Victor Leforestier

  • Prétraçage avant semis de maïs au Québec
3
septembre
2010

De la jachère sèche au semis direct

La rotation avec jachère est très énergivore et faiblement productive : 50q de blé sur 2 ans soit 25q de blé / an. Actuellement elle perdure mais avec des rotations enrichies par exemple blé-sorgho - jachère ou blé – maïs - jachère. C’est ce type de rotation qui a favorisé le dust-bowl dans les années 30, en laissant à nu le sol travaillé, la terre peut être emportée par le vent et l’eau. L’été, les tracteurs tournaient quasiment sans arrêt pour déchaumer d’un champ à l’autre… Les tempêtes de poussière sont maintenant plus rares, ce qui améliore la vie des populations.

Dans ces grandes plaines au climat continental (500 mm/an, de forts écarts de températures il convient d’utiliser l’eau le plus efficacement possible. En laissant les résidus en surface, le semis direct crée des effets en « cascade » :
- Les chaumes laissés droit piègent la neige l’hiver, et captent ainsi plus d’eau.
- Ils ralentissent l’évaporation de l’eau dans le sol, sur la photo on voit bien l’écran que créent les chaumes de blé.
- Le sol se réchauffe plus lentement et reste donc humide plus longtemps.
- Les résidus alimentent une vie microbienne qui participe à l’entretien de la structure du sol, plus portante et plus efficace. Dwayne Beck démontre sur sa ferme de Dakota Lakes la performance des ses sols : après 20 ans de semis direct, ses sols ne ruissellent plus ni ne s’érodent, même sous les orages les plus violents. On peut marcher à pied sec dans les champs dès le passage du pivot !

En semis direct, la réserve utile est augmentée, permettant de cultiver chaque année, c’est le premier « effet no-till ». De l’Oklahoma au Dakota, les farmers peuvent maintenant cultiver du blé chaque année, mais aussi du sorgho, du tournesol et surtout du maïs, culture la plus rentable. C’est un peu comme si chez nous on cultivait du maïs sans irrigation sur les plateaux de Bourgogne ou de Beauce.

L’intense activité biologique permet de drainer de grandes quantités d’eau dans le sol

Le deuxième « effet no-till », c’est que les rendements augmentent par rapport à une rotation avec jachère. Cette année à Frahm Farmland, les rendements des blés en monoculture sont quasiment égaux à ceux des blés après jachère. Les blés de blés ont les meilleurs rendements, la couverture du sol étant meilleure que les blés de maïs. La production de matière organique augmente progressivement sur la rotation, ce qui améliore encore le sol.

A la récolte du blé, les cannes de maïs sont encore visible. Elles sont souvent laissées hautes pour faciliter le semis, qui est réalisé à un angle de 10° par rapport au semis du maïs

2
septembre
2010

Aux USA : le " no-till " rend les farmers plus performants

Dwayne Beck, Don Reicosky, Steve Groff… leurs expériences nous font avancer dans l’Agriculture de Conservation. Dans leur pays le semis direct a fait évoluer considérablement certaines fermes vers une agriculture durable.

Direction le Midwest...

En 2008 j’ai passé 8 mois à Frahm Farmland, une ferme au Nord-Ouest du Kansas, près de la petite ville de Colby. 2 000 ha lors de sa reprise en 1986, 5 600 ha quand j’y suis arrivé, 6 500 début 2009, et demain… Dans cette zone de production de blé les fermes dites " familiales " font entre 2 000 et 5 000 ha.

De la Summer Fallow au No-Till

Dans les années 80, Lon Frahm hérite de la ferme de ses parents. Le système est très simple, à l’image de la région : les terres irriguées sont en monoculture de maïs, et sur le reste de la ferme c’est le blé et la jachère qui s’enchaînent. Ce système est encore assez répandu dans cette région de l’Ouest du Kansas et du Colorado où les fermes familiales élèvent également quelques bovins viandes en petits feedlots.

Avec une formation de gestion d’entreprise, Lon cherche à rendre sa ferme plus performante. Il investit dans le stockage, et agrandit petit à petit la ferme. Dans les années 1990, il se penche sur le semis direct, et participe à différentes conférences de No-till on the plains www.notill.org. Il invite systématiquement ses employés, très impliqués dans la gestion de la ferme, afin que le projet soit porté par tous. C’est ainsi qu’en 1995, tout le matériel de travail du sol est revendu, un semoir acheté, les terres non irriguées passent en semis direct et, nouveauté importante, elles sont désormais cultivées tous les ans !

Une sweep est composée de dents avec des socs pattes d’oies pouvant aller jusque 1m de large

La rotation est blé –blé – maïs – maïs : grâce à cette rotation en " 2+2 " chaque culture a 2 précédents différents et la gestion du salissement est facilitée. Le blé peut être implanté tôt, dés mi septembre (blé de blé) et bénéficie de la bonne couverture des résidus du précédent tout comme le maïs de blé.
Dans cette rotation c’est le blé de maïs qui est le plus risqué car en cas de semis tardif, son potentiel est affecté. Le maïs de maïs peut être semé tôt car les cannes de maïs permettent un réchauffement plus rapide du sol. Sur les terres irriguées en monoculture de maïs, l’achat de 2 strip-tillers permet de limiter le travail du sol à la future ligne de semis. Dans les années 90 aux USA il était difficile de trouver du conseil local sur le semis direct et très peu de personnes en faisaient dans la région. Le conseil est venu des vendeurs de produits phytosanitaires, de semences et de matériels. A l’heure actuelle ce sont encore eux qui assurent la promotion du strip-till, qui profite d’un intérêt grandissant auprès des producteurs de maïs.

La rotation blé/jachère est très ancienne et est toujours employée de nos jours dans le Midwest. L’objectif principal est de stocker de l’eau dans le sol en n’implantant pas de culture et empêchant que les mauvaises herbes se développent.
Après la moisson, les chaumes sont laissés intacts. L’été suivant, les déchaumages à la sweep se succèdent (jusque 8 passages pendant l’été suivant les levées), d’abord superficiellement puis jusque 15-20cm. Un passage de charrue (sans rasettes) peut également finir le travail si les adventices sont trop développés. Cela permet de faire des faux semis (dans les années 80 très peu de désherbants étaient utilisés sur le blé) et de diluer la paille.

Face à ces rotations énergivores et peu productives, le passage au semis direct est un grand changement ! La suite au prochain numéro...