Frédéric Thomas

  • Maïs sous plastique en Bretagne
14
mai
2015

Sol vivant et fertilité ?

Sol vivant et fertilitéVoici une photo récente de 2 containers avec du blé prise dans le laboratoire de l’Unité de Recherche LEVA (Légumineuses, Écophysiologie Végétale, Agroécologie) de l‘Ecole Supérieure d’Agriculture d’Angers. Pour les besoins d’une expérimentation sur les interactions entre le couvert végétal et les organismes du sol, la terre de l’un de ces containers a été stérilisée (traitement thermique) pour obtenir un sol indemne de toute vie (bonne ou mauvaise) tandis que dans l’autre container, le sol a été laissé intact (directement issu du champ). Pour les besoins de l’expérimentation, le sol n’a volontairement pas été fertilisé. Trois mois après le semis de la céréale en mélange avec un trèfle et sans aucun apport d’engrais la différence de croissance et de comportement est édifiante.

A votre avis, lequel des containers a été stérilisé ? A votre avis, dans lequel de ces containers la céréale est la moins atteinte de maladies ?

Eh bien, contrairement à ce que la grande majorité pense, c’est le container de gauche qui a été stérilisé

Cela signifie-t-il qu’il est préférable de stériliser le sol pour obtenir des céréales productives et en bonne santé et que nous avons tort d’essayer de développer des sols vivants, par nos pratiques ? Non bien entendu ! Cependant cette observation met remarquablement bien en avant le dilemme entre les bénéfices à court terme sur lesquels repose la majorité de nos grandes théories et pratiques agronomiques en opposition avec la conservation et même le développement de la fertilité des sols à moyen et long terme. Effectivement le blé pousse mieux dans le container de gauche. C’est ce même constat très banal qu’ont fait les hommes depuis les prémices de l’agriculture. Ainsi et pour garantir leur alimentation, ils ont et sans vraiment l’intégrer, choisi et développer des techniques « agressives » comme le feu, qui détruit non seulement la vie du sol, mais aussi la matière organique comme dans cette expérimention, le travail du sol, les phytos jusqu’à la stérilisation du sol. Le visuel (encore très présent aujourd’hui dans les milieux agricoles) et le court terme ont été toujours mis en avant sans prendre en compte la durabilité de leurs approches. Difficile de leur en vouloir puisqu’il s’agissait souvent plus de survie qu’autre chose, mais en 2015 il est peut-être possible de penser et d’envisager, grâce à nos connaissances, l’agriculture autrement.

En fait cette expérience démontre superbement bien plusieurs points :

- L’effet prairie. C’est l’élimination de toute ou partie de la vie du sol, quel que soit le procédé, qui déclenche, par la minéralisation des corps des constituants de faune et flore, un flush de fertilité minérale. Même si les plantes ne peuvent plus s’appuyer sur la collaboration qu’elles peuvent attendre dans le sol, elles trouvent une masse importante de nutriments de qualité qui leur permet cette croissance. Ce qui est terrible, c’est que plus l’action de destruction est forte, mieux ça pousse, ce qui donne envie de recommencer et même de faire encore plus. Le travail du sol risque donc de séduire encore beaucoup d’agriculteurs pendant longtemps !

- En pratique, on voit aussi qu’une plante bien nourrie et qui se développe correctement est souvent plus saine. Elle est moins la victime de maladies et de ravageurs qui ont en grande partie la responsabilité écologique d’éliminer les individus faibles et chétifs (action de sélection naturelle). Ceci est vrai même si le sol manque d’auxiliaires et d’individus antagonistes sensés protéger la plante de beaucoup d’agression. Faut-il encore vraiment croire aux équilibres biologiques et régulations naturelles ?

- Le moyen et long terme n’ont jamais été beaucoup intégrés dans les raisonnements agronomiques souvent basés sur la productivité immédiate. Si l’on répétait cette même expérience avec le même substrat sur plusieurs saisons il y a fort à parier que les tendances s’inverseraient assez vite. Aujourd’hui et avec nos connaissances nous pouvons prendre en compte cette dimension indispensable en terme de durabilité et continuer de travailler et évoluer dans ce sens tout en garantissant le quotidien.

- Notre principale difficulté en AC. La minimisation voire la suppression du travail mécanique, bien qu’il soit très positif pour la vie du sol, limite de fait et de manière importante la fertilité disponible. Il sera donc difficile d’installer des cultures performantes en TCS et à fortiori en semis direct sans localisation d’une partie de la fertilité que ce soit en conventionnel ou en AB. Ce sera un compromis indispensable pour profiter ensuite de sols plus vivants et plus aptes à gérer et distribuer la fertilité mais aussi l’eau tout en développant une activité biologique collaboratrice comme les mycorhizes.

Enfin cet exemple montre bien qu’il n’existe pas de monde idéal en agriculture et que la fourniture d’un flux plus important de nutriments reposera toujours sur la décomposition de vies que l’on agresse. Tout est donc histoire de compromis et de dosage subtils, comme nous tentons de le faire dans nos approches AC, pour garantir le quotidien tout en préservant l’avenir.


22
septembre
2014

Est-ce que les légumineuses cèdent beaucoup d’azotes aux plantes compagnes pendant leur croissance ?

Avoine et luzerne associéesVoici la communication d’une expérimentation qui date de plus de 30 ans transmise par un technicien de la Chambre d’Agriculture du Tarn. A première vue il semble logique d’affirmer, comme il est communément admis, que la légumineuse fournit de l’azote à la graminée. Avec 50 % voire plus de trèfle blanc, le mélange dactyle-trèfle avec 0N, produit autant de matière sèche que le dactyle pur avec un apport de 240 kg N/ha (azote non limitant). Les bactéries symbiotiques du trèfle contribuent à l’alimentation en azote du trèfle, mais à celle du dactyle en mélange.

Azote et trèfle blanc dans les prairies Cependant nous allons considérer différemment cette équation et affirmation un peu simpliste.

Premièrement, on constate une petite progression de la production notamment dans la modalité avec fertilisation azotée non limitante hors mis l’effet année et météo. Cet élément pourrait être une forme de croissance du volant d’auto-fertilité (+ de fourrage —> + de racines —> + de résidus —> + d’activité bio qui au final finance mieux et de manière autonome la production des années suivantes. Pour la partie dactyle + trèfle sans fertilisation azotée c’est le même constat. Si le trèfle ne cède pas directement de l’azote au dactyle il le fait dans le temps avec la décomposition de ses vieilles racines et de la biomasse laissée au sol. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il existe une grande différence de gestion de la fertilité entre une récolte par pâturage (retour de la fertilité) ou par fauchage (exportation de la fertilité).

Ensuite sortons la calculatrice :

- En 1981 et pour le dactyle seul la production totale est de 9 t de MS. Si nous estimons que la biomasse de cette graminée peut contenir 32 kg de N/t de MS, ce niveau de production représente une mobilisation d’environ 288 kg de N/ha soit presque 300 kg de N/ha. On peut donc admettre que 200 kg de N ont été fourni par l’apport d’engrais (moins la volatilisation, l’immobilisation et le lessivage éventuel) et 100 kg/ha par l’auto-fertilité du sol. Pour simplifier ce calcul on va volontairement ignorer l’azote nécessaire pour le développement du système racinaire qui peut représenter à lui seul50 à 80 Kg de N/ha supplémentaire (Une auto-fertilité atteignant 150 à 180 kg de N/ha n’est pas hors norme en système élevage).

- En 1981 mais pour l’association dactyle-trèflela production en biomasse est presque similaire (9t) mais sans aucun d’apport d’engrais azoté. Pour simplifier le calcul et comme le trèfle représente 53% de cette biomasse prenons une production de 5 t de MS/ha de trèfle et 4 t de MS/ha de dactyle. Cela nous fait donc 5 X 40 (N moyen de la biomasse sèche des légumineuses) + 4 X 32 (N Moyen des graminées) = 328 kg de N/ha. Nous trouvons donc ici dans la biomasse aérienne même 30 kg de N/ha en plus que dans la modalité fertilisée pour couvrir les erreurs d’appréciation et aussi le petit supplément de production. Ils proviennent certainement de multiples facteurs : développement de l’auto-fertilité, (à ce titre la portion de trèfle baisse progressivement au cours des années ce qui est normale car la fourniture du sol en azote progresse), accroissement de la profondeur d’enracinement, stimulation de l’activité biologique, développement de la rhizosphère et aussi quelques échanges racinaires.Par contre, dans cette modalité le dactyle n’a prélevé réellement que 128 kg de N/ha, une quantité d’azote qu’il a pu en grande partie trouver dans les fournitures du sol et sans vraiment faire appel à son voisin le trèfle qui est plutôt son conçurent pour l’eau et la lumière.

- Si l’on fait la même approche avec l’association en 1978 ou le trèfle est beaucoup dominant (73%). Cela représente 6,5 t de MS/ha de trèfle et plus que 2,5 t de MS/ha de dactyle. En faisant le même calcul (6,5 X 40 + 2,5 X 32 = 330 kg de N/ha dans la biomasse) on retrouve nos petits et sans intégrer beaucoup d’échanges entre les plantes.Pour info une luzerne peut fixer entre 250 et 350 Kg de N/ha/an (E. Triboï INRA Clermont). Il est d’ailleurs normal que le dactyle progresse au cours des années dans le mélange comme il bénéficie d’une fertilité croissante et des arrières effet du trèfle.

Ainsi ces calculs rapides montrent que le transfert d’azote entre la légumineuse et une graminée dans une association n’est pas une idée fausse mais largement surfaite. La dynamisation qui est souvent observée est certainement liée à d’autres phénomènes comme le développement du système mycorhizien et la stimulation de l’activité biologique via une forte augmentation des exsudats racinaires (priming effect). Par contre, si l’effet n’est pas immédiat, il y a réellement accumulation d’azote qui profitera aux cultures suivante.

Enfin et au regard des résultats (pas des calculs) de cet essai comme de beaucoup d’autres ou l’on produit autant de biomasse, certainement de meilleure qualité tout en économisant 250 kg de N/ha/an avec en prime tous les autres avantages pour la vie du sol et l’environnement, on se demande pourquoi beaucoup d’agriculteurs s’obstinent encore a faire pousser du ray-grass sans légumineuse et même du blé ou du colza.

POURQUOI plus de trente ans après ont se pose encore la question alors que c’est une évidence !

Sur le même sujet : Légumineuse, fixation d’azote et transfert


27
août
2014

Voilà que les Australiens se remettent à labourer !

JPEG - 84.6 koVoici le lien vers un article de FarmWeekly (hebdomadaire agricole anglais) et la vidéo qui présente le labour et les explications de l’agriculteur, Mr Smart. Anciennement en SD sur les 14 000 ha de cultures de son exploitation de 22 000 ha, il présente ses motivations pour le retour au travail intensif ainsi que les premiers résultats obtenus.

Il prétend gagner 0,4 t/ha grâce au labour lors d’expérimentations menées sur sa ferme l’année dernière. Il faut comprendre que ce gain de productivité est énorme dans le contexte de l’Australie Occidentale (WA) ou les rendements moyens sont en dessous des 2t/ha. Il affirme également qu’il est passé d’une dépense de 120 $/ha (85€/ha) en herbicide pour une gestion du salissement très moyenne à 70-90 $/ha (50-65 €/ha) en labour avec 95 % de contrôle dès la première année. Enfin, dans une région ou la pluviométrie annuelle ne dépasse pas 300 à 350 mm, beaucoup de sols sont réputés comme étant non humidifiables ou hydrophobes (non-wetting soil) : le labour semble également avoir amélioré la capacité d’infiltration du sol. Rassurez-vous, je ne suis pas en train de vous dire qu’il faille râteler les charrues mais il me semble intéressant de décortiquer cet exemple avec notre niveau actuel de connaissances en matière d’AC.

1) l’amélioration de rendement :

C’est presque logique qu’un sol, après de nombreuses années de TCS light et quelques années de SD, soit capable de porter une meilleure production. Nous sommes ici typiquement dans « l’effet prairie » : la forte minéralisation de la matière organiques et la destruction d’une partie de l’activité biologique booste la fertilité minérale qui favorise la première culture. L’observation est juste mais j’ai bien peur qu’elle ne dure pas longtemps surtout dans ces conditions pédoclimatiques particulières. En complément, cette augmentation de rendement de tout de même 20 % démontre que ce n’est pas vraiment l’eau qui est le facteur limitant, comme trop souvent évoqué dans cette région, mais avant tout la fertilité du sol. Il y a d’autres moyens plus habiles pour la doper sans aller piocher dans le capital !

2) La bien meilleure gestion du salissement :

Aucun doute qu’un labour qui retourne complètement le sol, comme Mr Smart le précise, est extrêmement efficace sur la réduction de l’enherbement après toutes ces années de TCS et SD. Il enseveli un stock semencier important accumulé en surface et ressort un sol « vierge » ou pas encore pollué par des graines d’adventices. Par contre et comme pour la fertilité, l’affaire ne durera pas. Très rapidement l’ensemble du profil va se retrouver avec des graines et l’efficacité du premier passage va s’estomper avec cependant un gradient différent en fonction des adventices. Certaines comme les graminées seront plus impactées par le labour alors que beaucoup de dicots ne le seront que très légèrement voire pas du tout.

Cette situation ou le coût de désherbage atteint 85 €/ha pour un rendement de 2t/ha et la réaction radicale de cet agriculteur fait ressortir le niveau de pression du salissement qu’ont atteint les australiens en s’accrochant à la quasi monoculture de blé. Aujourd’hui le tout chimique est très onéreux avec des résultats moyens et l’apparition de beaucoup de résistances comme avec le ray-grass. Cette pression les pousse pourtant à réfléchir, mais pour l’instant c’est plus d’énormes broyeurs de graines d’adventices que l’on tire à l’arrière des moissonneuses batteuses qui semble être LA SOLUTION (cf TCS 74 page 12) ou encore plus radicale : le retour au labour comme ici. Malheureusement cela les éloigne du mode de gestion du salissement le plus efficace, le plus économique mais aussi le plus durable : la rotation. A ce titre, nous pourrions conseiller fortement Mr Smart de lire l’article « Contrôle du ray-grass : impact majeur du travail du sol et de la rotation ». En l’espace de 2 années et sans travail du sol, le nombre d’épis est passé de 1200/m2 en SD et après désherbage à seulement 1,1 en intercalant un pois de printemps et ensuite un colza d’hiver. Le 2/2 ça fonctionne très bien et les résultats tiendront dans le temps.

3) le labour pour lutter contre l’hydrophobie des sols :

Là encore, j’accepte qu’augmenter ponctuellement la macroporosité peut améliorer la pénétration de l’eau mais l’impact ne sera pas durable surtout dans ce type de sol. Travailler le sol c’est aussi accentuer l’évaporation : un peu un non sens dans un pays au l’eau est rare. Enfin, il y a fort à parier que le retour de la battance et de l’échauffement du sol qui n’est plus protéger par des résidus vont rapidement inverser cette tendance positive. Enfin et selon D. Beck, les sols de cette région deviennent « hydrophobe » à cause de « cires » qui proviennent de l’écosystème « bush : broussailles » en place avant le défrichage et qui sont associées aux résidus des cultures. Ce phénomène bien réel pourrait par contre s’estomper en introduisant des plantes en C4 comme du sorgho : une approche plus écologique et certainement plus durable que de revenir à du travail du sol.

Ainsi et à la vue de ces informations et analyse, il nous reste à souhaiter bonne chance à Mr Smart qu’il sera intéressant de revoir dans quelques années. Même si ce n’est qu’un Australien dans des conditions très particulières, il représente cependant une majorité d’agriculteurs qui, de bonne fois, sont prêts a utiliser, pour résoudre des soucis avérer sur leur exploitation, des solutions qui fonctionnent mais dont l’impact ne sera pas durable voire contreproductif à moyen terme. Ici, on est tout à fait dans le traitement des symptômes et non des causes profondes du problème !


16
juillet
2014

Couverts végétaux : pensez au carré de légumes

JPEG - 112.6 koEn cette saison de semis de couverts végétaux pensez à vous réserver un petit carré de production de légumes de plein champ ou tout simplement à en associer dans le mélange du couvert. La liste des plantes candidates potentielles peut être assez longue. Il y a déjà le radis « chinois » qui est sympa à déguster à l’automne. On peut également tenter du radis noir dans les mêmes conditions. Il est d’ailleurs sensé être meilleur et plus rustique.

Coté légumineuses il y a les petits pois de conserve qui trouvent assez bien leur place dans une association et qui peuvent faire leur cycle de production si les gelées sont tardives ou encore des fèves en contre saison. Coté salades, les mâches (que nos grands-parents glanaient dans les chaumes) peuvent retrouver une place de choix tout comme la roquette (crucifère). Pour compléter ce biomax « potager » pourquoi ne pas rajouter au mélange quelques poireaux, radis et navets mais aussi des fleurs comme des tournesols et de la phacélie.

Cette liste n’est bien sur pas exhaustive et vous aurez certainement d’autres idées pour diversifier et agrémenter ce mélange qui nous l’espérons vous apportera une source facile de légume frais. Cette forme de jardinage est aussi le moyen de faire plaisir à des amis mais aussi une opportunité de communication habile sur nos pratiques.

Bon semis de votre carré de jardin et merci de nous tenir informés de vos récoltes et observations.


13
juin
2014

Localisation d’azote à l’automne : c’est maintenant autorisé par la loi !

JPEG - 262.3 koLa simplification du travail du sol et à fortiori le semis direct dans des repousses ou des couverts limite fortement les disponibilités en azote voire en phosphore à la levée et au démarrage des cultures. Si cela peut être considéré comme très positif d’un point de vue environnemental voire agronomique, puisque cet azote est ensuite, et en partie, redistribué plus tard en culture, il s’agit tout de même d’un risque de pénalité qui est aujourd’hui bien inventorié dans les réseaux TCS. En ce qui concerne le phosphore, sa disponibilité est fortement liée à l’activité biologique des sols (température) et leur pH (pouvoir fixateur). C’est entre autre pour cette raison que les trémies se sont multipliées sur les semoirs avec le développement de nombreuses solutions pour positionner une fertilisation « starter » proche ou dans la ligne de semis. Cependant, et si cette localisation était jugée utile et possible pour les cultures de printemps (orge, betterave, maïs, tournesol, ….), il était plus délicat de communiquer sur cette pratique lors des semis d’automne qui pourtant peut être souvent nécessaire ou tout du moins une bonne assurance dans nos conditions d’AC. A la demande de plusieurs de ses adhérents, l’UNIFA (l’Union nationale des industries des fertilisants et des amendements), sous l’égide de Philippe Eveillard, a défendu l’approche en zone vulnérable, en présentant un dossier technique auprès du ministère de l’environnement, pour autoriser cette possibilité de fertilisation novatrice sans restrictions de dates d’apport d’azote, pour une quantité limitée et un positionnement particulier.

Les société AGROQUALITA, EUROCHEM AGRO, TIMAC et COMPO se sont impliquées avec l’UNIFA dans la construction du dossier, pour obtenir cette ouverture fort intéressante.

En effet l’arrêté paru au JO du 31 octobre 2013 et portant sur le programme d’actions nationales en application avec la directive nitrate exempte la localisation en ligne d’engrais minéraux du calendrier d’interdiction d’épandage d’automne. Au semis des cultures d’automne, la localisation d’azote à hauteur de 10kg de N/ha maximum, à condition qu’il soit d’origine NP ou NPK, est donc autorisée par la règlementation en zone vulnérable. L’interdiction d’apport d’azote minéral à partir du premier septembre ne s’applique donc pas à la localisation d’engrais au semis à l’automne, technique, jugée par les ministères, comme innovante et associée à « un risque minime de fuite de nitrate ». La quantité d’azote apportée devra tout simplement être intégrée dans le bilan global et être enregistrée, en zone vulnérable, avec l’indication « localisation sur la ligne ».

Cette possibilité de localisation sur la ligne de semis dès l’automne est une ouverture intéressante qui va permettre à beaucoup de TCSiste et surtout SDistes de mieux sécuriser leurs implantations d’automne. C’est aussi une forme de reconnaissance par les ministères des pratiques « innovantes » et surtout agronomiquement fondées dont nous faisons la promotion. Par ailleurs, cette ouverture démontre que l’administration n’est certainement pas aussi obtuse et fermée dès lors que l’on quitte une posture de refus systématique pour se positionner plus en force de proposition cohérente et sensée. Enfin, il faut saluer ici le travail de l’industrie des engrais qui a habilement défendu le dossier dans l’intérêt de certains de leurs adhérents, bien sur, mais aussi pour l’intérêt de tous. A ce niveau aussi des collaborations constructives sont plus profitables que des oppositions stériles.


29
avril
2014

Réflexion sur le BRF (Bois Raméal Fragmenté)

Bois raméal fragmentéAprès un certain engouement pour le BRF, le soufflé est un peu retombé. Les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous avec même quelques déceptions. Avant de croire aux solutions toutes faites et faciles, il faut se pencher sur les fondamentaux et comprendre comment le BRF impacte le fonctionnement du sol, sa fertilité, son activité biologique et aussi la manière dont l’eau et la température sont gérées.

Le BRF c’est d’abord un apport massif de composés végétaux plutôt ligneux à la surface du sol. Difficilement décomposables, ces résidus issus de tailles vont tout d’abord créer un « paillage  » qui va isoler le sol et le protéger des agressions du climat. Il va réduire l’impact de l’eau et du vent en automne et en hiver mais surtout beaucoup mieux accueillir l’eau et limiter l’évaporation et garder le sol au frais en été.

Au delà de conserver une ressource précieuse à cette période, il contribue aussi, en gardant le sol frais, au maintien et au déploiement de l’activité biologique qui va pouvoir continuer à fournir de la fertilité pour les plantes en minéralisant de la matière organique. A ce niveau l’activité biologique est davantage « boostée » par une amélioration des conditions de milieu apportée par la protection, que par le BRF en tant que tel. C’est certainement cet impact qui est le plus rapide et important, ce qui explique les résultats souvent extrêmement positifs voire bluffants en jardinage, dans des secteurs rocailleux, chauds et secs, où la protection du sol et la préservation de l’humidité est immédiatement très positive en été quels que soient les procédés. Cette protection, comme c’est le cas en AC des mulchs de couverts d’interculture, retarde par contre le réchauffement du sol et la minéralisation au printemps ralentissant ainsi le démarrage des cultures.

L’activité biologique va ensuite s’attaquer aux composés ligneux à C/N élevé du BRF et consommer de l’azote dans le sol sous-jacent pour se développer. Ainsi et dans un premier temps, le BRF risque de limiter de manière assez importante la disponibilité en azote pour les cultures, azote qui se trouve mobilisé par une activité biologique de décomposition. Ceci est d’autant plus vrai que le produit est très ligneux (c’est pour cette raison que les rameaux jeunes de moins de 7 cm de diamètre sont recommandés), broyé fin (la sciure sera pire qu’un déchiquetage) et légèrement incorporé au sol (le moins pire est sans doute de ne pas travailler du tout le sol).

Enfin, le BRF améliore la structure et la fertilité mais à plus long terme. Une fois la décomposition et l’humification amorcées par l’activité biologique, celle-ci va continuer de se développer grâce à la protection du mulch mais aussi à la présence d’une ressource alimentaire importante et un nouveau flux de minéralisation va se mettre en route apportant de l’azote mais aussi une fertilité plus globale. C’est seulement à partir de ce moment là, lorsque la période de transition ou dépressive en matière d’azote est dépassée, que l’impact global sur la fertilité minérale commence à être positif et durable.

Dans la réalité (au champ) c’est en fait souvent un équilibre entre ces deux effets immédiats et souvent antagonistes qui se cumulent. Ainsi l’impact d’un apport de BRF, bien que très lié au matières premières utilisées, à leur préparation mais aussi à la manière et aux doses apportées, sera surtout influencé par les conditions de sols et de climat. En situations plutôt sèches et chaudes et cultures d’été comme en jardinage c’est plutôt l’effet « paillage » qui sera dominant avec une influence très positive, alors qu’en condition fraîche et humide c’est plus le refroidissement du sol et la préhension d’azote qui seront limitants avec un impact immédiat plutôt négatif.

Le BRF reste donc une solution intéressante. Il exige cependant un savoir-faire spécifique et surtout doit être mise en œuvre dans des conditions de sol, de climats et de cultures ou les avantages immédiats du " paillage " dépasseront assez facilement les risques de préhension d’azote. C’est seulement en respectant cette approche et ces conditions, qu’iil sera possible sans déboire, de profiter à terme du réel impact régénérateur des sols qu’apporte de BRF. Enfin, et au vu des quantités de produits demandées pour couvrir le sol, cette technique est cependant à réserver au jardinage ou au maraîchage et éventuellement dans la reconquête de fertilité de zones très érodées en cultures ; mais elle est difficile à appliquer à grande échelle en agriculture.

L’Agriculture de Conservation avec la préservation des résidus en surface mais aussi la production de biomasse par les couverts fonctionne un peu comme le BRF au niveau de la protection du sol, avec en plus les exsudats racinaires des plantes vivantes, de la fixation symbiotique d’azote atmosphérique par des légumineuses avec des produits moins ligneux et moins restrictifs sur la fertilité lors de leurs premiers stades de décomposition.

Plus autonome, plus simple et moins couteuse à mettre en œuvre ; il ne faut pas surtout pas s’en priver plutôt que d’aller chercher encore en fois des solutions externes même si elles sont « organiques  » !!!