COUVERTS VÉGÉTAUX : UNE RÉUSSITE QUI DONNE ENVIE

Frédéric Thomas - TCS n°65 ; novembre-décembre 2011

Dans beaucoup de secteurs, le développement des couverts végétaux a été exceptionnel l’automne dernier et les nombreuses photos et mesures que vous nous avez fait parvenir l’attestent. Il y a 10 ans, si nous parlions déjà d’intercultures, produire en trois mois, après une céréale, 5 à 10 t de MS/ha et se retrouver à semer dans des végétations aussi hautes que le capot du tracteur, semblait réservé au Brésil et tout simplement inenvisageable dans nos conditions pédoclimatiques. Pourtant, et malgré les arguments classiques souvent évoqués par les détracteurs (trop sec, trop humide, trop froid, trop cher ou pas le temps...), nous y sommes parvenus. Nous pouvons être fiers de ce résultat qui va impacter très positivement le fonctionnement de nos parcelles dans les années à venir et sécuriser, voire booster, nos résultats techniques avec à la clé des économies substantielles.

Certes, l’année a été favorable avec de l’humidité après la moisson suivie d’une grande douceur automnale stimulant la minéralisation. Cependant, cette réussite n’est pas le fruit du hasard, elle est avant tout le résultat de beaucoup de détermination et d’efforts qui, au cours des années, ont permis, grâce aux réseaux TCS, d’élaborer, de construire et de s’approprier un savoir-faire très spécifique. Plus que de simples Cipan, les couverts sont devenus, après le semoir de la décennie précédente, l’outil, le pilier central des systèmes AC. Aujourd’hui, cette réussite ne peut que renforcer cette position en élargissant les objectifs : « remplacer l’acier par des racines, le gasoil par de la photosynthèse et l’urée par des nodosités ».

Les couverts végétaux, en plus de leurs impacts agronomiques et environnementaux, ont été un formidable support d’observation, d’apprentissage et de compréhension du vivant. Véritable carburant de la fertilité des sols, ils nous ont permis d’appréhender différemment, au travers des processus de recyclage des nutriments et du développement de l’autofertilité, la gestion de la fertilisation avec, là aussi, des potentiels d’économie encore insoupçonnés. Ce sont les couverts qui ont fait rentrer dans nos fermes une multitude de plantes nouvelles ou oubliées et, entre autres, des légumineuses. Ils nous ont montré l’intérêt et surtout la robustesse des associations pouvant aller jusqu’au « biomax ». Ce sont encore les couverts qui nous ont permis de comprendre qu’il ne suffisait pas de respecter le vivant, il fallait aussi, et avant tout, l’encourager. Ils sont, à ce titre, une formidable ouverture vers le concept de biodiversité fonctionnelle et démontrent sur le terrain qu’il vaut mieux cultiver la vie et la diversité que de lutter inexorablement contre des ravageurs et des maladies, au risque de développer des « déserts » stériles rapidement recolonisés. C’est un bien meilleur rempart même s’il n’est pas totalement étanche.

La maîtrise des couverts végétaux après moisson a fourni de nouvelles opportunités et a permis le développement de cultures dérobées ou secondes cultures qui deviennent des compléments de revenu non négligeables. C’est aussi une ressource alimentaire de grande qualité pour des herbivores mais aussi des digesteurs : un niveau de production de biomasse qui dépasse aujourd’hui largement ce qu’une prairie moyenne est capable de produire dans son année et cela pour un coût très modeste. Enfin, ces nouvelles opportunités de récolte et/ou de valorisation viennent quelque peu perturber des rotations bien établies mais cette ouverture et cette complexité apparente débouchent souvent sur davantage de robustesse, d’autonomie et d’économie.

Les couverts végétaux sont aussi à l’origine d’innovations notables. C’est grâce à des plateformes d’évaluation de mélanges où l’on insérait des colzas comme compléments de diversité que nous avons constaté l’aptitude de cette culture à supporter la « concurrence » automnale d’autant plus qu’elle est typée légumineuse.

Ce sont toujours les couverts végétaux, et surtout la montée des biomasses qui ont fait émerger le « roulage » ; une forme de destruction « douce » et économe. Par ricochet, ce nouveau mode de gestion astucieux apporte d’autres utilisations : le rouleau crêpeur (rolofaca) peut lacérer des résidus de maïs ou éventuellement servir de « désherbant » sélectif.

En parallèle, ce type de couverts imposants permet de tisser des liens positifs avec des acteurs périphériques. Combien d’apiculteurs, de chasseurs mais aussi d’amateurs de la faune ou de la flore sont satisfaits de constater et de mesurer les impacts très nets de ce changement radical sur le domaine de toutes leurs attentions. Les biomax sont en complément de formidables moyens de communication. Si un champ fleuri à l’automne, avec des couleurs multiples, interpelle déjà les personnes du monde agricole, il ne laisse pas indifférents les plus néophytes. Sans grand discours ni argumentation, il est simple de voir que l’approche est différente, facile de comprendre que l’on encourage la vie et la biodiversité.

Si beaucoup d’agriculteurs ne sont pas encore convaincus de l’intérêt, et par conséquent de la faisabilité des couverts végétaux, cette réussite se voit nettement dans les champs et ne peut plus être ignorée. Cependant, à l’inverse du « non » labour, qui se positionne maladroitement en opposition et divise, le couvert végétal avec d’emblée « plus » de vert, « plus » de vivant, « plus » de diversité est un élément rassembleur qui donne envie à tous les agriculteurs qu’ils soient en TCS, en conventionnel ou engagés dans l’AB. À ce titre, ce sont certainement les couverts végétaux, formidable outil de progrès, qui vont devenir l’élément moteur du développement des TCS et du SD dans les années à venir en France tout en favorisant l’émergence de nouvelles tendances.

Cette réussite affirme enfin la cohérence des orientations que nous avons prises avec détermination depuis plus de 15 ans, même s’il faut admettre que la route est longue et parfois semée d’embûches. Aujourd’hui, il faut bien entendu capitaliser sur ce succès sans pour autant relâcher notre attention en direction de systèmes encore plus efficients et autonomes où la connaissance, l’écologie et l’homme seront de plus en plus repositionnés au centre des préoccupations. Avec ces encouragements, l’ensemble de l’équipe TCS vous souhaite une bonne année 2012 avec beaucoup de réussite et de progrès.


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