DISQUE INCLINÉ : MISE AU POINT ET ÉVALUATION D’UN PROTOTYPE DE SEMOIR MONOGRAINE SD

Frédéric Thomas - TCS n°71 ; janvier-février 2013

Depuis que nous avons présenté le semoir Afdi en 2006 (TCS N° 40), l’idée du disque poussé, développé par le Cemagref dans les années 1980, a fait son chemin et plusieurs agriculteurs l’ont testé et intégré avec succès sur leurs machines. Dans le Gers, c’est François Coutant, avec un petit groupe de SDistes de la Cuma de l’Horizon1, qui travaillent sur ce projet depuis 3 ans avec l’appui, pour l’évaluation des performances, d’Agro d’Oc.

Si le semis direct fonctionne bien pour les semis d’automne dans cette région, les conditions de sol, qui oscillent rapidement de l’humide et gras au sec et dur, surtout dans les terres argileuses, compliquent sa mise en oeuvre en cultures de printemps. Bien que très performants, les semoirs « double disques », qui peuvent exiger beaucoup de poids pour pénétrer le sol en conditions sèches mais aussi peuvent créer des lissages de sillons avec des difficultés de fermeture, sont identifiés comme l’un des facteurs limitant pour la culture tout comme l’adoption et le développement du SD au printemps. De plus, en semis direct sous couvert vivant (SCV), comme le pratique le groupe, le couvert continue de pomper de l’eau et amplifie le risque de durcissement même si la structure est favorable au moment du semis. Jusqu’à maintenant, la seule réponse des agriculteurs locaux a été de charger les semoirs et d’ouvrir avec un disque droit. « Avec le semis direct sous couvert, on a réussi à créer une bonne structure en surface avec de la matière organique, de l’activité biologique et de la fertilité et c’est le semoir, ou plutôt la qualité du sillon, qui vient tout perturber au moment du semis, insiste F. Coutant C’est déjà pas simple dans nos conditions argileuses où les fenêtres d’intervention sont réduites avec en plus les coteaux où les terres changent très vite au sein d’une même parcelle. C’est encore plus compliqué avec le couvert qui amplifie l’assèchement de la surface et donc augmente cette dureté du sol au printemps bien qu’il concoure à l’amélioration de la structure et au développement de l’autofertilité, ajoute- t-il. Si pour les céréales d’automne, le semis par recouvrement avec un déchaumeur à disques indépendant permet de contourner cet obstacle et de placer la graine dans la bonne terre et sans contrainte, il nous fallait réfléchir et trouver une solution pour le maïs. Avec le semoir Max Emerge, nous avons chargé la poutre qui est déjà lourde pour mettre jusqu’à 200 à 250 kg/disque ouvreur sachant que l’élément semeur qui suit fait lui aussi environ 200 kg. C’est quasiment impossible de faire rentrer un disque droit dans une terre argileuse sèche. C’est un non-sens agronomique comme mécanique et tout ce poids devient une contrainte dans un secteur plus friable voire humide », assure F. Coutant.

C’est pour ces raisons que le principe du disque incliné et poussé, qui tranche et soulève une lèvre de sol, dépose la graine et la recouvre par le dépôt de cette bande, a été retenu. Ainsi, deux éléments semeurs ont été mis au point et testés au printemps 2011 et un semoir était totalement équipé aux semis 2012 permettant de mettre 4 sites d’expérimentation en place dans une configuration « grande parcelle » (2 en zone de coteau et 2 en zone de plaine : seulement 3 ont été conservés). Le prototype a été comparé au semoir de semis direct John Deere Max Emerge aménagé et utilisé par le groupe, le tout dans une configuration SCV avec principalement de la féverole en pure ou en association.

Malgré un différentiel de rendement légèrement en deçà de l’enthousiasme et des attentes du groupe, ce premier tour de disque en grande parcelle pour ce prototype est une grande réussite en beaucoup de points. Il garde déjà tout son sens et prouve qu’il est possible d’ouvrir autrement un sillon qu’avec un double disque. Il a également rassuré quant à sa plus grande capacité de pénétration en sol sec et dur tout comme la formation d’un sillon sans lissage qui facilite un enracinement rapide et complet du maïs. Si cette partie est encourageante et conforme aux attentes, c’est la précision du positionnement des graines (profondeur et écartement) qui doit être améliorée pour capitaliser sur les avantages d’une approche de mise en terre qualitative.

Les agriculteurs qui ont porté ce projet depuis le début et développent ce prototype en tandem avec des ingénieurs d’Agro d’Oc travaillent déjà sur des améliorations techniques pour les semis 2013. L’idée serait de reprendre la mise en terre du Max Emerge et de la placer à l’arrière du disque incliné qui ne serait utilisé en fait que comme disque ouvreur. Le double disque viendrait ensuite trancher sans effort, et donc sans risque de lissage, le milieu de la bande soulevée et viendrait déposer à profondeur régulière les graines sur le fond de l’ouverture. Couper cette « lèvre » de terre faciliterait également la qualité de la fermeture comme l’émergence des jeunes plantules. Comme ce n’est plus le semoir le maillon faible, l’idée serait même de monter le système de disques inclinés sur une poutre indépendante qui pourrait facilement s’intercaler entre tout type de semoir monograine à disques et le tracteur pour ouvrir le sillon et préparer le semis sans contrainte physique sur le sol : un dispositif relativement simple qui, dès qu’il sera testé, pourra intéresser de nombreux SDistes qui buttent encore sur la qualité des implantations de cultures de printemps. En machinisme comme ailleurs, des adaptations progressives sont souvent nécessaires pour concrétiser une innovation et la rendre fonctionnelle. Il s’agit ici de modifications « faciles » que le groupe va certainement faire rapidement afin de profiter pleinement de ce mode d’ouverture originale du sillon.


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