Colza : le CETIOM confirme l’orientation SD et association avec légumineuses

Matthieu Archambeaud - TCS n°53 - juin / juillet / août 2009

L’association du travail superficiel et des successions d’hiver de type blé-orge-colza conduit aujourd’hui à des problèmes de salissement et de croissance limitée des colzas. Les coûts de désherbage, voire leur inefficacité, conduisent à des impasses techniques qui obligent à trouver des solutions alternatives. De plus, dans les sols superficiels la solution (efficace) qui consiste à réintroduire des cultures de printemps reste délicate. C’est pour répondre à ces contraintes « mauvaises herbes » et « croissance du colza » que le Cetiom intensifie son action dans le domaine des systèmes de culture, incluant travail du sol et association de plantes.

Gilles Sauzet, scientifique du Cetiom, a mis en place et suit depuis maintenant deux ans des essais sur le colza en semis direct. L’une des plateformes est située sur les terres de Bernard Gabaud, TCSiste de longue date installé à l’ouest de Châteauroux (36). L’objectif de l’essai est double : d’une part trouver des solutions de gestion des géraniums dans le colza en technique simplifiée dans une rotation colza-blé-orge typique des argilo-calcaires superficiels de la zone. Le deuxième est de tester la validité des associations colza-plantes fixatrices d’azote et leur effet sur le rendement et les charges de production. L’idée du colza accompagné fait suite aux résultats positifs obtenus notamment par des membres du réseau TCS et notamment Sylvain Rétif (41) et Jacques Charlot (36). Même si l’essai n’est pas encore récolté lors du bouclage du présent article, les résultats sont étonnants et confirment les diverses orientations encouragées par la revue TCS depuis quelques années.

Ne pas toucher au sol pour ne pas salir la culture

Dans les parcelles d’essai où la pression géranium est devenue extrêmement forte, l’impact du travail du sol dans l’essai est significatif sur les levées. Comme le montre le graphique ci-dessous, moins la technique de semis perturbe le sol et plus le travail est superficiel, moins on a de levées. Ces résultats confirment ceux obtenus par Arvalis sur blé (TCS n °52) et valident les observations faites dans le réseau TCS depuis des années. Logiquement, c’est le semis DP 12 suivi d’un passage de herse magnum qui est la solution la moins salissante et… la moins chère. Il est également intéressant de noter que la « propreté » du semis direct intégral, avec un SD 300 équipé de roulettes étoiles, est suivi de près par la technique de semis par recouvrement (DP 12 et bêches roulantes à 1-2 cm). Si ces résultats se confirment, le compromis entre travail très superficiel et salissement peut devenir caduc : le risque géranium est essentiellement constitué par les remontées de graines en dormance, stockées dans la couche en dessous de 2-3 cm, et remontées par un travail profond. Le futur lit de semences, assaini par les deux précédents paille, se retrouve pollué alors que l’on recherche un effet faux-semis. Ceci est d’autant plus vrai que les graines ont été ensevelies par les travaux des années précédentes. Sur la plateforme d’essai, les situations très sales correspondent en fait à des TCS classiques plus ou moins profonds, avec ou sans décompactage. La technique est celle de B. Gabaud, qui consiste à préparer le semis avec un canadien puis à semer avec un semoir à dents. Que les dates de déchaumage soient anticipées ou non, les populations adventices atteignent entre 73 et 125 pieds/m2 à l’automne. Avec une culture semée en fin d’été, le travail précoce n’a pas d’impact sur le salissement : même si le passage de canadien est anticipé, les géraniums lèvent avec la culture. Pire, le travail précoce conduit au chiffre record de 125 pieds/m2. En fait, c’est la profondeur du travail qui détermine les remontées de graines anciennes en position de germination. Ce résultat ne condamne pas les pratiques de faux-semis mais montre qu’elles sont plus adaptées à des situations de semis plus tardives, pour un blé par exemple.

Le passage de décompacteur (sans perturbation d’horizons) donne quant à lui des résultats intermédiaires entre TCS conventionnel et semis direct car il entraîne sans doute moins de remontées de graines de géranium. Réalisé dans de bonnes conditions, il permet de refaire de la structure et de la fertilité mais son impact n’est pas négligeable sur le salissement et plaide en faveur d’une fissuration raisonnée et non systématique.

Le colza reste une culture à problème

Le colza semé derrière une céréale est l’une des difficultés majeures des systèmes simplifiés. Ce type de succession concentre en effet tous les problèmes que l’on peut rencontrer en TCS et SD : une petite graine à positionner sous de la paille qui a peu évolué, une forte sensibilité aux problèmes de structure des 20 premiers centimètres du profil, des besoins en azote insatisfaits en raison de la décomposition des pailles et de la saison, sans compter d’éventuels problèmes de limaces. La gestion de l’enherbement peut également être délicate avec des semis précoces et une faible couverture du sol à l’automne-hiver. Les résultats d’enquête publiés par le Cetiom pour la Champagne berrichonne illustrent tout à fait la difficulté. En semis direct, tous types de sols confondus, 61 % des situations en semis direct restent en dessous des 30 q/ha, alors que l’on en retrouve 66 % au-dessus des 30 q/ha en labour (bien entendu, le petit nombre de situations en SD par rapport aux autres itinéraires augmente l’impact des échecs et des réussites). La situation s’améliore en TCS avec l’intensification du travail du sol. Les résultats les meilleurs sont d’ailleurs obtenus en TCS profond (supérieur à 15 cm) avec 38 % des situations qui dépassent les 35 q/ha : cela montre que ce n’est pas tant le retournement du sol qui est décisif que son organisation structurale et la disponibilité en azote. Ainsi, lorsque le sol est travaillé profondément, l’horizon 0 à 15 cm est fissuré, l’activité biologique minéralisatrice est remise en route et fournit de l’azote. Si le colza démarre dans de meilleures conditions, on ne bénéficie plus de l’effet semis direct sur le salissement. Cependant, comme le montre l’enquête, semis direct et rendement ne sont pas incompatibles, puisque dans 11 % des situations les rendements dépassent tout de même 35 q/ha : pour réussir il est nécessaire de contourner les difficultés de structure et de fertilité. Les solutions sont diverses et nous en parlons souvent dans la revue, qu’il s’agisse de la fertilisation en plein ou en localisé au semis, du semis en ligne avec ou sans fissuration ou encore du changement du précédent. Cependant, en sols superficiels, avec la problématique des assolements d’hiver à répétition et une faible fertilité, l’association colza-légumineuses semble une solution à privilégier.

Colza et légumineuses sont faits pour s’entendre

Dans la suite logique du succès des mélanges de couverts de type biomax, quelques-uns se sont rapidement orientés vers les mélanges d’espèces en culture. Ainsi de l’association du colza avec un mélange d’espèces gélives lancée par Gérard Heintz (67) ou encore de l’association colza-trèfle incarnat en bio, validée par Francis Laplace (64), puis de Jacques Charlot avec sa plateforme légumineuses- colza. Non seulement l’essai confirme la tendance, mais il montre que le colza préfère G. SAUZET être accompagné, à condition bien entendu de maîtriser les espèces en présence.

Dès que des légumineuses sont associées au colza, la quantité d’azote absorbée passe en moyenne à environ 60 unités (et jusqu’à 70 unités), ce qui représente de 20 à 30 unités supplémentaires par rapport à un colza seul. Si les légumineuses fixent sans doute une part d’azote atmosphérique, il faut également prendre en compte l’absorption de l’azote du sol, mieux prospecté grâce à une couverture plus efficace que quelques pieds de colza au mètre carré (vrai). Plus surprenant, en présence de légumineuses le colza absorbe lui-même beaucoup plus d’azote dès le démarrage : 10 à 15 unités supplémentaires absorbées par le colza, qui traduisent l’effet globalement bénéfique de l’association. Les légumineuses, contrairement aux adventices, ne font pas concurrence au colza mais exercent le rôle de booster.

L’action des légumineuses ne se limite sans doute pas à la fixation d’azote : elles ont également un rôle de déclenchement de l’activité biologique, qui est ici sans doute responsable d’une meilleure nutrition des plantes. Par ailleurs, le facteur structuration joue également un rôle déterminant. Le système racinaire des légumineuses est complémentaire de celui du colza et améliore à la fois la structure du sol et donc l’enracinement du pivot mais également la prospection du sol : en situation associée, « l’horizon 0-20 cm est correctement structuré et chaque centimètre du sol est exploré ».

Bien choisir les espèces associées

La dynamique de croissance du colza, directement liée au futur rendement, montre l’impact positif de l’ensemble des couverts testés. C’est à la montaison que s’expriment les différences. Si l’écart entre biomasse est plus important sans fertilisation, on observe tout de même une réelle différence en situation classique (170 unités) : les colzas associés sont de deux à trois fois plus vigoureux que les colzas seuls. La palme revient logiquement au mélange des espèces d’accompagnement qui développent sans doute une meilleure synergie entre elles et avec le colza. Plus surprenant, seuls les itinéraires en semis direct profitent de cette dynamique : dès que le sol a été préparé avant le semis, la croissance redevient comparable à celle du colza en pur : d’une part en situation travaillée une partie de l’azote est détournée au profit de la décomposition des pailles et d’autre part l’enherbement très important nuit à la croissance du colza.

Les espèces associées ont été choisies en fonction du sol, c’est pourquoi on retrouve plutôt des vesces, gesses, lentilles et fenugrec. Toutes les espèces ont donné des résultats positifs excepté le mélange colza-vesce qui, malgré un taux d’azote record fixé à l’entrée de l’hiver (presque 80 unités) a pénalisé la reprise du colza au printemps en raison d’une forte vigueur (résistance à un gel de – 14 °C). Bien entendu, ce type d’association n’est possible qu’à condition de supprimer le désherbage d’automne, raison de plus pour éviter toute remontée de graine au semis ; un rattrapage est de toute façon toujours possible au printemps pour nettoyer la parcelle, voire calmer ou supprimer une « accompagnatrice  » récalcitrante. Le fait est qu’il semble que le colza doit être accompagné à l’automne jusqu’à l’hiver mais que la reprise au printemps peut entraîner une concurrence. Là encore le tandem association/ semis direct fait des merveilles puisque le colza reste propre à condition que l’on n’ait pas travaillé le sol. En résumé, un colza pur ou en mélange restera propre à condition que l’on ait évité un travail préparatoire  ; et cela reste vrai y compris avec un désherbage en postlevée (Noval 1,5 l/ha pour le colza en pur).

Les systèmes de culture de demain

Partis du constat que les plantes se comportaient bien mieux en mélange dans les couverts végétaux, quelques avant-gardistes se sont lancés dans les mélanges d’espèces en culture. L’idée n’est pas neuve mais a été massivement abandonnée en agriculture conventionnelle, d’une part pour des raisons de stockage et de commercialisation des grains, et d’autre part pour des raisons de maîtrise du salissement avec des programmes de désherbage spécifiques. Bien que cet essai du Cetiom demande à être confirmé et validé dans les années qui viennent, l’expérience montre le riche potentiel des associations ; d’autant plus d’ailleurs qu’aucun facteur limitant n’est apparu durant le cycle du colza, qu’il s’agisse de semis direct et/ou d’association. L’association colza-légumineuse en SD a rempli cette année ses objectifs  : couvrir rapidement le sol pour éviter l’émergence et la concurrence des adventices, améliorer la porosité du sol et donc l’enracinement et enfin contribuer à une meilleure alimentation azotée du colza, notamment dans les périodes de rupture potentielle d’alimentation en février/mars. Le SD n’est plus ici un simple moyen de préservation des sols mais bien un outil pour faire un colza propre qui peut alors être associé à des plantes accompagnatrices efficaces. Reste maintenant à développer les mêmes systèmes pour les autres cultures de la rotation. Des pistes se dessinent déjà sur céréales.


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