Lundi 21 mars 2022
Djamel Belaid

Après plusieurs années de terrain et d’enseignement à l’université de Batna (Algérie) puis de conseil agricole en grandes cultures au niveau de la Chambre d’agriculture de l’Oise, Djamel BELAID collabore à différents médias algériens. Préoccupé par les questions de développement agricole en milieu semi-aride, il s’intéresse plus particulièrement aux questions de non-labour et d’échanges entre agricultures des deux rives.

Algérie : le colza au secours du semis direct

Deuxième année de relance du colza en Algérie. Une aubaine pour l’extension de la pratique du semis direct. Car rien n’y fait : économie de carburant, réduction des coûts d’implantation, meilleure valorisation de l’humidité du sol, rapidité de semis. Tous ces avantages sont balayés par un seul argument : l’extension des infestations en brome avec le semis direct. Insérer un colza dans la rotation pourrait réduire ce genre d’infestation et "couper l’herbe sous le pied" des détracteurs du semis direct.

Colza, une relance ambitieuse

La relance du colza par l’Institut Technique des Grandes Cultures date de l’année dernière. L’objectif était de semer 3 000 hectares. Pour rendre attractive la culture, le prix d’achat du quintal de colza a été fixé à 9 000 DA(1) contre 7 500 DA l’année passée. Par comparaison, le prix d’achat du quintal de blé dur est de 6 000 DA. La marge brute par hectare est donc intéressante mais à condition d’arriver à un minimum de 20 q/ha. Des pointes de plus de 30 quintaux ont été observées. Pour la campagne agricole en cours, les services agricoles disent viser les 40 000 hectares. Outre les semences, des barres de coupe verticales ont été importées.

L’Algérie tente de répondre aux importations croissantes d’oléagineux. Ce défi concerne également la Tunisie et le Maroc. Depuis 2014, ces deux pays se sont attelés à relancer la culture du colza et du tournesol. Ils ont fait appel à l’expertise française notamment à travers les filiales locales du groupe Avril fortement investi dans la région. Ces deux pays importent massivement des semences et bénéficient d’un soutien financier et technique de l’Union Européenne dans le cadre du programme Maghreb Oléagineux. L’aide technique englobe des essais expérimentaux et une vulgarisation incluant des documents et la production de vidéos en langue arabe.

Les colzas qui se plaisent en zone littorale

Pour beaucoup d’agriculteurs, la culture du colza est une première. La mobilisation d’équipes de techniciens de l’ITGC a permis d’installer du colza dans les endroits les plus improbables : depuis la riche plaine côtière d’El Tarf, jusqu’en plein Sahara sous pivot d’irrigation ou entre les palmiers en passant par les hautes plaines céréalières du Constantinois.

Beaucoup d’agriculteurs tâtonnent : trop grand espacement entre rangs, surdosage sur la ligne de semis, fertilisation azotée insuffisante, herbicides périmés, égrenage lié à des retards à la récolte.

Colza département d'El Tarf, Algérie - mars 2022A Besbes, (département d’El Tarf), les plants de colza atteignent près de 2 mètres de haut. Hamza Bounour, le délégué local de la firme Basf, pose fièrement devant la parcelle. Pour lui, mieux que des prévisions de surfaces décidées dans des bureaux, le développement de la culture peut faire tache d’huile à partir de parcelles correctement suivies et d’agriculteurs satisfaits.

La culture a été semée le 3 novembre et a reçu 100 unités d’azote sous forme d’urée 46% et un traitement fongicide contre le phoma.

Les plants présentent un développement impressionnant. Kraïmia Hamid est l’heureux propriétaire de la parcelle. C’est la deuxième année qu’il sème du colza et dit avoir acquis de l’expérience. Le représentant de Basf compte le nombre de tiges à la base d’un pied et en dénombre 12. Déjà les premières siliques apparaissent et les abeilles suivent.

Mais précise l’agriculteur, "cela n’est obtenu que grâce à un fort apport d’azote. La parcelle voisine qui n’en a reçu que les deux tiers est nettement moins développée".

Parmi les variétés utilisées, celles de Basf font l’objet d’une large vulgarisation par le biais de technico-commerciaux recrutés localement. Les variétés commercialisées appartiennent à la gamme InVigor de type controversé Clearfield résistantes aux imidazolinones.

La transformation de la production est assurée par l’entreprise AGC-SIM d’El Hamoul (Oran) qui fonctionne habituellement avec des graines de soja importées. Cette entreprise développe un partenariat avec le groupe Avril et approvisionne aujourd’hui la majorité des unités de raffinage des huiles brutes.

Définir les zones de culture du colza

Reste à voir si la rentabilité de la culture est assurée dans les zones céréalières de l’intérieur du pays. Dans les années 1970, des essais de culture de carthame avaient été tentés. L’extraordinaire développement en Australie de cet oléagineux adapté au climat semi-aride mériterait d’être pris en compte par les services agricoles algériens. L’extension de la culture des oléagineux permettrait de rompre avec la monoculture des céréales à paille et du cortège associé : infestations de brome, ray-grass mais aussi de vers blancs et de permettre ainsi l’extension du semis direct.

(1) Pour apprécier la valeur du Dinar Algérien, une baguette de pain coûte 10 DA.