Hommage à Hubert Charpentier

Hubert Charpentier nous a quitté le 4 Avril 2022.

D’origine berrichonne, Hubert naît le 25 août 1952 ; il grandit dans la ferme familiale située sur les plateaux argilo-calcaires de l’Indre, au Sud d’Issoudun. Diplôme d’ingénieur agronome en poche (ENSA de Rennes, 1974), il part en 1978 en tant que volontaire du service national en Guyane française sur le jeune polder rizicole de Mana. Le dispositif de recherche est encore modeste et lui permet d’expérimenter une approche… essentiellement cynégétique de la riziculture !

Première affectation à Madagascar

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Crédit : Pour une agriculture du vivant

En 1980, Hubert intègre le DSA pour une première affectation à Madagascar, auprès de la Société Malgache d’Aménagement du Lac Alaotra (SOMALAC). Jusqu’en 1986, il est en charge de la recherche d’accompagnement pour les rizicultures à maîtrise d’eau partielle et les systèmes de culture pluviaux. Il conduit des expérimentations avec les agriculteurs visant à l’amélioration des systèmes de culture et de production à l’échelle des terroirs villageois en recoupant systématiquement l’ensemble des unités morpho-pédologiques composants les paysages. Ces approches de recherche-action constituent une première déclinaison en contexte d’agriculture de subsistance des méthodologies de « création-diffusion-formation » conçues et déployées au Brésil par Lucien Séguy sur les grandes exploitations mécanisées des Cerrados. Elles couplent, pour chaque agroécologie, la conception des systèmes de cultures, notamment avec l’intégration de culture de blé et de haricot en contre saison, avec leur ajustement thématique (sélection variétale, fumure minérale …). Cette articulation entre composantes systémiques et thématiques organise la production de connaissance sur les performances et les conditions de la durabilité des systèmes et débouche sur des mécanismes expérimentaux d’accès au crédit et intrants. Ses travaux font l’objet d’une synthèse du Cirad intitulée « Des chercheurs chez les paysans » à un moment où l’approche participative commençait à émerger au niveau international. Ils constituent une contribution décisive dans la diffusion de système de culture à base de riz pluvial, dans la région du Lac Alaotra. Dans cette région il continuera à développer son approche cynégétique du milieu naturel, se spécialisant sur les Anatidae de bas-fonds.

Premières expériences d’AC en Afrique de l’Ouest

A partir de 1987, il rejoint l’Institut des Savanes (IDESSA, intégré au CNRA en 1998) à Bouaké pour travailler sur la fixation, par des voies agrobiologiques de l’agriculture à base d’annuelles, en zone forestière et de savanes. Des dispositifs pérennisés en milieu paysan, couvrant plusieurs dizaines d’hectares, sont développés à Tcholelevogo au Nord en pays Senoufo, et dans le centre, à Brobo, à l’Est de Bouaké (Agriculture et développement n°21, 1999). Ils ouvrent les voies de restauration accélérée des sols sous jachère par introduction de couverts végétaux et de gestion durable et continue des systèmes de culture en semis direct sur des couverts (SCV) morts ou vivants. Ces dispositifs constituent les premières expériences à grandes échelles d’agriculture de conservation en Afrique de l’Ouest ; ils soulignent la nécessité de coupler le développement de ces techniques avec l’embocagement et une gestion concertée des terroirs pour redéfinir les voies d’intégration avec l’élevage et contrôler les feux.

Semis direct à Madagascar

Il revient à Madagascar auprès de l’ONG TAFA de 1998 à 2005, année où il quitte le Cirad. Il conçoit et pilote avec les agronomes malgaches de TAFA des dispositifs de référence en appui au développement des techniques de SCV sur la côte Est (Manakary, Mananjary), au Lac Alaotra (grenier à riz du pays) ainsi que dans l’Ouest (Morondava) et le Sud-Ouest (Tuléar) de l’île. Ce réseau est complété par les expériences de TAFA et du Cirad (Roger Michellon) sur les Hauts Plateaux et dans le Moyen-Ouest. Il permet de créer et évaluer les performances agro-techniques et économiques de systèmes de cultures agroécologiques à base de couvert végétaux en adressant la diversité des grands agroécosystèmes cultivés à l’échelle du pays et la variabilité des réalités techniques, économiques et sociales du monde rural. Les acquis de ces travaux et ceux qui les ont précédés ont été capitalisés dans un manuel technique du Semis Direct à Madagascar, très complet, pour lequel il a joué un rôle clef de conceptualisation et de structuration. Les dispositifs de terrain qu’il a mis en place ont servi de support de formation à de nombreux agronomes, qu’ils soient malgaches ou français. Chaque mission de terrain étant pour Hubert l’occasion de partager généreusement son expertise agronomique.

Retour dans le Berry

A partir de 2000, il reprend la ferme familiale et s’attache à y développer des systèmes d’Agriculture de Conservation adaptées au contexte de la Champagne berrichonne, d’abord à base de couverture morte ; puis, face à la variabilité climatique, il met au point, avec d’autres agriculteurs pionniers de l’AC en France et l’appui de Lucien Séguy, la conduite du blé sur couverture vive de luzerne et lotier corniculé qui devient un élément central d’un système de culture performant et résilient. Dans chacun des termes de la rotation, il conserve des bandes sous travail du sol faisant de sa ferme un des rares dispositifs de référence en France sur une agriculture de conservation parfaitement maîtrisée. Au cours des dix dernières années, Hubert s’est employé à partager son expérience et ses savoir-faire à travers des formations d’agriculteurs et des vidéos, dont certaines totalisent plus de cent mille vues.

Sa très grande capacité de travail, sa vivacité d’esprit, sa grande connaissance de la nature et son humour décapant en faisaient un chercheur hors pair et un collègue auprès duquel on s’enrichissait chaque jour.
Nous avons une pensée amicale et solidaire pour Dominique, sa femme et Stéphanie, Hervé et Pascaline, ses enfants, ainsi que ses petits-enfants.
- Le Cirad, par la voie de Elisabeth Claverie de Saint-Martin, PDG.