L’agriculture de conservation : développement et mise en pratique

Article paru dans Planète IET

Vision internationale de la problématique des sols pour ces nouvelles rencontres centrées sur l’agriculture raisonnée, avec la participation de représentants de la Communauté Européenne, du Canton de Berne ainsi que des spécialistes du monde associatif agricole.

Le principal défi auquel doivent faire face les experts européens chargés de la protection des sols est leur érosion. La terre est un formidable réservoir pour la production alimentaire, un filtre naturel pour les eaux souterraines. Elle assure les fonctions écologiques essentielles et offre un paysage et un patrimoine culturel à l’Homme. L’érosion provoque le déclin de la matière organique, favorise la contamination des sols, leur imperméabilisation, la perte de la biodiversité, la salinisation, la production d’alluvions, sans compter les glissements de terrains.

Le premier pas vers une solution est de mettre en place un suivi d’observation international de l’érosion des sols pour avoir des mesures fiables et réparties dans le temps pour détecter les changements. Une information appropriée sur les ressources à conserver est nécessaire. Or souvent les cartes sont simplifiées au détriment d’une réalité plus complexe. Les agriculteurs sont les premiers acteurs conscients de la perte de la fertilité et de ses implications. Selon Lucas MONTANARELLA, expert à la CEE (Institute for Environment and Sustainability), il faut découpler l’impact environnemental de l’économique et adopter une stratégie thématique pour la protection des sols. Voir à ce sujet

Copier les écosystèmes

C’est à la fin des années 90 que l’on a compris le processus de dégradation du carbone et ses conséquences sur la production et l’environnement. Les écosystèmes séquestrent le carbone depuis des millions d’années (charbon, pétrole, méthane, gaz naturel…). Dans leurs cycles végétatifs, les plantes travaillent au recyclage des gaz, de l’eau et des éléments minéraux. “Et nous fonctionnons comme des miniers sur un stock de carbone” précise Konrad SCHREIBER de l’APAD. La dégradation de la ressource est due à l’intensification de l’impact du travail du sol. Une des conséquences en est l’oxydation de la matière organique et le bouleversement des horizons. Le carbone séquestré se combine à l’azote pour évoluer de la matière organique vers l’humus (C+N). Sa destruction par oxydation donne naissance au CO2 et aux nitrates (NO3) qualité de l’air et des eaux). Le bouleversement des horizons est destructeur pour la vie biologique (biodiversité) car il détruit les milieux de vie. Le problème central est la stabilité des sols : en réduisant le travail du sol, on minimise sa dégradation. En associant le semis direct à l’implantation des cultures et des couverts végétaux, il est possible de reconstituer le stock de carbone dans le sol et d’améliorer sa fertilité naturelle par la diversification des ressources carbonées. Le but est de copier le fonctionnement des écosystèmes naturels en respectant les cycles de l’eau, du carbone, des saisons, des minéraux, des communautés biologiques. Ce système donne ainsi naissance à une véritable agriculture organique de séquestration du carbone. Pour l’Apad, il s’agit de promouvoir des modes durables de production agricole dans le respect de l’environnement, assurant des revenus aux agriculteurs et à un coût supportable pour la collectivité. Il faut souligner l’importance de l’activité des associations qui partout dans le monde font la promotion de l’agriculture de conservation. Elles rassemblent des experts, des praticiens, des agents de développement et favorisent l’interconnexion des savoirs et des compétences grâce à une expérimentation en réseau.

La mémoire du sol

"La déstructuration d’un sol nécessite un recours à l’irrigation et à la surfertilisation. Un sol fragilisé est incapable de se réorganiser seul : il ne peut se passer du travail régulier de l’agriculteur", nous précise Frédéric THOMAS de Farming Communication. Pour remédier à cela, il propose de raisonner et d’adapter le travail du sol, les rotations de cultures et de développer les couverts végétaux. Les techniques simplifiées participent d’un réflexe sur la durabilité. L’écosystème des sols est un complément de l’écosystème de surface. La chimie verte est une autre piste possible pour l’agriculture : la production de maïs pour fabriquer des sacs biodégradables, les isolants à base de paille et autres produits organiques en sont des exemples. Le principe est de ne pas oublier que le carbone est la clé de voûte de la préservation de l’environnement. “Ce n’est pas seulement le blé qui sort de la terre labourée, c’est une civilisation tout entière” Lamartine.


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