Lundi 20 juillet 2020
Frédérique Hupin

Ingénieur agronome avec une expérience de 20 ans dans le management associatif, la communication et le conseil environnemental en agriculture. Frédérique HUPIN est consultante et journaliste freelance, spécialisée en agroécologie.

Se comparer aux autres pour diminuer les pesticides, faire des économies et stocker du carbone

1. Un webinaire pour les agriculteurs en pleine heure de table, il fallait oser.
2. Proposer un outil de diagnostique qui permet à l’agriculteur de se comparer à ses voisins tout en restant chez lui, c’est éclairant.
3. Avec au final des économies de fuel, d’engrais et de pesticides, là, on se crée de la marge pour avancer.
4. Et en prospective, une régénération du sol et une séquestration de carbone, nous voilà carrément aux portes de l’agroécologie.

Présentation de l'outil mySoilcapital sous forme de webinaire
Présentation de l’outil mySoilcapital sous forme de webinaire
Lara Millan, community manager chez Soil Capital, joue le rôle de modératrice pendant que Nicolas Verschuere, conseiller agricole indépendant, présente leur outil

C’était un jeudi à 19h, une heure inhabituelle pour un webinaire. Et pourtant. Dans le monde agricole, à part quand il pleut, c’est le rare moment où, peut-être, l’agriculteur rentre du champ pour écouter les nouvelles à la télé et partager un repas en famille. Le webinaire était gratuit mais une inscription préalable était nécessaire pour recevoir le lien de connexion. A part un clic, rien d’autre à faire pour pouvoir assister à une heure de présentation sur un nouvel outil créé par la société belge Soil Capital dans le but d’aider les agriculteurs à réconcilier économie et environnement. Pendant le webinaire, chaque auditeur peut poser ses questions en direct via une fenêtre de chat.

Pour rendre ce webinaire possible, Soil Capital s’est associé avec la société française Icosystème, spécialisée dans la formation mixte digitale en agroécologie et agroforesterie. « Mixte » car elle associe la formation à distance, digitale, et la formation en présentiel en réduisant cette dernière aux visites de champ. Finies les conférences endormantes en auditoire, les contenus sont fournis via internet. Chaque agriculteur peut ainsi suivre la formation de chez lui au moment où c’est le plus opportun pour lui, puis se rendre sur le terrain pour échanger concrètement avec ses confrères et le formateur. Matthieu Archambeaud, co-fondateur de la société Icosysteme explique au début du webinaire le pourquoi de leur collaboration : « nous sommes convaincus qu’avoir une connaissance précise de l’économie de sa ferme est capital pour pouvoir mettre en place des solutions innovantes qui vont dans le sens de la régénération des sols. L’outil créé par Soil Capital est complémentaire avec les formations en agroécologie que nous développons ». Nicolas Verschuere, ingénieur agronome indépendant, co-fondateur de la société Soil Capital, le confirme dans des mots un peu compliqués : « l’outil mySoilCapital est une stratégie de transition dé-risquée ». Suite à ma question sur le chat il précise : « nous souhaitons déterminer avec l’agriculteur des priorités qui lui permettront de réaliser des économies à court terme avant de se lancer dans des techniques plus ambitieuses de régénération des sols. Il faut d’abord mettre du beurre dans les épinards pour pouvoir prendre des risques calculés ».

Revoir le webinaire.

Un conseil agricole qui diminue les pesticides

Alors que la Commission européenne publiait le 20 mai dernier sa stratégie « De la fourche à la fourchette », l’outil mySoilCapital semble tomber à pic comme réponse concrète pour guider les agriculteurs vers cette nouvelle vision. La stratégie de la Commission prévoit d’optimiser l’utilisation des intrants d’ici 2030 : réduire de 50% l’utilisation des pesticides de synthèse et de 20% l’utilisation de fertilisants, diminuer de 50% la perte de nutriments (le nitrate dans les nappes phréatiques).

Réconcilier économie et environnement, telle est l’ambition de l’outil mySoilCapital créé par et pour des agronomes indépendants.

L’outil se présente comme un diagnostic fouillé, culture par culture de tout ce que l’agriculteur met en oeuvre pour obtenir ses rendements et au final son revenu. Pendant trois heures, un agronome indépendant de toute vente de produit, passe au crible les intrants de la ferme : les engrais, les produits phytosanitaires, les semences, le carburant, les heures d’utilisation des machines, l’amortissement. Chaque agriculteur peut se comparer aux agriculteurs de sa région et au groupe des meilleurs, de manière anonyme. Les résultats permettent de mesurer et de chiffrer une marge de progression. Des économies possibles peuvent être mises en évidence et c’est tout gain pour l’environnement. Une ferme d’une centaine d’hectares peut se voir diagnostiquer une économie de pesticides et d’engrais de plusieurs milliers d’euros par an !
Les risques pour la santé des sols sont mis en évidence : la compaction, la perte de nutriments, la monoculture, l’intensité du travail du sol, les périodes de sol nu, l’intensité d’utilisation des produits phytosanitaires. « On se rend compte que certains ont des pratiques agricoles qui sont très conventionnelles voire parfois … ancestrales » révèle Nicolas Verschuere. « Nous voulons aller de l’avant avec les agriculteurs ! »