Vendredi 21 août 2015
Frédéric Thomas

Après des séjours aux États-Unis et en Australie, Frédéric THOMAS débute son activité de conseil de terrain et, en 1999, il crée la revue TCS. Il s’appuie aussi sur sa ferme, en Sologne, des terres sableuses hydromorphes à faible potentiel, où il met en œuvre l’AC avec réussite. Il est aujourd’hui l’un des acteurs majeurs du développement de l’AC en France.

Plantes compagnes en céréales d’hiver

Frédéric Thomas

JPEG - 145.6 koAlors qu’il était en train d’épandre de l’azote sur ses céréales en avril (un bon mois de décalage végétatif avec la majorité des régions de France), Jim Bullock, TCSiste du centre de l’Angleterre, remarque des petites taches plus vertes dans sa culture. En descendant du tracteur, il s’aperçoit qu’il s’agit de zones où se sont développées des repousses de féverole d’hiver (culture précédente) qui sont en train de disparaître après le dernier passage d’herbicide. Ce développement et l’état de ce blé au pied de la féverole montre bien tout l’enjeu d’associer. Si l’affaire fonctionne bien aujourd’hui et est même validée sur colza, il faut absolument avancer sur ce dossier avec les céréales d’hiver : il y a trop à gagner au vue de cette photo qui doit servir de repère. Cependant cet exemple soulève une nouvelle fois la question des échanges d’azote entre plantes compagnes. Si ce n’est pas les transferts de N qui expliquent cette différence aussi forte, quels sont les mécanismes en jeu ? C’est certainement un impact rhizosphérique global, une surdynamisation de l’activité biologique mais aussi une collaboration au niveau aérien (maladies, ravageurs et protection). En fait, il serait réducteur de croire que les relations entre légumineuses et graminées et ici entre un pied de blé et un pied de féverole se limitent à de ridicules échanges d’azote. Le vivant est beaucoup plus complexe et même si nous ne sommes pas capables de comprendre toutes les interactions et d’apporter des explications, ce constat, mainte fois répété, doit nous orienter sans hésitation encore plus sur les chemins de l’association et des plantes compagnes en céréale. C’est la même approche que pour le colza qu’il faut développer avec certainement encore plus de bénéfices et d’opportunités :
-  Implanter des légumineuses compagnes avec une céréale c’est développer une meilleure couverture du sol et apporter plus de diversité pendant l’automne et l’hiver. C’est aussi une meilleure structuration et gestion de l’eau pendant cette période souvent stratégique avec à la clé, certainement une augmentation des flux d’azote et de fertilité en fin de cycle notamment pour assurer le remplissage mais aussi l’accession à de bons niveaux de protéines.
-  La stratégie peut être également inversée. C’est une céréale d’hiver qui est alors implantée dans une future culture de légumineuse pour apporter les mêmes fonctions en matière de sol mais aussi pour la gestion du salissement. Cette fois, c’est l’anti-graminée normalement appliqué sur la parcelle qui éliminera la partie « plante compagne ».
-  Enfin cette approche peut permettre de mettre en place, dans certains cas particuliers (terrains humides où les cultures ont souvent du mal à passer l’hiver), une stratégie opportuniste. C’est en fait un mélange des deux cultures qui peut être implanté à l’automne. Au printemps suivant, en fonction de la survie pendant l’hiver, du développement et de l’homogénéité de la végétation comme du salissement en place, il est possible d’arbitrer entre poursuivre vers la récolte de céréale ou celle de la légumineuse (intéressant pour se faire quelques semences de couverts) ou tout simplement convertir la végétation en place en couvert et repartir sur une culture de printemps. Au-delà de l’intérêt de cette approche « plantes compagnes » qu’il faut commencer à tester avec agressivité dès les implantations d’automne, il faut être conscient que la réussite et l’accession à l’ensemble des bénéfices ne sera possible, comme pour le colza, que si le niveau de salissement est « faible » et maîtrisé. Un point qui nous renvoie directement à l’approche rotation et système qu’il est indispensable de mettre en œuvre dans un premier temps. Tout se tient et c’est à la fois une contrainte et une opportunité. Cependant, ce sera toujours notre manière d’aborder le sujet et la diversi-té que nous intégrerons dans nos parcelles qui permettra de faire pencher la balance du bon ou du mauvais côté mais aussi de profiter pleinement de nouvelles idées et stratégies encore plus économiquement et écologiquement intensives.