Connaissez-vous les enchytréides ?

Les enchytréides, ces vers de terre bien plus abondants que les vers de terre dans de nombreux sols, de 10 000 à 300 000 au m² !

Message reçu : « Mon compost grouille de vers de terre, puis-je les mettre dans mon potager pour qu’ils enrichissent mon sol ? » Réponse : « Rien ne vous empêche, mais vous devez savoir que vos vers en seront incapables. Et je peux même vous assurer que leur fin sera finalement peu glorieuse ; sauf à faire la joie de beaucoup d’animaux, qui, par l’odeur alléchée… »

EnchytraeidaeBref, animés par leur bon sens légendaire, les paysans ne se perdaient pas autrefois dans les méandres des classifications, classant les annélides dans 2 catégories : les vers de terre, ceux qui nichent dans la terre, et les vers de fumier ou de compost, ceux qui vivent sur le sol. Quant aux autres, vivants dans les eaux douces ou salées, ils étaient naturellement exclus du champ du cultivateur.
Mais ça, c’était avant l’avènement des temps modernes, car, depuis, tous ont été rangés dans de petites boites en fonction de leur apparence ou de leur niche écologique. Et nos vers de compost ont été mis avec les vers de terre, plus particulièrement rangés dans les épigés, catégorisés avec un ensemble d’espèces souvent absentes des champs ! Et comble de la manipulation, les tests d’homologation des pesticides ne sont pas faits sur des vers de terre, mais sur un épigé ; autrement dit sur une espèce qui n’est pas présente dans les sols cultivés comme le souligne cette publication de l’INRA ! Et combien d’ingénieurs agronomes sont montés au créneau pour dénoncer ce scandale ?

« Le saviez-vous ? Au Moyen âge, on distingue 5 catégories d’animaux selon l’historien Michel Pastoureau. Et dans la 5ème, on y trouve les vers de terre, les crapauds, les rats, les crevettes… Bref, la ver-mine ! »

En dehors de cette mode qui consiste à mettre tout le monde dans le même sac, il y a aussi des vers de terre qui vivent dans la terre, mais qui ne sont toujours pas considérés comme des vers de terre, en dépit d’y vivre ! Et comme personne ne parle de cette famille, les enchytréides, nous en parlerons avec l’une des meilleures spécialistes mondiales dans la suite de l’Éloge du ver de terre, un nouveau livre à paraître au printemps 2019. Oui, je sais, on ne se prive de rien au Jardin vivant, mais n’est-ce pas cela le luxe suprême, boire le philtre de la connaissance jusqu’à la lie ?

Extrait – Les ENCHYTRÉIDES...

Enchytraeidae
« On dit » que les enchytréides sont les cousins germains des vers de terre. Mais comme toutes les espèces de vers de terre sont cousines, quelles différences avec les endogés (une autre catégorie) avec qui ils partagent le même régime alimentaire ?
Céline Pélosi  : En effet, les enchytréides sont les cousins germains des vers de terre car ils sont taxonomiquement (au niveau de la classification des organismes vivants) et fonctionnellement (au niveau du rôle joué dans les écosystèmes) très proches… /

Alors, pourquoi ne pas les considérer comme des endogés ?

… / Rien n’empêche cela dit de considérer les enchytréides comme des endogés, car, comme eux, ils vivent en permanence dans le sol, ils sont non pigmentés, ils se déplacent en creusant des galeries, ils ingèrent le sol, assimilent une partie de la matière organique que celui-ci contient, et font des déjections.

Comment expliquer que cette famille de vers qui vit dans la terre soit quasi totalement inconnue, même des milieux professionnels, alors que leur rôle dans le fonctionnement des écosystèmes cultivés est fondamental ?

Je l’explique principalement par le fait que ces organismes ne sont pas toujours visibles à l’œil nu, contrairement aux vers de terre. Historiquement, la France s’est davantage intéressée aux vers de terre et nos voisins allemands ont beaucoup plus de connaissances que nous sur les enchytréides. Ce pays rassemble une majorité du faible nombre de spécialistes dans le domaine… /

Est-il vrai qu’ils sont plus abondants que les autres dans les sols ?

Les enchytréides sont omniprésents et bien plus abondants que les vers de terre dans de nombreux sols, de 10 000 à 300 000 individus par mètre carré. Ils sont également tolérants à une plus large gamme de conditions environnementales. Bien que de petite taille, les enchytréides dominent en biomasse dans de nombreux habitats, principalement les milieux riches en matières organiques… /

Christophe Gatineau, auteur, agronome et cultivateur, directeur de la publication du Jardin vivant - www.lejardinvivant.fr - et qui a écrit l’éloge du ver de terre, publié le 19 septembre aux éditions Flammarion.