Mercredi 14 décembre 2016
Frédérique Hupin

Ingénieur agronome avec une expérience de 20 ans dans le management associatif, la communication et le conseil environnemental en agriculture. Frédérique HUPIN est consultante et journaliste freelance, spécialisée en agroécologie.

Olivier De Schutter fait connaissance de la revue TCS

Les 9 et 10 décembre 2016 s’est déroulé à Bruxelles un forum d’agroécologie (www.agroecologyinaction.be)
Docs sur l'agroécologie
Durant deux jours, ce forum a rassemblé plus de 700 acteurs du monde paysan, politique et de la société civile. Son objectif était de renforcer les initiatives citoyennes et de servir de tremplin à un travail de plaidoyer visant à transformer les politiques agricoles nationales et européennes.
Au-delà de la grand-messe, qui a tout le mérite d’avoir été organisée, mais qui personnellement m’attire moins, c’est surtout l’intervenant du samedi matin qui m’a poussée à sortir de ma campagne pour me rendre à la capitale : Olivier De Schutter.
Ce Professeur de droit à l’Université de Louvain-la-Neuve dont je suis également issue (fac d’agro) est également professeur à SciencePo (Paris). C’est une sommité en matière de droit, son CV de 39 pages en témoigne.
Il est devenu « célèbre » suite à ses deux mandats de rapporteur des Nations Unies sur le droit à l’alimentation. C’est d’ailleurs dans l’un de ses rapports qu’il prône l’agroécologie comme solution pour nourrir la planète de manière durable.
Avant que les débats ne commencent, j’ose l’approcher, ma revue TCS à la main. Je lui parle alors de Frédéric Thomas, de Greenotec (www.greenotec.be), de Regenacterre (www.regenacterre.be). Il semble très intéressé et prend des notes sur la couverture de la revue TCS que je viens de lui offrir.

Flashback

Olivier De SchutterLors de son passage sur la première chaîne radio belge deux jours auparavant (http://www.rtbf.be/auvio/detail_le-forum?id=2166273) Olivier De Schutter définit l’agroécologie comme une manière de cultiver qui vise à réduire l’usage d’intrants externes (engrais, pesticides) et mise sur les ressources que la nature fournit. Il s’agit donc d’une manière plus naturelle de produire qui vise à comprendre la nature dans sa complexité.

Elle est suffisamment productive à partir du moment où l’on mesure la productivité à l’échelle de la ferme, car plusieurs cultures se mélangent sur une même parcelle. On n’a donc pas les mêmes rendements qu’en monoculture.
L’agroécologie est rémunératrice mais il faut créer de nouveaux circuits de distribution car le monde de la grande distribution exige de grands volumes uniformes.
L’agriculture industrielle telle qu’elle se pratique aujourd’hui est vouée à l’échec à terme. Il faudra trouver des solutions et l’agroécologie prépare l’avenir. En outre, elle ne se limite pas à des pratiques agronomiques, elle réunit des dimensions économiques, culturelles et sociales. On retrouve un lien avec la terre, mais aussi un lien avec les gens.
Il y a un mouvement social derrière l’agroécologie qui réunit les producteurs (paysans) et les consommateurs (mangeurs). Les intérêts de grands nombres d’organisations sectorielles convergent (les organisations qui se battent pour la santé, pour l’environnement, pour l’égalité des rapports Nord-Sud, … ) Le mouvement est très large. Le forum de l’agroécologie a réuni tous ces acteurs.
Olivier De Schutter estime qu’il est nécessaire de créer, pour la Belgique, une politique alimentaire qui mette ensemble les politiques jusqu’ici sectorielles telles que l’agriculture, la santé, l’environnement, la protection des consommateurs. Une vue harmonisée et trans-sectorielle de ce à quoi doit ressembler l’alimentation en Belgique demain est nécessaire.
Olivier De Schutter rajoute : "il faut avoir le courage de poser la question du prix juste de l’alimentation tout en mettant en place une politique sociale de redistribution. L’alimentation low-cost ne doit plus être un substitut à des politiques sociales qui protègent les ménages les plus pauvres. Il faut arrêter de prendre le monde agricole en otage sous prétexte d’une alimentation low-cost pour tous. Il faut diversifier les circuits de distribution afin d’éviter que les agriculteurs ne soient pieds et poings liés à un seul système qui décide du prix. Il est vrai que nos modes d’alimentation ont évolué, on passe de moins en moins de temps à cuisiner et à manger ensemble. Nous aurons besoin de temps et devrons réapprendre à cuisiner les produits frais."
L’agroécologie est encore relativement confinée mais elle s’étend très vite. Les pouvoirs publics s’y intéressent et font en sorte qu’elle se diffuse plus rapidement.
Concrètement le politique peut apporter son aide au travers de l’utilisation des marchés publics (pour les cantines scolaires par exemple) en créant des cahiers des charges qui permettent à des producteurs de « postuler » pour des marchés où leur plus-value locale sera mise en valeur (NDLR : ceci est en cours en Wallonie via www.lecliclocal.be). Le politique peut également appuyer les circuits de transformation, de stockage et de distribution (NDLR : en cours également en Wallonie www.saw-b.be/spip/18-Hall-Relais-en-preparation).
En conclusion : créer un conseil de politique alimentaire, changer la société sans prendre le pouvoir mais en l’exerçant. Car « la principale limite de notre pouvoir c’est que nous n’osons pas l’exercer ».