Cultures intermédiaires : Viser un bon développement à l’automne

Jérôme Labreuche, Jean-Pierre Cohan, Aurélie Lutton ; PERSPECTIVES AGRICOLES - n° 389 - mai 2012

Concurrencer les adventices et piéger l’azote minéral du sol pour limiter la lixiviation des nitrates, voilà les principales missions des cultures intermédiaires à l’automne. Leur bon développement est donc crucial. Un essai mené sur huit ans en Essonne montre qu’associer les espèces en incluant des légumineuses est profi table.

De 2003 à 2011, un essai mené à Boigneville (91) par ARVALIS-Institut du végétal a permis d’évaluer l’intérêt d’implanter régulièrement des cultures intermédiaires. Sur huit campagnes d’affilée, différents couverts ont été testés : crucifères, graminées, légumineuses, associations (encadré 1).

L’azote disponible dans le sol limite les biomasses Premier constat : la faible disponibilité en azote limite fréquemment la biomasse produite par les cultures intermédiaires. Pendant cet essai de longue durée, l’indice de nutrition azotée (INN), égal à 1 lorsque les besoins en azote d’une culture sont satisfaits, a été en moyenne compris entre 0,45 et 0,65 pour des espèces comme la moutarde, le radis, le seigle, l’avoine et la phacélie. Cela signifi e qu’elles étaient donc fortement carencées, faute de stock d’azote minéral suffi sant dans le sol à la récolte et de minéralisation automnale. À l’inverse, les INN du tournesol ou du niger étaient en moyenne de 0,81, signe d’une bonne capacité à absorber l’azote disponible. Les légumineuses seules présentaient en toute logique un meilleur INN moyen, compris entre 0,80 et 0,95, en partie grâce à leur capacité à fi xer l’azote de l’air en plus de capter celui du sol.

De la biomasse avec crucifères et phacélie

Dans l’ensemble, le défaut d’azote disponible, qui s’est parfois accompagné d’un manque d’eau, s’est traduit par une production de matière sèche des couverts (tous confondus) comprise entre 0,5 et 3 t/ha, donc moyenne à faible… Sauf en 2010/2011. Sur cette dernière campagne très particulière, l’insuffisance en eau a entraîné une mauvaise valorisation des apports d’azote sur la culture précédente.

Les couverts en ont profité et leurs biomasses ont oscillé entre 1,5 et 7,3 t/ha : le stock d’azote minéral élevé à la récolte, conjugué à l’été pluvieux qui a suivi, a favorisé la levée et le développement des cultures intermédiaires.

Second constat : les crucifères et la phacélie ont fabriqué plus de biomasse que les composées et les graminées, les légumineuses fournissant un niveau proche de celui des témoins (moutarde blanche, radis fourrager et phacélie). En moyenne, ceux-ci ont produit 1,9 t/ ha de matière sèche et absorbé 37 unités d’azote (figure 1).

Semer relativement tôt

Troisième constat, les observations réalisées dans cet essai et confirmées par d’autres expérimentations montrent bien la nécessité de semer relativement tôt les couverts de légumineuses. Un semis de début septembre aboutit à des couverts peu développés en entrée d’hiver alors qu’un semis au 20 août, suivi d’une levée rapide, peut permettre d’atteindre 4 t/ha de matière sèche, ce qui est une bonne performance. Dans la pratique, les aléas climatiques pouvant retarder la levée, un semis pendant la première quinzaine d’août est recommandé dans l’optique de réussir régulièrement des couverts incluant des légumineuses.

Attention à l’effet étouffant de la moutarde Des couverts qui produisent beaucoup de biomasse permettent de limiter le développement des repousses et des adventices par effet de compétition.

Par exemple, un couvert produisant au moins 4 t/ha exerce une forte concurrence sur les adventices. Cela est d’autant plus vrai que le couvert se développe rapidement en début de cycle et qu’il devient haut, provoquant l’étiolement des plantes plus courtes.

La caméline, réputée pour son pouvoir allélopathique, s’est révélée décevante à ce niveau deux années de suite. Sa faible biomasse peut expliquer cette défaillance. Au contraire, la moutarde blanche a montré toute ses qualités pour réduire le développement des repousses de céréales.

Cette qualité devient un inconvénient lorsqu’elle est associée à d’autres espèces de couverts car son pouvoir étouffant leur laisse peu de chances de croître. Il faut donc l’intégrer à une très faible densité.

Combiner légumineuses et non-légumineuses

Des mélanges d’espèces ont été introduits dans l’essai. Par exemple, huit comparaisons ont mis en relation dans les mêmes conditions un mélange de trois non-légumineuses avec les trois espèces qui le composent, cultivées seules. Les espèces seules ont produit en moyenne 1,5 t/ha de matière sèche et ont absorbé 28 unités d’azote, contre 1,3 t/ha et 25 unités pour le mélange des trois (tableau 1). Si mélanger différents couverts permet de ne pas mettre « tous ses œufs dans le même panier », l’effet de synergie entre espèces n’a toutefois pas pu être vérifié, malgré des architectures de végétation ou des systèmes racinaires différents. Vingt et une associations incluant des légumineuses ont aussi été comparées aux espèces du mélange seules. Les non-légumineuses seules ont produit en moyenne 1,8 t/ha de matière sèche et absorbé 29 unités d’azote, contre 1,5 t/ha et 60 unités pour les légumineuses seules et 2,1 t/ha et 47 unités pour les associations (tableau 1). Dans ce cas, l’effet de synergie entre légumineuses et non-légumineuses s’est donc vérifié. L’association des deux constitue un bon compromis pour concilier piégeage d’azote, couverture des sols et fourniture d’azote à la culture suivante (1).

L’ensemble des impacts des cultures intermédiaires sur la culture suivante (conditions de semis, fournitures minérales et rendements), complétés d’une approche économique, seront développés dans un article du prochain numéro.


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