Mardi 23 janvier 2018

Limace, agroforesterie et bande enherbée : une équation complexe

Un article de A.Martin-Chave, Agroof

Les limaces sont des ravageurs très fréquents dans de nombreux systèmes de culture, en particulier dans des régions où la pluviométrie est régulière. Plusieurs espèces de limaces sont présentes en milieu agricole, et leur activité dépend entre autres de leurs écologies. Favorisés par un microclimat humide, les couverts herbacés leur fournissent gite et couvert.
En système agroforestier mature, les arbres tamponnent les variations climatiques ce qui peut également bénéficier aux limaces, en limitant le séchage du sol. L’agroforesterie présente donc des conditions potentiellement favorables pour le développement de ces ravageurs.
Et alors ?
Il faut cependant bien distinguer les espèces concernées. Les limaces grises Deroceras reticulatum sont de petites tailles, et trouvent facilement refuge dans les anfractuosités du sol. Plusieurs études ont montré que leur activité n’est pas forcément plus forte dans les bandes enherbées qu’au cœur des cultures (Frank 1998). En revanche, la "loche" Arion lusitanicus, de plus forte taille, semble elle , préférer les bandes enherbées et leurs alentours (plus ou moins 10 mètres), notamment dû à l’absence de perturbation du milieu (Honek and Martinkova, 2011). La bande joue alors un rôle d’habitat essentiel pour la population de limaces. Selon le type de culture, et en particulier si les bandes enherbées sont très rapprochées, le "risque limace" peut être élevé car plusieurs études ont démontré des dégâts importants à proximité de ces espaces non cultivés (Eggenschwiler et al., 2013 ; Griffiths et al., 2008 ; Frank 1998).
Des tests de bandes enherbées plurispécifique en Suisse (Eggenschwiler et al., 2013) ont démontré que la gestion et la diversité végétales des bandes enherbées impactent directement la quantité d’Arion lusitanicus dans la bande et à proximité : les bandes diversifiées (20 espèces en moyenne) ont favorisé les loches en comparaison de bande conventionnelle moins diversifiées (6 espèces) et travaillées chaque année. Pour complexifier encore le tableau, l’agroforesterie peut par la présence des arbres, modifier la composition des bandes enherbées (Mézière et al. 2015), et donc indirectement agir sur les stocks de cette espèce de limace en particulier.
Mais la recherche se fait aussi sur le terrain où des agriculteurs n’hésitent pas à tester des techniques variées, voire atypiques. En vidéo, une solution testée contre les limaces en maraichage agroforestier, pas forcément généralisable mais qui nous prouve enfin que les limaces peuvent être très appréciées...

Références :
Eggenschwiler, L., Speiser, B., Bosshard, A., Jacot, K., 2013. Improved field margins highly increase slug activity in Switzerland. Agron. Sustain. Dev. 33, 349–354.

Frank T. 1998. Slug damage and numbers of the pests, Arion lusitanicus and Deroceras reticulatum, in oilseed rape grown beside sown wildflower strips. Agriculture, Ecosystems & Environnement 67, 67:78.

Griffiths, G.J.K., Holland, J.M., Bailey, A., Thomas, M.B., 2008. Efficacy and economics of shelter habitats for conservation biological control. Biol. Control 45, 200–209. doi:10.1016/j.biocontrol.2007.09.002

Honek, A., Martinkova, Z., 2011. Body size and the colonisation of cereal crops by the invasive slug Arion lusitanicus. Ann. Appl. Biol. 158, 79–86. doi:10.1111/j.1744-7348.2010.00442.x
Mézière D., Boinot S., Cadet E., Fried G. 2015. Quel impact de l’agroforesterie associant grandes cultures et arbres sur les communautés adventices ? Conférence : Rencontres sur la gestion durable des adventices, RMT Florad et GIS GCHP2E. https://www.researchgate.net/publication/289532969_Quel_impact_de_l%27agroforesterie_associant_grandes_cultures_et_arbres_sur_les_communautes_adventice