéfices écologiques et environnementaux !


29
juillet
2020

Si je pratique l’agriculture de conservation des sols, est-ce que je fais de l’agroécologie ?

L’agriculture de conservation des sols est parfois appelée à tord "non labour". C’est un ancien concept qui ne correspond plus à ce qui se passe vraiment sur le terrain en France chez les agriculteurs qui pratiquent l’agriculture de conservation des sols.
Nous avons évidement abandonné tout travail mécanique du sol et relayé cette action aux vers de terre et aux racines qui font beaucoup mieux avec seulement de la photosynthèse comme source d’énergie. Cependant, lorsque nous parlions de "non-labour" nous étions plus dans une posture négative. Aujourd’hui, l’opinion public est trop binaire et pour beaucoup de sujets comme avec l’agriculture on met trop en avant les "non quelque-chose". Cette posture est source de conflits et est le carburant de l’agribashing !
A partir du moment où on entre en agriculture de conservation des sols et en agroécologie, on adopte au contraire une posture positive. On ne va pas être anti-quelque-chose, on devient pro-ce-qui-est-mieux et qui va progressivement réguler ce qui peut nous ennuyer. En plus les impacts collatéraux ou externalités sont multiples et elles aussi positives.
Enfin ce changement de posture apporte de l’ouverture, de l’écoute et permet de continuer d’évoluer dans cette forme d’agriculture qui est plus une dynamique qu’un aboutissement.
Ainsi, limiter voire supprimer, le travail du sol, les phytos, l’azote n’est plus un objectif mais devient un moyen dans cette boîte à outils encore plus large afin que chacun fasse progresser son système de production en fonction de son contexte, ses contraintes et aussi ses propres attentes.
C’est la globalité de l’approche et la cohérence de juxtaposition de ces éléments qui nous mène vers une agriculture plus agroécologique.


9
septembre
2019

Les Danois découvrent l’AC Française

Frédéric Thomas s’est rendu au Danemark cet été et a pu rencontrer les chercheurs de l’Université de Copenhague et le réseau ACiste danois.

Il a donné une conférence sur la ferme de Hans Frederik Larsen, qui a mis au point avec son fils un semoir Cross-Slot adapté à ses terres hydromorphes (voir article TCS n°99).

Je propose ci-dessous une traduction (adaptée de Google Translate) de cet article paru sur le site de la FRDK (Foreningen forReduceret jordbearbejdning, association pour la réduction du travail du sol)


Agriculture de conservation : après les récoltes, la santé des sols

Les pionniers français encouragent une diversité accrue
05/09/2019 - écrit par Hanne Schønning, consultante en communication, FRDK

Depuis 25 ans, Frédéric Thomas, agriculteur français et pionnier de l’agriculture de conservation, a optimisé son domaine en utilisant la diversité dans la rotation des cultures, les cultures et les méthodes de culture. "Je suis l’homme de la diversité", dit-il, et estime qu’il devrait y avoir une place pour la diversité car elle offre une plus grande certitude dans l’agriculture.
 

Frederic Thomas donne une conférence sur la ferme de la famille Larsen au Danemark
Frederic Thomas donne une conférence sur la ferme de la famille Larsen au Danemark

 
Présentation à Barløegaard près d’Assens
Frédéric Thomas a expliqué comment il avait progressivement obtenu des rendements plus élevés et plus stables sur sa propriété de 230 hectares située en Bretagne, dans le nord-ouest de la France (il y a une erreur dans l’article sa ferme est en Sologne). Le sol est sablonneux et difficile à manipuler car il est gorgé d’eau en hiver et a tendance à sécher en été. La journée a été organisée par FRDK en collaboration avec la famille d’accueil Larsen à Barløegaard près d’Assens.

 
L’agriculture de conservation est un système de culture
Frédéric Thomas travaille depuis des années pour reconstruire ses sols, qui passaient d’un très mauvais état à un sol beaucoup plus fertile. La méthode a consisté à cultiver conformément aux principes de l’agriculture de conservation, à savoir le semis direct, jamais la même culture deux années de suite et toujours couvrir les résidus de culture ou de plantes de couverture. Aujourd’hui, dans ses champs, il a une croissance beaucoup plus luxuriante, des rendements plus élevés et un nombre beaucoup plus grand de vers de terre. Ce n’est pas seulement le semis direct qui fonctionne, mais la combinaison avec les autres facteurs. Grâce à une bonne rotation des cultures, aucune adventice ni aucune maladie ne se propage et grâce à la présence de résidus végétaux à la surface du sol ou à la croissance des cultures, la biomasse constituera un aliment délicieux pour les grands vers de terre effectuant un travail du sol naturel.
 
Les ruminants pâturent après les récoltes
Frédéric Thomas travaille avec un jeune agriculteur qui a des moutons qui pâturent sur les résidus et couverts en hiver. De plus en plus de personnes pensent que le pâturage est le quatrième pilier en agriculture de conservation. Le système digestif des ruminants commence la conversion du carbone hautement dégradable. La circulation dans le sol se poursuit et il a été démontré que cette interaction entre les ruminants et la biologie du sol contribuait à la stabilisation du carbone dans le sol.
 

La co-culture offre une plus grande sécurité
Il est maintenant impossible d’éviter les associations de cultures, qui sont testées par de plus en plus d’agriculteurs, également au Danemark. Frédéric Thomas, par exemple, sème le colza d’hiver et le sarrasin ensemble. Le sarrasin libère du phosphore au profit du colza d’hiver. La récolte mûrit rapidement, il a donc souvent réussi à la récolter en octobre avec un rendement compris entre 500 et 1 500 kg de graines par hectare. "S’il n’est pas possible de récolter, laissez simplement le sarrasin et il gèlera pendant l’hiver". Une autre bonne raison d’avoir une culture associée dans le colza est que, par expérience, il y a moins d’infestations de ravageurs sur le plant de colza, car les parasites semblent confus que le champ contient autre chose que "l’aliment préféré".
 
Les post-récoltes doivent être cultivées comme une culture
Depuis 2003, Frédéric Thomas expérimente diverses cultures, notamment les tournesols, qui ont des racines profondes et qui ne sont pas particulièrement sensibles à la sécheresse et qui conviennent donc à son sol sablonneux. Le point commun à toutes les cultures est qu’elles doivent être semées comme toute autre culture le plus tôt possible. Ils doivent être fertilisées et prises en charge tout au long de la saison de croissance. Peu à peu, il aime mélanger de nombreux types de cultures. Celles-ci ont, entre autres choses, des racines différentes, certaines vers le bas et d’autres ont des racines, ce qui est très utile pour répartir l’azote dans les couches supérieures du sol. Une récolte importante peut produire 5,8 tonnes de biomasse par an. Il a mesuré jusqu’à 160 kg d’azote par hectare. hectares. Comme l’azote de cette biomasse n’est libéré que lentement, on mesure souvent environ 25-30 kg d’azote par hectare disponible avant l’hiver, le risque de lessivage est donc minime.
 
 
Enlève la paille avant le colza d’hiver
La paille à la surface du sol revient à retirer les aliments d’un colza nouvellement établi. L’azote, qui est important pour le colza à proximité immédiate de la graine, est rapidement consommé par la paille coupée, ce qui entraînera une croissance plus pauvre et plus lente pour la petite plante, qui ne contient que peu de fertilité dans la petite graine. Par conséquent, Frédéric Thomas conseille soit de retirer la paille, soit d’établir le colza d’hiver après les pois ou les féveroles, qui présentent un faible rapport C / N et ne consomme donc pas l’azote du sol lors de la dégradation des cultures.
 
Réseau français sur l’agriculture de conservation
Grâce à ses compétences techniques et à sa connaissance approfondie des sols, Frédéric Thomas est aujourd’hui l’un des spécialistes de l’agriculture de conservation, où il joue un rôle actif non seulement en France, mais également dans le reste du monde.

Retrouvez ici l’interview de Hans Frederik Larsen l’agriculteur qui a accueilli Frédéric :

Et de son fils Frederik :

La famille Larsen fait partie du réseau Les Agron’Hommes, pour que les jeunes apprennent l’agroécologie par l’expérience dans les fermes du Monde.
Plus d’informations : www.lesagronhommes.com


4
mai
2018

Les vers de terre migrent

Ver de terre migrant
Ver de terre migrant
Crédits : Pixabay / catarina132

Avec le printemps plutôt humide et la végétation qui démarre, les vers de terre reprennent leurs activités après un long hiver à l’abri du froid et des intempéries.

Normalement nos sympathiques collaborateurs sont très prudents et on les trouve rarement à la surface pendant la journée. Ils sont sensibles aux ultra-violet et leur peau perd rapidement son humidité sous le soleil. A la surface, ils s’exposent également à toute une cohorte de prédateurs alors pourquoi en retrouve-t-on après une grosse pluie ou un orage dans les chemins, sur la route et même au beau milieu de la cour ?

Ils souffrent plus du manque que de trop d’eau

Plusieurs théories tentent d’expliquer pourquoi les vers de terre sortent de leur galerie protectrice et s’exposent aux éléments et prédateurs. La plus courante est que les vers de terre fuient leur galerie emplie d’eau pour éviter la noyade. Cependant les chercheurs ont repoussé cette idée en montrant que nos lombrics peuvent vivre plusieurs jours immergés dans l’eau. En fait, ils souffrent plus du manque que de trop d’eau car leur peau doit rester humide pour assurer leur respiration.
Une autre version populaire est que le « tambourinage » des gouttes de pluie sur le sol déclenche des vibrations similaires à celles de prédateurs comme les taupes. Les vers fuiraient donc vers la surface pour s’échapper. C’est d’ailleurs un moyen utilisé par certains oiseaux mais aussi les pêcheurs pour en capturer quelques-uns.
Les vers remontent en surface également pour s’accoupler mais ils préfèrent une couverture végétale et l’obscurité. Il y a donc autre chose qui les pousse à de tels agissements lors des fortes pluies.

C’est la contrainte qui pousse à s’exiler

Les scientifiques arrivent aujourd’hui avec une explication plus plausible : ils pensent que cet environnement humide apporte un terrain idéal pour la migration des vers de terre. Ces conditions leur permettent de tenter de changer d’endroit contrebalançant les risques de croiser le bec d’un oiseau affamé ou de se retrouver grillé par le soleil revenu au milieu de la cour.
Cette hypothèse soulève donc une question de fond : pourquoi les vers de terre migrent-ils quitte à prendre tous ces risques ? Sont-ils à la recherche d’aventure, explorent-ils de nouveaux terrains de jeux ou fuient-ils des conditions de vie trop compliquées chez des agriculteurs travaillant leur sol ? La réponse semble assez facile et c’est toujours la contrainte qui pousse à s’exiler et entre autres, surtout le manque de ressource alimentaire. Ces vers de terre sont donc des individus affamés et sans avenir là où ils sont qui tentent leur chance, au grand péril de leur vie, de trouver un nouveau lieu et environnement pour survivre.

Plusieurs enseignements s’imposent donc ici :
- La nature possède une forte capacité de dispersion ce qui lui permet de recoloniser assez rapidement des milieux où elle avait été repoussée. C’est certainement par ce type de migration que les vers de terre ont progressivement réinvesti vos parcelles en AC.
- La préservation d’une couverture végétale vivante et/ou morte à la surface est aussi très stratégique afin de leur permettre de se déplacer avec beaucoup moins de risques.
- Le travail du sol à cette époque de migration peut être très impactant.
- Enfin et si le travail du sol est le plus gros « prédateur » des vers de terre devant toutes les autres pratiques culturales, la ressource alimentaire sera le facteur limitant principal. Le niveau de biomasse produit et laissé au champ, sa qualité (C/N et sucres) et sa continuité (régularité dans le temps) déterminent l’énergie disponible d’un milieu et donc le potentiel global de vie. Même dans une parcelle conduite en AC depuis de nombreuses années, la régulation et la dispersion de l’activité biologique s’établi par une compétition âpre entre les différents étages et les individus. Les plus faibles finiront par mourir de faim, être consommés par d’autres ou s’ils en ont la possibilité et encore la force, ils tenteront leur dernière chance en prenant leur baluchon comme ces vers de terre et fuir lorsque les conditions leur semblent favorables.
Cependant il ne faudrait pas croire que ce type de migration est moins présent chez vous sous prétexte que vous être en SD avec beaucoup de couverts Biomax et des pratiques phytos réduites. C’est plutôt le contraire, vous êtes tellement bons à les accueillir, les nourrir et les préserver qu’ils se multiplient très bien avec un « surplus » de population important qui obligera plus de tentatives de migration. C’est une sélection sans pitié qui règne dans nos champs et ce ne sont pas les plus forts et les mieux adaptés qui restent. Par contre, une grande partie de ceux qui tentent l’aventure périra mais ce ne sera que leur juste contribution aux écosystèmes environnants. Il faut savoir partager un peu de ses vers de terre et de ses carabes pour encourager les oiseaux par exemple. La nature est peut-être « belle » mais terriblement « cruelle » et génialement bien « organisée ».

Hérisson mangeant un ver de terre (vidéo)
Hérisson mangeant un ver de terre (vidéo)
Source : http://footage.framepool.com/mov/639-321-467.mp4