Frédéric Thomas

  • Maïs sous plastique en Bretagne
11
décembre
2009

Chantier de labour dans le bassin parisien

Un peu de maths pour se donner bonne conscience et considérer les économies que vous êtes en train de faire en lisant ce « post » plutôt qu’en écoutant les « Grosses têtes » dans votre cabine tout confort cet hiver :

- Voici un tracteur 500 CV avec 13 corps de charrue ;
- Prenons une utilisation de seulement 70% de la puissance, cela ne fait plus que 350 CV utilisés (500 CV x 0,7 = 350 CV) ;
- Sachant qu’un CV consomme en moyenne 280 g/CV/h, notre tracteur brûle la bagatelle de 122 L/h (0,280 kg x 350 CV / 0,8 (densité gazole) = 122 L/h) ;
- Notre bel attelage doit être capable de labourer environ 2,7 ha/h (35 cm x 13 versoirs x 6 km/h = 2,7 ha/h) ;
- Enfin, cela représente une consommation moyenne de 45 L/ha (122 L/h / 2,7 ha/h = 45 L/ha) et donc un coût à valeur du carburant actuelle d’environ 22,5 €/ha minimum ou 45 €/ha valeur juillet 2008 ;
- Puisque nous sommes à la veille des négociation de Copenhague cette consommation d’énergie représente également 117 kg de C02/ha (45 L/ha x 2,6 kg de CO2 émis par L de gazole) ;

Cette émission directe représente cependant une misère en matière de réchauffement climatique en comparaison du carbone émit par la minéralisation de la matière organique occasionnée par le travail du sol : une étude présentée par Don Reicosky, chercheur de l’USDA, a montré que la perte de CO2 sur 24h pouvait représenter 2 290 kg/ha pour un labour à 28 cm !

Bien entendu ce calcul ne tient nullement compte du temps de manœuvre et de transport qui vont faire largement augmenter la facture à l’hectare réellement travaillé, ni le coût du matériel qui est largement supérieur dans ce cas de figure au gasoil consommé. Vu sous cet angle, économiser du temps et de la main d’œuvre représente un coût alors que sous l’angle de l’agriculture de conservation économiser du temps et de la main débouche de fait sur d’autres économies et entre des économies de fuel et de mécanisation substantielles.


10
juillet
2009

OGM, pas si intéressant que ça

A votre avis, quelle est la culture représentée sur la photo ? Un maïs raté envahi de soja ou un soja raté envahi de maïs ? La réponse est qu’il s’agit en réalité d’un champ de soja RR " Round-up Ready " dans lequel les repousses du maïs précédent, lui-même RR, n’ont pas été atteintes par le programme de désherbage. Elles vont demander un rattrapage anti-graminée spécifique. Cette image rapportée de ma dernière visite aux USA l’année dernière, n’est pas exceptionnelle et illustre de manière assez forte mais évidente ce que les farmers américains mais aussi argentins et brésiliens commencent à rencontrer comme difficultés. Au bout d’une dizaine d’années, l’aspect magique des OGM se ternit progressivement et les agriculteurs constatent les limites techniques mais également économiques d’un système présenté comme idéal à l’époque.

Le risque sanitaire sur le quel se focalise le refus français, maintenant soutenu par les allemands et d’autres pays européens, existe certainement mais d’un point de vue global et agricole il est loin d’être le plus important. Les autres risques, plus insidieux, mais déterminants ne sont que trop rarement intégrés dans les débats :

- La maîtrise des semences de toutes les grandes cultures par un nombre très restreint de semenciers leur donnent un immense pouvoir de décision sur qui approvisionner et à quel coût. L’interdiction « contractuelle » pour les agriculteurs de ressemer leurs semences ou l’impossibilité biologique de le faire avec des variétés de type « hybride » ou par l’introduction du gène « Terminator » rend extrêmement problématique la sécurité alimentaire de n’importe quel pays. On retrouve ici la diabolique arme alimentaire avec le « tu acceptes mes conditions sinon je ne te permets pas de cultiver ta nourriture ». En complément, le concept émergeant d’agriculture écologiquement intensive repose sur la multiplication des plantes et des semis, principaux intrants de cette nouvelle voie : accroître davantage la pression économique sur les semences devient donc un non sens agronomique.

- La concentration de la production agricole mondiale sur très peu d’espèces et de génomes, déjà préoccupante, ne ferait que diminuer davantage la biodiversité. A la moindre tare ou problème sanitaire, le risque planétaire est trop important. C’est d’ailleurs le cas actuellement du troupeau laitier qui avec une génétique mondiale qui repose sur moins d’une centaine de géniteurs et de familles, présente déjà des problèmes de consanguinité majeurs.

- Enfin, l’aspect « magique » d’un contrôle unique et permanent avec une nouvelle technologie, aussi performante soit-elle, ne tient jamais dans le temps. Les résistances apparaissent toujours pour apporter la diversité que l’agriculteur a négligé de cultiver. Les repousses de maïs RR dans le soja de cette parcelle ne sont qu’une illustration de ce qui ce passe en matière d’adventices, de maladies et de ravageurs. A titre d’exemple on peut citer le développement d’adventices résistantes au glyphosate aux États-Unis qui demandent un retour aux herbicides racinaire en plus du glyphosate ou encore l’apparition d’un nouvel insecte ravageur du soja et du maïs "Japenese Corn Beattle" qui nécessite l’application d’insecticides en végétation malgré le gène Bt. Avec ces difficultés que découvrent les premiers utilisateurs et la nécessité de revenir à des traitements phytos classiques en complément, les bénéfices environnementaux annoncés ne sont plus au rendez-vous et les avantages économiques alléchants pour les producteurs disparaissent d’autant plus vite que le prix des céréales est bas.

Après les pesticides, les OGM ont peut-être été présentés un peu trop vite comme une solution miracle qui pouvait résoudre tous les problèmes. La réalité agronomique et écologique rattrape cependant toute simplification et montre que seule la diversité (des modes de lutte, de cultures et d’approches) est gage de durabilité. Ceci dit, la position européenne est sans doute extrême et donne l’impression de " jeter le bébé avec l’eau du bain. Les biotechnologies ne se limitent pas à faire produire des molécules biocides ou anti-biocides et certaines pistes telles que le " smart breeding " semblent intéressantes, sans oublier que les biotechnologies sont devenues un outil décisif en médecine par exemple.

Enfin, avec cet exemple, nous pouvons répondre à ceux qui argumentent que notre agriculture est en train de prendre 10 ans de retard en refusant les OGM, qu’elle est peut-être en train de prendre 10 ans d’avance sur les chemins de l’agriculture écologiquement intensive.


18
mai
2009

Exportation de paille de céréale pour la production d’énergie

Si cette idée semble, a priori, une solution intéressante dans un contexte de renchérissement des énergies fossiles et d’orientations plus respectueuses de l’environnement car la paille est un produit renouvelable issu de la photosynthèse, avant de s’engager massivement dans cette voie, il convient de prendre en compte les éléments suivants :

- La paille, comme tous les résidus organiques, c’est de l’humus circulant qui protège et structure le sol, qui nourrit l’activité biologique, qui soutient une partie de la CEC et contribue même à l’amélioration de la capacité de rétention. Les exportations de paille ne peuvent qu’entraîner l’appauvrissement organique et biologique des sols, un inconvénient majeur lorsque l’on souhaite s’appuyer sur ces fonctions naturelles pour limiter voire supprimer le travail du sol.

- La paille c’est aussi des éléments minéraux, un peu d’azote, de phosphore et beaucoup de potasse pour les principaux mais, comme tout produit organique, elle contient également des quantités non négligeables d’oligo-éléments divers et non renouvelables qui seront eux aussi retirés. Les exportations de pailles entraîneront une baisse lente mais inéluctable de l’auto-fertilité exigeant une augmentation des besoins en fertilisant sur le long terme et pas seulement en NPK !

- La collecte de la paille occasionne également un trafic supplémentaire et souvent lourd dans les parcelles, qui, selon les conditions climatiques, peut entraîner des compactions nécessitant des reprises mécaniques pour les cultures suivantes et donc une dépense énergétique supplémentaire. Si cela est un coût qu’il faudra mettre en face du produit dégagé par la vente de paille, c’est cependant une contrainte majeure pour les TCSistes qui cherchent un poids et une circulation minimum dans les champs afin de limiter le travail du sol.

- La collecte de paille entraine une concentration des menues pailles, retarde les opérations de déchaumage et/ou les semis précoces ou sous la coupe de la moissonneuse de couverts végétaux qui sont, au-delà des contraintes environnementales, d’intéressants outils agronomiques dont il faut apprendre à tirer profit et qui en aucun cas ne remplaceront la paille exportée.

- Enfin, la paille c’est de l’énergie mais c’est un élément très pondéreux dont la collecte et le transport vont également demander beaucoup d’énergie à laquelle il conviendrait d’ajouter celle des engrais pour remplacer les fertilisants exportés et celle directe et indirecte pour le travail du sol supplémentaire afin d’avoir une meilleure idée du bilan énergétique réel de cette opération.

Au vu de ces éléments, il est possible ponctuellement d’exporter un peu de paille mais une généralisation massive est beaucoup plus risquée sur le moyen terme pour les sols mais aussi l’économie des exploitations agricoles. De plus, si tel est le cas, il faut de préférence orienter les flux vers des utilisations « nobles » et non vers de la production d’énergie. Car sur ce sujet, et comme beaucoup, nous avons tendance à réfléchir substitution : quelle énergie « verte » pour remplacer quelle autre « fossile ». A ce titre, les Américains ont réussi, en transformant une grande partie de leur maïs en éthanol, à ne produire que 3 % de l’essence consommée par le pays ou les Allemands, champions du monde de l’éolienne avec 20 000 machines ne produisent que 5 % de leur électricité et de manière très aléatoire, lorsque le vent est complaisant.

En matière d’énergie, il est donc plus productif et durable de réfléchir avant tout aux économies car celles-ci sont durables et sans aucune controverse environnementale. De plus et à l’instar de ce qui se fait en matière de simplification du travail du sol, de couverts végétaux producteurs d’azote et promoteurs d’auto-fertilité et d’agriculture de conservation en général, il existe d’importants gisements d’économie en agriculture mais également à beaucoup de niveaux de la société qu’il va falloir apprendre à exploiter.


4
mai
2009

Est-ce que les cailloux remontent naturellement dans le sol ?

Non bien entendu et pour plusieurs raisons. Déjà par simple notion de physique : une pierre possède une densité comprise entre 2 et 2,5 alors qu’un sol normalement structuré a quant à lui une densité de 1,2 à 1,3 soit moitié moins. Comme les corps lourds ont tendance à descendre dans un corps plus léger meuble, il n’y donc aucune raison pour que les pierres remontent à la surface. D’autre part, le sol se forme en général à la surface d’une roche d’où le terme « roche mère ». Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le développement de la végétation spontanée dans une cour, sur un mur ou encore sur un vieux toit. Même dans ces environnements pourtant peu propices, une fine pellicule organique finit par apparaître et recouvrir la roche. Enfin, dans un sol vivant où on laisse les résidus organiques à la surface, l’activité biologique, et entre autres le travail des vers de terre, en remontant continuellement d’importantes quantités de sol, finissent par ensevelir les pierres et autre éléments solides laissés à la surface.

Ainsi et comme le montre de manière assez criante cette photo prise entre deux champs dans le Berry en février dernier, le type d’agriculture et l’agriculteur peuvent avoir un énorme impact sur l’évolution de son sol. A gauche, une gestion inappropriée et un travail intensif ont fait remonter les pierres à la surface rendant le travail du sol difficile, alors que dans la parcelle de droite, l’abandon du labour et une orientation très semis direct ont permis de remettre un peu de terre au dessus des pierres. Enfin, il est clair qu’avec encore plus de recul, cette situation va continuer de s’améliorer pour obtenir une surface quasi indemne de cailloux facilitant encore plus le semis et l’installation des cultures.


3
avril
2009

Voici l’histoire d’un petit lac dans le Lot-et-Garonne

Ce petit lac fait 3 ha et il a été creusé en 1978 pour retenir 100 000 m3 d’eau afin d’irriguer les cultures de l’exploitation de la famille Auneau à Monteton (maïs et pruniers). Déjà envasé, 30 000 m3 de boue ont été retirés dans les années 90. Cet hiver, après avoir vidé la réserve pour consolider une digue, Stefan, le fils aîné, installé depuis 1998, constate que le lac est à nouveau rempli de boue : 40 à 50 000 m3 se sont sédimentés dans le fond sur 1,5 m et la capacité de stockage est réduite de moitié. Pire encore, le curage qui est aujourd’hui inévitable afin de conserver la capacité d’irrigation, va revenir au moins à 1€/m3, un coût d’entretien dont les agriculteurs se seraient bien passés en cette période de récession.
Constatant que la vase que l’on retrouve dans le lac est la meilleure terre du petit bassin versant (450 ha) où se trouve une partie de sa ferme, cette situation a fortement interpellé S. Auneau qui a entamé une vraie remise en cause avec une avalanche de questions. « Même si l’on peut accuser les remembrements, les arrachages de haies et l’agrandissement des parcelles, » convient-il « la gestion des sols, l’approfondissement des labours et le déploiement du maïs avec des intercultures vides sont aussi largement responsables ». A ce titre, son père remarque que les terres reprises lors de départs en retraite se sont toujours bien travaillées au début mais sont progressivement devenues massives, nécessitant plus de puissance. « Nous sommes face à un non sens économique et agronomique et il est urgent de changer notre façon de travailler » conclut le jeune agriculteur « Mon cas n’est pas isolé car le département du Lot-et-Garonne compte environ 3500 retenues comme la mienne et avec le même état d’envasement ».
Ce témoignage, où l’agriculteur est plusieurs fois victime de l’érosion (perte de la fertilité dans les parcelles en amont, réduction de la capacité de stockage de sa réserve pour l’irrigation mais aussi celui qui va en partie devoir supporter les coûts directs et induits), est un véritable cas d’école. C’est cependant, une chance que cette terre ait été retenue dans ces lacs construits sur des petits cours d’eau à l’embouchure de micro bassins versants. D’une part elle n’a pas été évacuée plus loin pour venir augmenter les montagnes de sédiments charriés par les rivières jusqu’à la Garonne qui se charge de tout rejeter dans l’océan. D’autre part, l’envasement des lacs mais surtout les coûts de curage vont sûrement motiver un grand nombre d’agriculteurs de la région aux TCS et SD, un peu las, enfin, de jouer les Shadocks !!!

Petit calcul : si l’on admet que ce lac a collecté 70 000 m3 de vase en 30 ans et que cette boue correspond à 140 000 m3 de sol en place (densité moyenne de 1,2), cela représente environ une érosion de 3,5 cm sur toutes les terres du bassin versant où la perte de 50 ha de terre sur une épaisseur de 25 cm. Difficile dans le cas présent de parler d’agriculture durable…


5
novembre
2008

Et en plus ça se mange

structuratorLes premiers essais avec les radis « Structurator » semblent donner des résultats très intéressants avec la production de racines très imposantes en seulement 3 mois de végétation. Ces informations corroborent les résultats présentés par Steve Groff sur son site et qui sera très prochainement l’intervenant lors des journées organisées par BASE entre les 24 et 28 novembre prochains.

Autre détail intéressant ce radis, appelé aussi radis chinois par les jardiniers, se mange. Avec une bonne baguette et un peu de beurre salé son goût est d’ailleurs très similaire au radis classique que l’on consomme au printemps. Si en plus de travailler naturellement le sol on produit gratuitement un excellent légume frais d’automne, c’est tout bénéfice !!! Il va seulement falloir que les vers de terre apprennent à partager un peu de leur casse-croûte avec nous !!!